Anlor : « L’art est à la fois le miroir de notre civilisation, et une échappatoire imaginaire pour en sortir un peu. »

Il y a quelques mois, je me suis rendue au 16ème festival de la Bande Dessinée et du Livre Jeunesse, organisé chaque année à Vigneux-sur-seine (91) par la ville et l’Association Bulles en Seine. J’y ai rencontré Anlor, dessinatrice de BD dont j’ai pu admirer les travaux et qui a gentiment accepté de répondre par la suite à mes questions :

Partons à sa rencontre !

Combat : Quel est ton parcours d’illustratrice ?

Anlor : J’ai toujours voulu faire de la BD mon métier. Après le bac et une année de prépa artistique, j’ai tenté les concours des écoles d’art. Ayant fait énormément de BD (non publiées !) depuis l’enfance et l’adolescence, je souhaitais aller vers des études plus larges que la seule BD : Je suis donc entrée aux Arts Déco de Paris, où je me suis spécialisée en cinéma d’animation : une autre façon de gérer une narration, des cadrages et un rythme séquentiel. Après ça, j’ai travaillé quelques années dans l’animation (clips, storyboards, animations, série TV en tant qu’animatrice puis réalisatrice). C’est seulement à 30 ans que j’ai renoué avec la BD.

Combat : En quoi consiste une semaine « type » d’illustrateur,quel est ton quotidien ?

Anlor : Il est très solitaire car je travaille chez moi, pas en atelier. Je dois être à la fois rigoureuse et souple dans mes horaires : si je dois prendre un moment dans la journée, je reporte le boulot au soir, ou tôt le lendemain. Et les week-ends, je rattrape l’éventuel retard sur le planning avec quelques heures ici ou là. C’est ce qui me permet, à la fin d’une année, d’avoir pu terminer ma BD dans les temps prévus avec l’éditeur.

Combat : Tu as réalisé récemment une bande dessinée, peux tu nous la présenter ? Comment l’as-tu élaboré ? 

Anlor : Je viens de terminer le tome 1 de Camp Poutine. Il existe déjà un album N&B un peu confidentiel, mais l’album en couleurs paraîtra au printemps 2019. Avec le scénariste Aurélien Ducoudray, on y évoque un groupe d’enfants en Russie, de nos jours, qui participent à un camp d’été patriotique paramilitaire en pleine nature. Pour eux c’est à la fois l’exaltation d’être en groupe, en camping dans un décor vierge, et la découverte du patriotisme, voire d’une sorte d’endoctrinement. Jouer à la guerre peut être dangereux… jusqu’où ira le jeu, quelle est la limite ?

Camp-Poutine.jpg

« extrait de Camp Poutine – A. Ducoudray et Anlor © Bamboo Editions »

Combat : Quel est le titre du dessin que tu as choisi (ci-dessus) et pourquoi ? Que représente-t-il ?

Anlor : C’est un extrait de Camp Poutine. Deux copains doivent passer la nuit aux abords du camp pour monter la garde, et les histoires pour se faire peur qu’ils se sont racontées à la veillée au coin du feu resurgissent : cette séquence montre bien que leur imaginaire ne demande qu’à prendre le pas sur la réalité, c’est une limite ténue qui se dessine. On sent aussi leur fascination pour les armes, à la fois symbole de protection et de danger…

Combat : Tu as gagné un prix en 2015 pour une de tes bandes dessinées ? 

Anlor : Oui, pour les Innocents Coupable, j’ai gagné le prix des Lycéens de la région Picardie, dans le cadre du festival d’Amiens. Un super prix, car c’est en quelque sorte un prix du public. Ça veut dire qu’on a su toucher ou émouvoir par ce récit des lecteurs, des gens, c’est juste le but recherché et ça m’a encouragé à continuer.

Combat : Quels sont tes prochains projets ? 

Anlor : Le second tome de Camp Poutine, pour boucler l’histoire !

Combat : Comment décrirais-tu ton univers artistique ? Ton style ?

Anlor : Je dirais que j’ai un style ado-adulte, semi-réaliste, hérité de la BD franco-belge avec un peu d’influence asiatique.

Image associée
Coucher Dehors © Anlor

Combat : Participes-tu régulièrement à des salons, conférences ou expositions ? 

Anlor : Moins depuis l’an dernier. Mais aller en festival BD reste important pour rencontrer directement les lecteurs. Ce sont de bons moments bien que le contraste entre la solitude et l’effervescence soit parfois violent.

Combat : Quelle « relation » entretiens-tu avec le dessin ? Depuis quand ? 

Anlor : Passionnelle, depuis toujours ! À 4 ans, je voulais déjà faire de la BD. A 8 ans je dessinais mes BD. Après l’école je faisais mes devoirs, puis j’ouvrais mes cahiers de dessin jusqu’au soir. C’était mon loisir n°1. Curieusement, depuis que je suis professionnelle, je ne dessine plus à côté, ou en vacances. 8h par jour me suffisent !

Combat : Où puises-tu ton inspiration ? 

Anlor : Comme beaucoup, à la fois dans la vie et dans mon imaginaire qui se nourrit de mes émotions, de mes envies, de mes lectures, et visionnages…

Combat : Quel est ton matériel de dessin ? 

Anlor : Papier technique, encre de Chine, plumes et pinceaux, feutres à l’encre de Chine. Pour la couleur par contre, c’est tout numérique !

Combat : Quels sont les artistes que tu admires le plus et pourquoi ?

Anlor : Question piège ! Bien sûr, j’en ai. Mais j’ai toujours peur d’en oublier, ou qu’on fasse des raccourcis hâtifs au sujet des influences supposées. Alors on s’en fiche, laissons le trait s’exprimer librement.

Combat : Quels thèmes préfères-tu dessiner ? 

Anlor : La Nature… et la nature humaine.

Combat : Quelles difficultés rencontres-tu en tant qu’artiste ? As-tu un conseil à donner à un jeune qui voudrait se lancer dans une carrière d’illustrateur ?

Anlor : Écoutez-vous pendant vos études ! Allez vers le secteur qui vous passionne sans forcément tenir compte des dissuasions de l’entourage (« le secteur est bouché, métier instable, il y a peu d’élus… »). Si vous ne tentez pas, vous serez sûr de ne pas y parvenir. Et en plus vous serez aigris d’être passé à côté !

Combat : Quel est pour toi la place de l’art dans notre société actuelle ? Résultat de recherche d'images pour "Innocents Coupable bd"

Anlor : Ce n’est pas un hasard si l’art existe depuis la nuit des temps, et dans toutes les civilisations : il est nécessaire ! C’est à la fois le miroir de notre civilisation, et une échappatoire imaginaire pour en sortir un peu. Ça amène donc à une réflexion, à une prise de recul. La démarche artistique participe à construire des adultes qui auront une une certaine distance avec le quotidien. La notion créative amène à remettre les choses en question, c’est universel et nécessaire ! Sinon, on suit, on consomme sans se poser de question, on n’invente rien et on attend que ça se passe…

 

Le blog d’Anlor ici 

 

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