Les migrant·es, pour arriver en Europe, traversent la Méditerranée dans des conditions très précaires, dangereuses, qui mettent leur vie en péril. Ce fait est connu de la majorité. Mais ce qu’on connaît moins, c’est le sort qui est réservé à certain·es migrant·es qui parviennent à rejoindre l’Europe. Pour une partie, iels sont transféré·es en Sicile ou en Calabre après avoir été secouru·es en pleine mer. D’autres rejoignent le sud de l’Italie totalement clandestinement. Mais que leur situation soit régularisée ou non, la vie sur place est compliquée pour les personnes qui séjournent dans le sud en Italie. En proie à la précarité, elles se retrouvent forcées à travailler illégalement pour des patrons souvent peu scrupuleux. Ainsi, les années passent et les scandales se multiplient, tous plus frappants les uns que les autres. On a bien à faire à une exploitation qui, dans un pays de l’Union Européenne, semble à première vue surréaliste.
Un des derniers scandales en date, en juin 2018. Soumaila Sacko, un immigré Malien de vingt-neuf ans, a été tué par un de ses exploitants alors qu’il allait récupérer une tôle dans une décharge en Calabre. Ce scandale intervient dans un contexte où ce jeune était exploité dans une exploitation d’agrumes, en même temps que quelques milliers d’autres immigrés. A peine vingt ou vingt-cinq euros pour douze heures de travail par jour, selon Ibra, un autre travailleur de la même exploitation. Outre le salaire ridicule, ces migrants vivent dans des campements insalubres, où l’électricité et l’eau courante et potable sont difficilement accessibles. A peine croyable, et pourtant cela se passe réellement en Italie.
Un autre scandale, datant lui d’août 2018. Seize ouvriers agricoles sont morts dans deux accidents de voiture dans la région des Pouilles, ce qui a fait ressurgir, encore une fois, la problématique du travail des migrant·es en Italie. Dans de nombreuses exploitations de tomates, d’agrumes, de légumes, la situation est la même : des migrant·es (hommes pour la très grande majorité) soumis·es à du travail forcé, pour des sommes risibles, vivant dans des conditions horribles. D’autres, encore, travaillent dans le BTP. Mais les hommes ne sont pas les seuls à être exploités, les femmes étant victimes d’un autre type de travail forcé : la prostitution. En effet, alors que les hommes sont occupés à ramasser des produits dans les champs, les femmes (et les jeunes filles) se retrouvent coincées dans des réseaux de prostitution. Par exemple, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) affirme que 80% des femmes nigérianes qui arrivent en Italie sont obligées de se prostituer. Là encore, pour des tarifs si faibles que cela ne suffit même pas à subvenir à leurs besoins fondamentaux : environ vingt euros la passe. Dans la plupart des cas, ces personnes partent de leur pays d’origine avec la promesse d’un bon emploi dans leur domaine, promesse faite par des informateurices peu scrupuleuxses. Et, finalement, elles se retrouvent à devoir vendre des services sexuels sans l’avoir choisi un seul instant.
Les scandales quant à des prostituées tuées par leurs conditions de vie et de travail ne manquent pas, encore une fois. Loveth Edward, trouvée nue dans les rues de Palerme en 2012, ou encore Bose Uwadia, étranglée à mort peu avant Noël 2013 à Trapani, en Sicile. Des faits divers qui ont fait naître des revendications, là encore. On pourrait parler de Blessing Oedikon, ancienne prostituée maintenant militante pour des organisations luttant contre le trafic sexuel, qui est l’une de ces personnes qui essaie de se faire entendre médiatiquement pour que ces pratiques cessent.
Malheureusement, les manifestations et les revendications portées par les organisations ne suffisent pas à éradiquer le phénomène, les plus hautes instances étatiques se montrant, notamment depuis l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir, particulièrement insensibles à ces questions. Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur, a ainsi pu déclarer en juin 2018 que “la belle vie, pour les migrants clandestins, [était] finie”.
De plus, comme si l’exploitation du travail (forcé) des migrant·es ne suffisait pas, les organisations mafieuses ont trouvé un autre filon à utiliser pour gagner plus d’argent : régulièrement, elles falsifient les documents des migrant·es régulier·es pour toucher l’argent qui leur est normalement versé par l’Etat italien (trente-cinq euros par jour). Ainsi, l’arrivée de migrant·es dans le sud de l’Italie est une manne financière importante pour ces organisations toujours à la recherche de nouveaux profits pour se maintenir.
On ne peut donc que constater la gravité de la situation actuelle pour les migrant·es (en particulier celleux provenant.es d’Afrique subsaharienne), clandestin·es ou régulier·es, en Italie. Si leur précarité met ces personnes dans des situations de vulnérabilité et parfois de désespoir, les organisations criminelles italiennes se saisissent très rapidement de l’opportunité de s’enrichir facilement. Les discriminations envers les travailleureuses exploité·es sont renforcées par le racisme, toujours très présent dans la société italienne. Ce racisme aggrave directement la situation des migrant·es et empêche une réelle réaction de la société et du personnel politique.
En ce qui concerne les femmes, le sexisme et la putophobie agissent en plus du racisme : dévalorisées par la société à cause de leur genre et de leur travail (non choisi en ce qui les concerne), ces femmes semblent valoir encore moins que les hommes aux yeux de la majorité.
A cause de cela, l’exploitation des migrant.es continue en Italie et a encore, hélas, de “beaux” jours devant elle. Pour que cela change, il faudrait certainement que la société italienne sorte de ses vieux schémas, et que l’Union Européenne prête une attention plus importante à ce phénomène. Mais avec l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir italien, cela ne semble pas près d’arriver.
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