Chaque week end, Combat décrypte le sujet que VOUS avez choisi en début de semaine. Cette fois-ci, vous avez sélectionné le sujet sur la Manif pour tous.
En 2013, elle avait rassemblé plus d’un million de personnes ; un cortège à bloquer les Invalides, porté par des personnalités caractéristiques du mouvement comme Frigide Barjot, Xavier Bertrand et Ludivine de la Rochère. Sept ans plus tard, Frigide Barjot a claqué la porte. Le 10 octobre 2020, ils n’étaient plus que quelques milliers, toutes villes confondues, à manifester. Pourquoi La Manif pour Tous est-elle (malgré tout) de retour?
La Manif pour Tous, qu’est-ce que c’est ?
Le collectif d’associations s’est fait connaître en 2012, en manifestant contre le droit au mariage et à l’adoption pour les personnes LGBT+. Depuis, il se place comme la principale source d’opposition à tous les progrès qui ne correspondent pas à l’idéal catholique et traditionnel français, dans une posture qui serait prétendument favorable au futur des enfants. Selon le texte de présentation de leur propre site Internet, ils s’opposent « à la loi Taubira, à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) sans père, à la GPA (Gestation Pour Autrui) et à la diffusion de l’idéologie de genre, tout en condamnant toute forme d’homophobie ».
Pourquoi maintenant ?
Le 8 octobre dernier, l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur d’un allongement du délai de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) de 12 à 14 semaines, par 102 voix favorables contre 65 défavorables. A titre de comparaison, il est actuellement possible d’avorter jusqu’à 18 semaines en Suède, 22 semaines aux Pays-Bas et 24 semaines au Royaume-Uni, ce projet de loi ne change donc pas radicalement les choses concernant le stade de croissance du fœtus : à ce stade de la grossesse, ce dernier mesure 14 centimètres environ, contre 10 deux semaines plus tôt.
Au centre du débat également, la question d’une suppression de la clause de conscience, ainsi définie par le Conseil national de l’ordre des médecins dans un rapport de 2011 : « La clause de conscience, c’est (…) le droit de refuser la réalisation d’un acte médical pourtant autorisé par la loi mais que (le médecin) estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. » Tous les actes médicaux sont concernés, mais les cibles sont le plus souvent l’interruption volontaire de grossesse, la recherche sur les embryons et la stérilisation à visée contraceptive … trois actes qui ont principalement un impact sur les femmes, qui portent en général la contraception et la grossesse. Les partisan·e·s de sa suppression militent donc pour un meilleur accès à l’avortement : même si le praticien doit signifier au plus vite son refus et orienter la patiente vers un confrère ou une consœur qui pourra pratiquer l’IVG, cela contraint parfois la patiente à un très long trajet (dans les zones rurales notamment) et peut mettre en doute sa décision, pourtant légitime. Cela donne également un caractère grave et spécial à l’IVG, au point d’autoriser les médecins à refuser de la pratiquer. Du côté de la Manif pour tous et de la droite conservatrice, on considère la suppression de la clause de conscience comme une “atteinte liberticide”, puisque les médecins seraient alors contraints d’agir contre leurs principes, et un signe que l’avortement est devenu un acte médical anodin.
Désormais, le Sénat doit se prononcer à son tour avant l’adoption éventuelle de cette loi, et la Manif pour tous a pour objectif évident de relancer le débat dans l’espoir d’éviter son adoption définitive.
Opposition avec les militant·e·s féministes et LGBT+
Dans la plupart des villes où avaient été annoncés des rassemblements de la Manif pour tous samedi dernier ont eu lieu des contre-manifestations portées par des militant·e·s féministes et LGBT+ : Lille, Paris, Bordeaux, … Face aux pancartes dites « pro-vie », des pancartes et slogans comme « Mieux vaut une paire de mère qu’un père de merde » ou « Mon corps, mes choix, ta gueule ». Selon les propos rapportés par France 3 Toulouse, il s’agit pour ces militant·e·s d’un « combat qui n’a pas lieu d’être, la Manif pour tous s’oppose à toutes les avancées pour le droit des personnes LGBT et des femmes en général ».
Les tentatives de blocage des cortèges ont malheureusement donné lieu à de fortes tensions, à des violences, et à des interpellations par les CRS du côté anti-Manif pour tous.
