
Chaque week end, Combat décrypte le sujet que VOUS avez choisi en début de semaine. Cette fois-ci, vous avez sélectionné le sujet sur le programme de Joe Biden.
Si le monde entier a eu les yeux rivés sur les Etats-Unis ces derniers mois, peu de personnes connaissent en revanche le programme du candidat démocrate. Sur fond d’une campagne folklorique, voter Biden revenait surtout à voter contre Donald Trump. Ce qui, aux yeux de certains, peut déjà revêtir une alternative concrète. Mais au contraire du président sortant, Joe Biden se prépare à entamer son mandat avec un programme solide. Pour vous, on a passé au crible les propositions du futur locataire de la Maison Blanche.
La priorité sera sanitaire
Contrairement à son prédécesseur qui balayait la crise du coronavirus d’un geste de la main ou de quelques propositions hasardeuses (vous reprendrez bien une petite injection de désinfectant dans vos poumons ?), Joe Biden se donne comme premier objectif de lutter contre la pandémie. Il devrait notamment généraliser le port du masque et accélérer la fabrication des kits de test et des équipements de protection pour le personnel soignant. Un programme national de traçage des cas contacts devrait embaucher 100.000 personnes à cet effet et les tests devraient être gratuits pour tous les Américains. Joe Biden a affirmé vouloir continuer à travailler avec le Dr Anthony Fauci. Nommé en janvier 2020 à la tête de la White House Coronavirus Task Force, le Dr Fauci était rapidement devenu la personne de l’administration la plus écoutée par les Américains. Ces derniers mois, Donald Trump avait régulièrement contredit ses propos et de nombreux messages complotistes, voire insultants, avaient circulé sur les réseaux sociaux parmi les partisans du président républicain. Enfin, Joe Biden prévoie aussi d’allouer une aide aux ménages et aux Etats les plus touchés par la pandémie.
Au-delà du coronavirus, Joe Biden envisage d’étendre et de protéger l’Obamacare (pour celles et ceux qui n’en peuvent plus qu’on vous la resorte sans cesse sans l’expliquer, rendez-vous à l’encadré plus bas. On vous dit tout !) Alors que Donald Trump a tout fait pendant son mandat pour détruire l’Obamacare, jugée trop coûteuse par les Républicains, Biden promet aux Américains qu’ils ne paieront pas plus de 8,5 % de leurs revenus mensuels pour bénéficier d’une couverture maladie. Il est également prévu de réduire et fixer le prix des médicaments.
Rappel : l’Obamacare, kezaco ?
En 2010 est promulguée « The Affordable Care Act », appliquée à partir du 1er janvier 2014 et plus connue sous le nom d’Obamacare. Elle oblige chaque citoyen à souscrire à une assurance santé auprès d’un assureur privé répertorié sur le site officiel du gouvernement, Healthcare.gov. En contrepartie, l’Etat fournit des aides fiscales à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de se payer cette couverture. Rendre les soins plus accessibles est un défi dans le pays. Alors qu’en France, une consultation chez un généraliste coûte 25€, elle est de 80$ (environ 75€) aux Etats-Unis. On ne parle pas des hospitalisations qui frôlent rapidement le million. Or s’assurer dans le privé reste très cher et variable (en moyenne, 17 000$ par an pour une famille, 6 000$ pour les célibataires.) Il n’existe que deux assurances publiques : Medicaid, pour ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté, et Medicare, pour les plus de 65 ans. Biden souhaite d’ailleurs abaisser le Medicare à partir de 60 ans, ce qui concernerait 20 millions d’Américains. Dans d’autres cas, l’employeur est normalement tenu d’assurer ses salariés : l’Obamacare prévoit des pénalités à l’encontre des entreprises de plus de 50 salariés qui ne financent pas l’assurance de leurs employés. Le texte a aussi interdit la discrimination au nom de la « pre-existing condition » (avant, les assureurs avaient le droit de refuser d’assurer une personne ayant une maladie chronique ou de forts antécédents médicaux.) Alors que 16% des Américains vivaient sans assurance en 2010, ils sont 8.9% en 2016.
Make America Green Again ?
Prenant le contre-pied de son prédécesseur qui ne voyait dans le réchauffement climatique qu’un complot chinois, Joe Biden affirme vouloir faire de l’écologie une des priorités de son mandat. A commencer par un retour symbolique dans les Accords de Paris, signés en 2015, dont Donald Trump s’était retiré en 2017. Il promet ensuite de s’engager dans une économie plus verte, reprenant au passage quelques idées mentionnées par la sénatrice de New-York et ex-candidate à la convention démocrate, Alexandria Occasio-Cortez, dans son « Green New Deal ». Au programme : investir 2 400 milliards de dollars sur quatre ans pour financer plus de bâtiments verts et de transports électriques/en commun ou encore des primes aux véhicules zéro émission, l’interdiction de nouveaux permis d’exploitation de gaz et de pétrole sur les terres et les eaux publiques… Le but étant de parvenir à une énergie 100 décarbonnée d’ici 2035 et une économie zéro émission pour 2050. D’après l’agence Moody’s Analytics, cette économie pourrait créer 18.6 millions d’emplois en quatre ans, faisant baisser le taux de chômage à 4% en 2022 contre 7% aujourd’hui.

Réduire les inégalités
C’est un autre point phare de la campagne de Biden. Cela passe d’abord par une revalorisation des salaires au niveau fédéral. Alors que le salaire minimum est actuellement de 7.25$ de l’heure (6.18€) le nouveau président des Etats-Unis souhaite le faire passer à 15$ de l’heure (12.79€). A noter toutefois que dans certains Etats, le salaire minimum est plus élevé qu’au niveau fédéral (le 15$ de l’heure est déjà en vigueur en Floride, par exemple.) Autre promesse clé : taxer les entreprises et personnes à plus hauts-revenus (à partir de 400 000$ par an, soit 28 000€ par mois) à 39.6% contre 37% actuellement pour redistribuer les richesses vers les services publics. Il devra pour cela collaborer avec les Etats qui ont également des compétences fiscales au niveau fédéré. Cela pourrait toutefois réduire le revenu du « top 1% » de contribuables les plus fortunés de 14%.
Pour les jeunes, Joe Biden souhaite financer davantage les écoles des quartiers défavorisés et rendre accessibles les études supérieures (cursus universitaires gratuits, augmentation des bourses, annulation de la dette étudiants sur les prêts fédéraux après vingt ans de remboursement…). Du côté de la scolarité, on devrait aussi voir s’améliorer la diversité raciale des enseignants. En plus de réduire les inégalités des communautés les plus défavorisées, ce qui concerne en priorité les Afro-Américains, des efforts devraient être mis pour combattre la ségrégation géographique. Il a aussi promis de mettre 50 milliards de dollars sur la table pour des projets entrepreneuriaux en faveur de la communauté afro-américaine. Rappelons que Joe Biden est soutenu par plus de 90% des Afro-Américains. Pour les moins jeunes : l’aide aux personnes âgées devrait également augmenter, avec notamment une amélioration des retraites. Enfin, si ses comportements envers les femmes sont parfois pointés du doigt, Joe Biden s’est déclaré en faveur de l’avortement. Son programme « pour que les femmes puissent pleinement exercer leurs droits civils » affiche plusieurs points comme : améliorer leur sécurité économique (égalité salariale, investissement dans les petites entreprises dirigées par des femmes…), instaurer des congés payés, permettre un meilleur accès aux soins (contraception comprise), ou encore mettre fin à la violence des femmes et « transgenres de couleur » avec un accompagnement psychologique et financier.
Selon John Cassidy, éditorialiste au New Yorker, Biden pourrait être le président capable de réduire les inégalités sociales.
Le débat sur la sécurité
Si le meurtre de George Floyd en mai dernier a renforcé le mouvement de protestation, jusqu’à demander l’abolition du système policier, Joe Biden affirme ne pas soutenir l’appel à supprimer la police. En revanche, il entend renforcer la police de proximité, celle-ci devant être plus diversifiée. Il souhaite aussi interdire les armes d’assaut, armes qui devraient être rendues illégales. Pointant du doigt la NRA, le lobby des armes états-unien, il entend mettre en place un contrôle généralisé des antécédents avant l’acquisition des armes à feu. L’apparition de « smart guns » permettrait par exemple de bloquer la possibilité d’utiliser une arme si les empreintes digitales de l’utilisateur ne sont pas enregistrées. Moins d’armes donc, mais un équipement renforcé, du côté des caméras notamment.
Pour ce qui est de l’immigration, Joe Biden entend encore une fois revenir sur la politique menée jusque-là par Donald Trump. Le taux annuel de réfugiés autorisés à entrer dans le pays devrait augmenter de la même façon que le programme de séparation des familles à la frontière mexicaine, mis en place par Trump, sera supprimé. Tout comme la liste des pays qui interdisait l’entrée à de nombreux musulmans l’entrée sur le territoire américain.

Le retour des Etats-Unis dans la diplomatie
Durant son mandat, Donald Trump a considérablement réduit sa collaboration sur la scène internationale, menant notamment une guerre aux institutions multilatérales comme l’OMS et le Conseil des Droits de l’Homme. Moins isolationniste, Joe Biden souhaite réintégrer sa place dans la politique internationale, en reprenant notamment sa place à l’OMS afin de lutter contre la pandémie de coronavirus, mais aussi dans l’accord sur le nucléaire iranien dont Trump s’était retiré en 2018 (là encore, on vous explique plus bas. Oui, on est formidables.) De manière plus générale, Biden devrait adopter une approche de dialogue au Moyen-Orient, en atténuant par exemple le soutien du pays à l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen et en continuant à désengager les troupes américaines d’Afghanistan. Les Etats-Unis devraient aussi se rapprocher de l’Europe. Pour ce qui est des relations avec la Chine, le président s’est prononcé en faveur de la suppression des droits de douane unilatéraux imposés par Trump en 2017 mais envisage tout de même de faire pression sur Pékin avec l’aide de la communauté internationale. Dans la revue Foreign Affairs, Joe Biden a signé un appel intitulé « Why America must lead again ». Il y appelle à redevenir « un phare dans la démocratie du monde. »
Mais attention : si Biden entend réparer les fractures internationales creusées par Donald Trump, il prévoit tout de même de prioriser l’économie américaine. Le label « made in america » devrait être plus difficile à obtenir, afin d’augmenter le taux de matière première américaine dans la conception d’un produit.
Rappel (Saison 1, épisode 2) : Et le nucléaire iranien ?
Signé en juillet 2015 à Vienne par les pays du P5+1 (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni, Etats-Unis, Russie), l’Union Européenne et l’Iran, l’accord a pour but de contrôler le programme nucléaire iranien et de lever les sanctions économiques qui pesaient alors sur le pays. Contre une limitation du programme nucléaire iranien pendant au moins une décennie et un renforcement des contrôles, la communauté internationale signataire acceptait de lever ses sanctions contre l’Iran. En se retirant en 2018, Donald Trump prévoyait le rétablissement de hautes sanctions pour Téhéran. En riposte, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis ont mis en place en 2019 l’Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges) destiné à favoriser les échanges commerciaux avec l’Iran sans utiliser le dollar américain.
Evidemment, les promesses de Joe Biden seront à composer avec une Cour Suprême où seulement trois juges sur neufs sont démocrates. Il devra aussi compter sur la collaboration des Etats qui possèdent un certain nombre de prérogatives. Et si vous souhaitez en savoir (encore) plus, c’est par ici. Vous pourrez même vous offrir des chaussettes et masques à l’effigie de Joe et Kamala (achat dont on se désolidarise, faire venir des produits depuis les Etats-Unis, c’est moyen pour notre Green Deal.)
