Des productions culturelles moins dignes que les autres ?

Toutes les époques successives ont aimé à dresser des hiérarchies, et ce jusque dans le domaine culturel. Avec la démocratisation de la culture et la multiplication créative, cette tendance à tout vouloir classer gagne à être revue.

Il est probable que dans vos têtes se trouve une hiérarchie plus ou moins implicite entre les productions culturelles : il y a celles dont on peut parler dans un rendu de cours et les autres, en quelque sorte. Ce n’est pas un jugement sur le contenu de votre tête, mais nous disposons bel et bien d’une échelle de valeur sur de nombreux sujets,  que nous l’ayons établie en connaissance de cause ou non. Sauf si vous faites particulièrement preuve d’audace, il est assez peu probable que la bande dessinée Boule et Bill ou votre programme télévisé préféré du samedi soir se retrouve un jour dans une dissertation de philosophie ou une discussion à bâtons rompus lors d’une soirée entre ami·e·s. « Si, je t’assure que j’ai raison, je l’ai lu dans ce super magazine de sudoku l’été dernier. »  Mais qu’est-ce qui différencie une production culturelle qui fait autorité d’une autre, finalement ?  Est-ce que  la réflexion ou l’émotion suscitée par la lecture de Boule et Bill est moins valable que celle qui naîtrait à la lecture de La Recherche du temps perdu ? Est-ce qu’entre les lignes d’une œuvre, il y a un petit écriteau translucide qui dit « je ne suis pas une lecture digne d’être mentionnée dans les dîners mondains ? »

Evaluer le niveau d’une œuvre : un pari risqué

Pour faire avancer notre réflexion sur le sujet et l’ancrer dans un propos scientifique, allons voir du côté de Patrick Parmentier, qui a écrit pour la Revue française de sociologie (selon l’échelle de valeur évoquée plus haut, on peut estimer que c’est suffisant pour le citer dans une argumentation digne de ce nom.) Dans un article intitulé « Les genres et leurs lecteurs » paru en 1986, il s’est longuement intéressé à ce qu’il nomme le « degré de légitimité sociale » des œuvres, autrement dit le crédit accordé aux productions culturelles par la société. Si la société valide la qualité de la production culturelle que j’ai entre les mains, je peux la lire à la terrasse d’un café en montrant ostensiblement la couverture aux passant·e·s. Si ce n’est pas le cas, mieux vaut la garder pour moi, dans le confort tranquille de mon canapé, pour « me vider la tête » un dimanche après-midi sans doute. Cependant, notre cher Parmentier évoque lui-même le caractère très subjectif de ces critères, étant donné que personne ne juge de l’expertise des expert·e·s : qui est qualifié pour qualifier les œuvres et porter sur elles un jugement de valeur fondé ? Qui vient lire par-dessus mon épaule et déterminer la qualité de ce que je suis en train de lire ? Et si de mon côté, je trouve que ce bouquin qui ne paie pas de mine au premier abord est digne de figurer parmi les plus grands, parce qu’il a résonné en moi plus intensément qu’un autre ? Autre paradoxe : est-ce la qualité d’une œuvre qui lui accorde de la reconnaissance de la part des critiques, ou la reconnaissance des critiques qui donne des indications sur sa qualité ?

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