Dans le coaltar

Pour notre concours de décembre 2020, nous vous avons demandé de vous inspirer d’une photo de Vivian Maier. Le troisième prix est attribué ex-aequo : Tom Saja pour « Dans le coaltar » (poésie) et Neïla Khelifi pour « L’air était chaud. » (fiction)Ici, le texte de Tom Saja.

C’est nous qui avons des yeux

Le Créateur ne voit pas

Ni

Nos jeux

Sur le bitume

Ni

L’étincelle dans nos regards

Les soirs de juillet

Prêts à s’embraser

C’est nous qui avons des oreilles

Il n’entend pas

Nos pleurs

Dégouliner des ruelles

Comme la pluie

Sur les toits

Et les os qui se cassent

Dans les corps

De nos frères

C’est nous qui avons des mains

Pour essuyer les joues

De nos sœurs

Creusées par le sel des larmes

Et des pieds

Pour le macadam le goudron l’asphalte

En bas

C’est nous qui avons un cœur

Il ne sent pas

Battre

Ceux de nos mères

Chargés de peine

Quand nous ne rentrons pas

Quand la pulsation de ceux
De nos pères

S’évanouit

Dans une ambulance lancée dans la nuit

C’est nous qui avons un nez

Nous seuls qui connaissons

L’odeur de l’enfance

Quand elle s’évapore

Dans le soleil de la rue

Ce sirop

Impossible à embouteiller

Comme un rêve trop grand

Il n’a qu’un aperçu

De nos vies

Éternellement

En noir et blanc.

Tom Saja, 30 ans, dentiste pédiatrique en région parisienne, écrit des poèmes depuis l’adolescence. Aime lire et écrire à ses heures perdues. Voyager autant que possible. Et prendre le temps de ne rien faire.

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