Rideaux baissés, salles dans l’obscurité, scènes désertes… Depuis bientôt un an, le monde du spectacle et de la culture est en suspens. La situation remet en question le statut de professions souvent qualifiées d’oubliées par l’Etat.
Intermittence : adjectif provenant du latin « intermittens, -entis, de intermittere, discontinuer », signifie littéralement « coupé d’interruptions », selon le dictionnaire Larousse.
Aujourd’hui, ceux que l’on qualifie parfois, et tout à la fois, de « profiteurs » ou « d’oubliés » du système en raison de leur régime particulier, tremblent lorsqu’est prononcé le mot «demain». Ils tremblent d’ailleurs plus que d’habitude. Car si demain a toujours été, et sera toujours pour eux, incertain, c’est la culture dont ils dépendent qui titube encore sous les coups du confinement. Cinéma fermés, festivals annulés, tournages stoppés, défilés supprimés… S’il y a une chose qui a universellement manqué aux Français pendant ces mois d’enfermement c’est bien la culture, et sous toutes ses formes.
Une précarité qui ne s’est pas envolée
En 1936 les producteurs de cinéma français peinent à trouver de la main d’œuvre technique qualifiée. Le gouvernement du Front Populaire décide alors d’élaborer le « régime salarié intermittent à employeurs multiples » pour les techniciens et les cadres du cinéma afin d’appâter les travailleurs. Ainsi nait l’intermittence, qui s’élargira plus tard à l’ensemble du monde du spectacle et subira de nombreux protocoles, mesures, grèves et réformes avant de devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Pour Ansley Roland, intermittent du spectacle, « l’intermittence du spectacle est née d’une nécessité et d’une opportunité dans le monde du cinéma pour ensuite rallier tous les arts concernés. »
« Concrètement être intermittent c’est se réveiller le matin sans savoir quel sera votre emploi du temps sur les semaines, les mois, et l’année à venir … c’est être angoissé par cet avenir incertain et ne rien pouvoir prévoir comme projet personnel et de vacances … Mais dès qu’on vous appelle pour travailler c’est le bonheur de rejoindre une équipe, car c’est un travail d’équipe et de passion avant tout ! » raconte Guillaume Legrand, peintre décorateur pour des scénographes ou chefs-décorateurs du théâtre, de l’opéra ou du cinéma, aussi l’un des membres fondateurs de l’Institut Charles Cros.
L’intermittence du spectacle (IDS), bien souvent confondue avec un statut, est un régime spécial auquel ont droit les travailleurs du spectacle. Divisé entre les techniciens et les artistes, il donne accès, via l’annexe 8 et 10, à des droits bien spécifiques. L’intermittent du spectacle est considéré comme un salarié, Il a parfois le droit à la prime d’activité qui depuis le 1er janvier 2016 s’est substituée au RSA activité. « L’intermittence c’est ce qu’on appelle « l’exception culturelle » » souligne Guillaume Omelta, intermittent régisseur son.

Si les intermittents subissent la discontinuité d’emploi toute leur vie, leur rapport au temps étant irréductible à celui de l’embauche, ce n’est pas un choix : les contrats à durées déterminées dits d’usage (CDD d’usage) sont nécessaires pour s’adapter au caractère temporaire des tournées ou des spectacles avec les différents employeurs. Contrairement au reste des travailleurs français, ce régime dépend d’une branche spécifique de Pôle Emploi (anciennement « Assedic »), appelée « Pôle Emploi Spectacle ». La principale différence réside dans l’obtention des allocations-chômage et son calcul via cette branche de Pôle Emploi : l’intermittent du spectacle doit justifier avoir travaillé 507 heures par an pour y avoir droit.
« Dès qu’on a les 507 heures on est susceptibles d’ouvrir des droits en temps qu’intermittent du spectacle. Ça nous donne droit à 1 an de prise en charge, donc si pendant 1 an on ne trouve pas de travail on a droit au chômage. On aura alors une rémunération calculée en fonction du nombre d’heures et des salaires qu’on a eu pour faire nos 507 heures minimum. Le statut a évolué pendant toutes ces dernières années et surtout la date de calcul de notre dossier mais on est maintenant revenus à notre date d’anniversaire. Tous les mois on doit faire un pointage pour déclarer combien d’heures on a travaillé, chez qui, en tant que quoi et combien de temps, il faut que ce soit des entreprises liées au spectacle bien entendu. Moi je suis intermittente depuis 1987 et ça m’est arrivé 1 fois de ne pas avoir mes heures, il y a 2 ans. Je n’avais pas de travail, je n’ai pas eu droit à mon statut et donc pas de chômage. Là c’est un peu dur, je ne touchais rien du tout. Il ne faut surtout pas se laisser dépasser mais être tout le temps en quête de travail et anticiper. Là par exemple je n’ai pas 507 heures, j’en ai plus de 800. Pôle emploi ne m’a jamais trouvé de travail, c’est à nous d’oeuvrer. » explique Catherine, costumière intermittente à l’Opéra Bastille et au Moulin Rouge.
Selon Pôle Emploi, 520 000 salariés travailleraient en France dans le spectacle vivant (acteurs, régisseurs, costumiers, ingénieurs du son…) ou la production audiovisuelle (producteurs, infographistes, monteurs…). En 2017 l’intermittence du spectacle générait 2,4 milliards d’euros de masse salariale pour un total de 108 millions d’heures travaillées, et comptait 272 000 salariés intermittents, contre 19.100 en 1974.
La France a ainsi vu son nombre de bénéficiaires s’accroître, ces 10 dernières années particulièrement. Catherine observe qu’« il y a 20 ans, il y avait moins d’écoles donc moins de gens formés et donc moins d’intermittents potentiels. Il y avait pas mal de création de spectacles et donc pas mal de travail. » Elle dit pour autant avoir l’impression que ce ne soit « ni plus ni moins précaires qu’avant ». Pascale, danseuse, comédienne, chorégraphe et metteure en scène depuis 1988, observe, elle, un changement : « 25 ans en arrière c’était beaucoup plus compliqué avec Pôle Emploi, on avait l’impression d’être vraiment traité comme du bétail: tu faisais des heures de queue et on t’envoyait balader avec ton dossier, maintenant ils essayent un peu plus de nous comprendre. »
Mais cette croissance entraîne aussi la précarité, la quantité de demandeurs étant supérieure au nombre d’emplois disponibles. Alors le chômage s’accentue, et les conditions pour accéder à ce régime spécial à l’allure confortable se durcissent. « Dans les copains âgés qui sont passés en retraite il y en a qui ont 900 euros pour vivre par mois alors qu’ils ont bossé toute leur vie en tant que intermittents. S’ils n’ont pas mis de côté c’est un peu dur, donc ils continuent à faire des boulots à côté. Après c’est un métier que tu choisis par passion donc tu t’arrêtes pas du jour au lendemain parce que tu es à la retraite. » raconte Pascale.
En 2016, le gouvernement français a mis en place le Fonds Peps (Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle). Doté d’un budget annuel de 90 millions d’euros, ce fond sert à financer l’aide à l’embauche, la prime à l’emploi et la prime aux contrats de longue durée pour lutter contre la précarité des CDD d’usage.
D’autres problèmes subsistent : « 43,4% des intermittents du spectacle résident, selon Pôle Emploi, en île de France. « Loin derrière, suivent les régions Auvergne-Rhône-Alpes (8,8%) Provence-Alpes-Côte d’Azur (8,4%) et Occitanie (8,3%) » selon Pôle Emploi. Cette centralisation parisienne est pour beaucoup d’intermittents source de problèmes, notamment lors du défraiement des transports.
Une « année blanche » pour effacer la « noire »
Étrange ressemblance aux coups de tip-ex dont les élèves raffolent pour badigeonner leur cahiers.
Le secteur de la culture fait vivre 1,3 million de personnes en France, ce qui représente 2,2% du PIB national, soit sept fois plus que l’industrie automobile. C’est donc près d’1, 3 million de personnes qui se sont retrouvées au chômage partiel avec l’épidémie de nouveau coronavirus. Ainsi, afin d’éviter qu’une importante partie de ces acteurs du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel ne se retrouve à court terme sans ressource et radiés de Pôle emploi, deux pétitions se sont rejointes (mises en place par les collectifs « Année noire » et « Culture en danger »), et ont réuni près de 200 000 signatures fin avril 2020. Épaulées par plusieurs syndicats, elles réclamaient pour tous l’instauration de cette fameuse « année blanche ». Un collectif de nombreuses grandes personnalités de la culture française, dont Jeanne Balibar, Catherine Deneuve, Jean Dujardin et Omar Sy, demandait aussi, dans une tribune au « Monde » du mois de mai, une prolongation des droits des intermittents du spectacle « d’une année au-delà des mois où toute activité aura été impossible ».

Après une attente tracassante pour les intermittents, Emmanuel Macron s’est prononcé en mai dernier en faveur d’une « année blanche » pour les intermittents, et une prolongation de leurs droits jusqu’en août 2021 afin de palier au gouffre d’au moins six mois qui s’ouvre devant eux.. Cette mesure, adoptée le 28 juin par le Sénat, permet aux intermittents du spectacle, même s’ils n’effectuent pas leurs 507 heures obligatoires, de toucher malgré tout une assurance chômage jusqu’en août 2021. Le président a également annoncé un grand plan de commandes publiques artistiques, un fonds d’indemnisation des tournages annulés, un soutien financier au CNM, des aides en fonds propres pour les petites structures indépendantes du spectacle vivant, ainsi qu’un “grand programme de commandes publiques”, notamment en faveur des jeunes artistes pour l’année 2020/2021. Si Emmanuel Macron a approuvé l’« année blanche » il en a fait profit d’une condition : que les intermittents du spectacle s’impliquent dans l’éducation artistique et culturelle des scolaires et des jeunes durant l’été 2020. Il déclarait ainsi, lors de l’annonce de son plan de relance pour la culture, que « Nous sommes l’un des pays qui fait le plus pour la culture ; on nous compare souvent à l’Allemagne, mais ce pays n’a pas l’intermittence. Alors moi je vais vous protéger, mais on va passer un pacte de confiance, je vais attendre beaucoup de vous ».
Pour l’heure, les intermittents semblent satisfaits de cette mesure, si l’on fait outre des »nouveaux » intermittents, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas pu ouvrir leurs droits en réalisant leurs 507 heures avant la mise à l’arrêt du secteur. Ils se retrouvent exclus de l’”année blanche” et devront redoubler d’efforts pour trouver de nouvelles scènes »Covid-compatibles ».
Geoffrey, intermittent dans une troupe de théâtre est dans ce cas de figure et ne voit pas l’avenir d’un bon oeil : «Pour moi ça ne changera pas grand chose car je viens d’obtenir le statut et je ne bénéficierai donc pas de cette mesure exceptionnelle. Beaucoup sont sur la sellette où savent déjà qu’ils ne renouvelleront pas leur intermittence si une réelle année blanche est mise en place… Le problème c’est qu’en plus d’être, tout de même, un statut qu’on peut perdre facilement, l’intermittence est souvent dans le collimateur des gouvernements que l’on a pu avoir ces dernières années, et que les réformes sont toujours attendues avec appréhension… Plus globalement, c’est surtout la réduction des budgets alloués à la culture dans toutes les collectivités territoriales qui entraîne une destruction du maillage culturel et des réseaux artistiques. Au bout de cette chaîne de destruction des subventions, il y a les intermittents…. Avec ma compagnie, nous avons eu la chance de ne pas trop souffrir de cette crise pendant la période de confinement… Mais la suite s’annonce plus compliquée. Tous les agendas sont décalés, tout reste flou et incertain pour les années à venir. Mais je pense que le milieu des intermittents du spectacle et ses syndicats est assez soudé pour faire bloc et défendre ses droits durement acquis… Reste à savoir à quelle sauce nous serons mangés par le gouvernement. Et si les français souhaitent que la culture résiste, notamment jusque dans les campagnes, il faudra peut-être réfléchir à deux fois avant d’aller voter aux prochains rendez-vous électoraux. ».
N’oublions pas que l’année noire ne l’a pas seulement été en raison du Covid-19, la réforme des retraites ayant soulevé elle aussi moult mécontentements du côté de la culture. Guillaume Legrand avait « 18 ans lorsque Mitterrand a voté le droit à la retraite à 60 ans. J’ai toujours pensé en bénéficier …et bien non ! Avec un travail physique comme le nôtre, cela risque d’être plus compliqué avec l’âge venant… Et avec Macron nous sommes dans un grand recul social, que nous venons de vivre dans les hôpitaux… Culture / Santé même combat ! ».
Pour Catherine, ce que change la réforme des retraites pour les intermittents c’est « qu’ils veulent prendre en compte toute la carrière au niveau salaire. Moi ça ne me va pas parce que lorsque j’ai démarré ma carrière j’étais SMIC et je suis restée très longtemps au SMIC. Jusqu’à présent ils prennent pour les gens du privé comme nous sur les 25 meilleures années, moi quand je vais arriver à la retraite j’aurais travaillé au moins 42 ans et je ne préférerais pas qu’ils calculent sur 42 ans mais sur 25, dans le régime fonctionnel c’est les 6 derniers mois. Déjà que je sais que je n’aurai pas une grosse retraite ». La réforme des retraites est donc une autre question laissée en suspens, qui lorsqu’elle sera remise sur la table ne manquera pas d’être suivie à la loupe par les acteurs culturels.

Photo : Cécile Debise / Linternaute.com
Si Franck Riester, ancien ministre de la Culture, disait vouloir mettre en place un « plan ambitieux » parce que « [le gouvernement] est convaincu que cet écosystème des artistes et techniciens qui bénéficient de l’intermittence est vital pour la pérennité tout simplement de la culture dans notre pays », sera-t-il suffisant pour compenser les 590 millions d’euros (chiffres établis par le cabinet d’audit financier EY) pour le spectacle vivant privé entre le 1er mars et le 31 mai 2020 et les 51 % des entreprises culturelles au bord de la faillite, les 22 000 intermittents du spectacle et 4 200 permanents menacés de disparaître ou contraints de se reconvertir, et (selon une enquête SoFest) la suppression des festivals qui pèserait à elle seule entre 2,3 et 2,6 milliards d’euros pour l’économie française ou encore les 45 millions de pertes générés depuis décembre 2019 par l’Opéra de Paris?
À cela s’ajoute le remaniement et la nomination de l’ancienne chroniqueuse mélomane qui déclare sans prétention aucune vouloir devenir “la ministre des artistes et des territoires”…
L’intermittence, une exception à conserver
« Sans ce statut le visage culturel de la France serait totalement différent et beaucoup plus pauvre. La cour des comptes estime son coût à 866 millions, puisque c’est la différence entre le montant des cotisations et les indemnisations des salariés intermittents. Seulement voilà, cette réalité ne fait sens que si l’on supprime les intermittents eux-mêmes ! Si on supprime l’intermittence, la plupart seront tout de même éligibles au chômage dans le régime général. Le reliquat n’est plus que 300 millions. À cela, il faut encore retrancher les cotisations de ceux qui cumulent plusieurs travaux, le montant du RSA versé à ceux qui se retrouvent sans revenu… Bref, un coût net bien inférieur en réalité.» insistait Patrick Souillot, chef d’orchestre, sur France Bleu le 29 mai 2020.

« Je ne me sens pas extra privilégier parce que je trouve que dans l’état actuel des choses toutes les autres personnes devraient être dans le même système que nous, après on est dans un milieu très spécial, dans le spectacle il n’y a pas d’horaires : on est interchangeables, permutables, on peut travailler la nuit, on nous prend, on nous laisse : c’est un état d’esprit et tout le monde n’est pas capable de vivre de cette façon-là. Le vrai problème c’est que maintenant beaucoup de gens dans le domaine général sont comme nous donc je trouverais ça normal qu’ils aient le même calcul d’indemnisation que nous, plutôt que nous baisser au régime général il faudrait rehausser le régime général.» souligne Catherine. C’est d’ailleurs ce que réclament les salariés intermittents de l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel, le tourisme : quatorze associations de ces secteurs-ci demandent la même prolongation des droits chômage que celle obtenue par les intermittents du spectacle.
Si le tableau de l’intermittence n’est donc ni tout blanc ni tout noir, il reste pour Pascale, un peu d’espoir : « C’est un grand confort qu’on a en France d’avoir ce régime, parce que ça va aussi avec la mentalité française et que contrairement à certains pays où les mécénats sont beaucoup plus courants, en France à part dans la musique classique et les arts visuels il n’y a pas tant de mécénats que ça. Alors soyons malins, soyons solidaires entre les lieux, les artistes et les techniciens pour maintenir ça plutôt que de faire chacun pour soi, et ne pas vouloir être trop gourmand alors qu’il y en a qui sont beaucoup plus précaires que nous.»
Ansley Roland quant à lui désapprouve les critiques adressées aux intermittents du spectacle : « Ce système est très critiqué, exposé souvent comme un effet privilégié, que cela a un coût, soit disant, exorbitant pour notre système social… Tout cela est archi faux. La plupart des détracteurs font des comparaisons invraisemblables. » Celui qui a été producteur pendant plus de 25 ans sait de quoi il parle : les charges sociales, il les a bien connues. Il explique : « Si être un vrai créateur révèle carrément du sacerdoce, être un intermittent du spectacle n’est pas chose facile, Il faut sans cesse soigner son image. Il faut sans cesse être à l’affût de l’actualité du monde cinématographique, de la musique, du spectacle et des arts, ainsi que de la qualité des projets du secteur. Quelque part, c’est mener un peu sa propre entreprise. Sa communication. On assume son avenir en quelque sorte, sachant que cela englobe des dizaines et des dizaines de métiers artistiques et bureaucratiques… » Au XXIème siècle, Ansley considère que la société les considère encore comme « des aventuriers » à qui il est tout aussi difficile de louer un appartement que s’ils avaient été étudiants :
« Pour ma part j’apprécie nettement ce système de l’intermittence qui permet à un auteur comme moi de continuer à s’exprimer dans son domaine en attente de d’un prochain projet, et cela, en pratiquant un travail différent dans le monde du spectacle. Ainsi on ne perd pas pied, on reste intégrer à son art, tout en continuant à travailler, en gagnant sa vie, à vivre en quelques sortes ! Il en va ainsi pour tous musiciens, compositeurs, chanteurs, comédiens, scénaristes, réalisateurs ou autres en une multitude de métiers liés aux arts… Un moyen social intelligent qui fait que notre pays reste pionnier en matière de culture et d’expressions diverses. C’est mon cas actuellement, et je ne remercierais jamais assez le système de l’intermittence du spectacle qui m’a aidé à continuer de vivre ma passion pour le cinéma et la culture. Ainsi je n’ai jamais décroché du monde artistique, alors que mes sociétés de productions m’ont littéralement mis sur la paille ! Mon cas n’est pas unique, beaucoup d’intermittents techniciens ou autres sont des artistes de talents qui malheureusement ne peuvent pas toujours l’affirmer devant les projecteurs.

Certes il y a eu certaines erreurs de gestion pratiquées par des apprentis sorciers issus de la grande technocratie, en incluant divers métiers qui n’avaient pas de raison d’être dans le monde du spectacle, ce qui a fragilisé le système, mais l’ensemble des intervenants ont pu rectifier tout cela…
Sans l’intermittence, il y aurait très peu de films produits en France, rares seraient les concerts, les pièces de théâtres, la danse, le spectacle de rues, etc…
Les productions seraient définitivement orientées vers la facilité et la médiocrité, le prêt à fabriquer, probablement inodore, incolore et sans saveur ! »
Les intermittents du spectacle dont le régime est si particulier sont donc les fruits d’une société en déséquilibre entre précarité et sécurité. Ils cherchent à se trouver une place dans le milieu culturel français qui s’apparente parfois trop au fonctionnement d’une usine…
Lucie Pelé
Cette enquête a à l’origine été réalisée à l’issue du premier confinement.