Pendant quatre ans, le 45ème Président des États-Unis aura défrayé la chronique et squatté tous les gros titres, tous les talk-shows, transformant bien souvent leurs présentateurs en éditorialistes. En opposants, en adversaires. Ainsi il a occupé les esprits. Même de ceux qui ne l’aimaient pas. Qui bien souvent l’ont eux aussi servi. Puisque seul compte à ses yeux le chiffre des audiences qu’il atteint.
Peu importe la façon dont on parle de soi, pourvu qu’on en parle.
Telle pourrait être la devise du président Trump et la façon dont il a étendu son emprise sur les esprits et les médias américains.
On ne parle que de lui, de la dernière outrance qu’il aura tweetée tard dans la nuit, vitupérant devant Fox News ou s’en prenant à son ennemi juré du moment, l’affublant d’un surnom humiliant que ne renierait pas la brute que tout le monde craint dans la cour de l’école. Sauf qu’il est le maître de la première démocratie du monde. Et qu’il n’aime rien tant que le temps d’antenne et les audiences ravageuses que ces dernières sorties recueilleront. Il ne doit sa réussite qu’à la perplexité qu’il a su déchaîner, volontairement ou non. Ce « non, il n’a quand même pas osé ? ». Sauf qu’il ose tout. C’est même à cela qu’on le reconnaît et pour cela qu’une partie non négligeable de la population américaine l’idolâtrerait presque. Lui-même n’aura-t-il pas admis avec une confiance assez confondante qu’il pourrait tirer sur quelqu’un en pleine rue sans perdre une seule voix. Si les dernières élections prouvent une chose, c’est que même avec sa gestion calamiteuse de la pandémie, il a élargi sa base électorale. Le Trumpisme a résisté.
Alors que reste t-il aux éditorialistes, aux satiristes, aux caricaturistes, aux animateurs de talk-show ? L’obligation de lui emboîter le pas. Et de se faire la chambre d’écho de ses turpitudes.
Résister, avoir la force de dialoguer encore
Le brillant Bill Maher tenta très tôt, juste après l’élection d’Ubu roi en 2016, d’organiser une forme de résistance. Dans son show sur HBO, Real time with Bill Maher, il se fit un devoir de débattre, y compris avec les infréquentables et les plus farouches opposants au libéral autoproclamé qu’il demeure. Ainsi se succédèrent sur son plateau des figures aussi controversées que Kelly Ann Conway ou Steve Bannon. Même si ses monologues et ses « new rules » conclusifs sont toujours à charge, c’est ce temps de dialogue qui fit la grandeur de son émission, et même son caractère assez unique. De prendre Trump au sérieux tandis que tous les autres en ricanaient encore, voyant en lui une menace sérieuse quand ses collègues ne dépeignaient qu’un bouffon. S’apercevoir que Trump ne plaisantait jamais même quand il avait toutes les apparences de l’énormité. Il contribue surtout à démasquer surtout ce danger plus insidieux et plus venimeux : ceux qui le soutiennent et l’encouragent, ceux qui ne ripostent pas.
Rire ou pleurer, une hésitation de quatre ans
Jamais sans doute depuis Nixon un président ne fut autant moqué. Stephen Colbert en fit même la pierre de voûte de son émission, devenue un haut lieu de la résistance à la pensée trumpienne. Se faisant le chroniqueur absurde du règne de l’improbable monarque. Commentant chaque tweet et chaque interview pour confronter l’empereur de l’absurde à ses mensonges et à ses trahisons. Il l’imite avec un certain talent, à l’image de Seth Meyers, un peu dans le même registre avec son « A closer look ». Mais cela ne peut-il faire autre chose que de prêcher des convaincus ? Et être aussi contre-productif qu’une complaisance extrême ? Ces émissions-là, extrêmement critiques, et les apologies outrancières de Fox News ne sont-elles pas les deux facettes d’une même médaille ?
On est pris dans la galaxie Trump. On n’en décroche pas. Même après qu’il ait perdu une élection. On est captivés par son imprévisibilité. Comme de l’une de ces séries addictives que l’on trouve sur les services de streaming, ces épisodes qui s’enchaînent sans qu’on ait le courage d’en interrompre le cours.
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