Homme de l’ombre, Éric Poupard est un élément culturel clé. C’est dans l’investissement associatif qu’il puise sa raison d’être. Engagé dans sa commune, près de Rennes, et aux Vieilles charrues, ce trentenaire côtoie tant Patrick Bruel que M. Mais il garde les pieds sur terre et son cœur auprès des Vezinois.
« Tu t’occupes des projecteurs après ? Tu en auras assez ? », lance Éric Poupard, 37 ans, à un des bénévoles qu’il supervise. À trois jours du ciné-concert organisé par Ça tourne, le natif de Vezin-le-Coquet (35) peaufine quelques détails, comme s’assurer de la bonne mise en place du rideau rouge.
L’associatif, il y est plongé depuis sa plus tendre enfance. Son père, Daniel, parent d’élève puis adjoint au maire, et sa mère, Chantale, secrétaire depuis une vingtaine d’années d’une association culturelle intercommunale, lui transmettent déjà les valeurs du partage. « Éric et ses deux frères nous ont toujours vu donner. Adolescent, il a commencé à s’investir auprès de l’association des jeunes vezinois (AJV) », raconte sa mère, fière. Cette maturité précoce, il la met au service de l’AJV : il en devient président à 18 ans.
Un repas avec Matthieu Chedid
Depuis 2013, l’ingénieur d’Orange fait partie de l’équipe bénévole des Vieilles charrues – le plus grand festival de France. Il y est responsable du service logistique artistes. « J’accueille les artistes et je récupère les produits qu’ils veulent voir dans leurs loges, sourit-il. Cette année, Céline Dion sera présente. Je dois m’assurer qu’elle soit contente d’être là. C’est une pression intéressante. (Du fait du Covid-19, le festival a été annulé. La chanteuse québécoise a été conservée pour l’édition 2021 des Vieilles Charrues, ndlr.) » Derrière ses lunettes carrées, ses yeux marrons pétillent.
Éric Poupard se rappelle un repas partagé avec Matthieu Chedid – dit M. C’était en 2016, lors de l’édition organisée à Central Park. « Il m’a demandé de lui amener à manger. Après avoir repéré un stand new-yorkais près de sa loge, mon choix s’est porté sur un cassoulet français. Quand il m’a vu revenir avec ce plat, il m’a regardé avec un air désemparé, s’amuse-t-il avant de poursuivre. Je me souviens aussi d’une discussion avec Patrick Bruel. Il avait un vrai trac avant de monter sur scène car il n’a été programmé que quinze jours avant le festival (Patrick Bruel a remplacé Elton John, souffrant, lors de l’édition 2013, ndlr). Après sa prestation, il m’a interpellé : “Tu as vu mon concert ? Tu en as pensé quoi ? J’ai bien fait de choisir cette chanson ?” Et là, je me suis dit “Mais où suis-je ? Qui suis-je pour juger sa performance ?” » De la grosse pomme à Carhaix en passant par Vezin-le-Coquet, l’humble perfectionniste reste le même. Simple.
Anne Gaboriau, psychologue thérapeute, ne tarit pas d’éloge sur celui qu’elle côtoie à Vezin-le-Coquet depuis cinq ans, grâce à l’association de quartier des Champs bleus, dont il est à l’origine. « Éric est brillant, intelligent et très engagé, affirme-t-elle sans aucune hésitation. C’est un homme de projets, qui a besoin de s’investir pour s’enrichir. »
Ce danseur de salon d’un mètre quatre-vingts a la main verte. Anne Gaboriau le croise régulièrement aux jardins partagés. Fidèle à lui-même et toujours aussi bienveillant à l’égard de son potager que des Vezinois.

Une ouverture d’esprit
La curiosité a amené cet homme au grand cœur à rejoindre Ça tourne. « Il ne connaissait pas l’univers du cinéma. Ça lui a permis de s’ouvrir à une autre discipline. Il n’a pas peur de s’engager dans l’inconnu », explique Jean-Marc Le Rouzic, président de l’association. Entre les deux hommes, tout est question de complémentarité. Pour l’ancien Rennais, avoir le trentenaire dans son équipe est un plus : « Il a toujours vécu à Vezin, il connaît bien les gens, l’historique et c’est important pour tisser du réseau et créer du lien inter—associatif. Pendant qu’Éric s’occupe de la logistique et du travail avec les bénévoles, je m’attèle à la création des spectacles. Le feeling passe très bien entre nous. »
Lorsqu’il s’agit de décrire celui qui ne cherche pas à être sous les projecteurs, les qualités fusent. Emmanuelle Prunera, chargée de la vie associative à la mairie, s’essaie à lui trouver un défaut. « Éric peut être assez buté sur ses idées. Mais à partir du moment où on explique les choses, il est capable de l’entendre. Il est constructif. », concède-t-elle.
Une « personne ressource »
Emmanuelle Prunera confesse aussi que « beaucoup de choses ne se feraient pas sans ce citoyen particulièrement engagé. C’est une personne ressource qui veut faire vivre sa ville ». Le leitmotiv de l’indéfectible Vezinois, c’est de créer du lien social : « Cela passe par le partage, la rencontre de gens de divers horizons et l’accès de tous à la culture. »
Si les semaines étaient plus longues, Éric Poupard pourrait rejoindre Vezin improvisation poésie (VIP), une association de théâtre d’improvisation. Intéressé par le milieu du handicap, il mettrait sûrement en place d’autres événements. Responsable de la section badminton, il a déjà organisé des initiations et des rencontres pour les personnes déficientes mentales. « Mais par manque de temps, je ne peux faire plus », souligne-t-il, le visage fermé.
Alors quand son entourage lui demande pourquoi il ne ferait pas de l’associatif son métier, il répond, catégorique :
« Si j’en faisais mon métier, je serais obligé de choisir. En en faisant un loisir, je me sens libre. Et libre d’arrêter. »
Cet article fait partie de notre sélection gratuite issue de notre deuxième numéro, disponible ici.
Image à la Une : Crédits Marie Desevedavy
