Les classes populaires seraient moins affectées que les classes dominantes par la cause environnementale, entend-on parfois. A rebours des idées reçues, des projets voient le jour pour démocratiser les consciences et les pratiques écoresponsables.
L’écologie est-elle « uniquement une préoccupation de bobos » ? Depuis plusieurs années, des voix se lèvent pour pointer du doigt un discours écologique jugé trop élitiste. Selon la politologue et militante Fatima Ouassak, auteure du livre La puissance des mères, pour un nouveau sujet révolutionnaire, « tout est fait pour que les classes populaires ne se saisissent pas de l’écologie ». Un certain nombre de pratiques ont tendance à exclure les classes défavorisés de la lutte écologiste. Prix élevé des produits bios, localisation lointaine des associations et commerces équitables… Le combat écologiste apparaît comme inadapté aux réalités du quotidien des classes populaires.
Sensibiliser les quartiers au dérèglement climatique
C’est de ce constat qu’est née en août 2020 l’association Graines Populaires, initialement appelée Mouvement de l’Ecologie Populaire. « L’idée selon laquelle l’écologie ne serait destinée qu’aux résidents des centres villes et banlieues pavillonnaires est encore très répandue dans la société, explique Pierre Benassaya, 24 ans, à l’origine du projet. Or, nous savons tous que les premières victimes du dérèglement climatique sont les plus précaires. » Le but pour le président de l’association ? « Décloisonner l’écologie. On veut prouver que l’écologie, ce n’est pas qu’un truc de riches et qu’on peut en faire partout. »
Porté par trois jeunes à sa création, le projet compte aujourd’hui plus d’une centaine de bénévoles présents dans soixante communes en France et sept pays dans le monde. « Nous sommes portés par une belle dynamique qui nous encourage à nous développer dans tous les quartiers » indique Sirine, responsable du pôle communication de l’association. « J’ai rejoint Graines Populaires car je me sentais spectatrice face à la dégradation environnementale, poursuit la jeune femme. Notre objectif est de faire germer des solutions durables accessibles à tout le monde. Nous voulons enlever toutes ces barrières qui contribuent à la négligence de notre monde et qui laissent certaines personnes de côté ! Sensibiliser, c’est le mot d’ordre !»

Graines Populaires organise régulièrement des ateliers sur le tri et la gestion des déchets auprès du jeune public. Des actions qui ont pu notamment être menées à Nice en partenariat avec l’association SOS réussite scolaire et le centre social des Moulins. Issus de classes primaires, les participants ont débattu autour de petites vidéos et d’un jeu de cartes en équipes. « Ces échanges nous ont permis de sensibiliser fortement les familles présentes à ces problématiques, raconte Philippe, bénévole au sein de l’association. À l’issue du jeu, les erreurs nous ont permis de donner des précisions sur l’organisation du tri sélectif dans notre ville. Après avoir fourni aux participants des brochures explicatives et des sacs prévus pour le tri, nous avons offert aux enfants quelques livres et coloriages sur le thème de l’environnement, de la faune et de la flore. » D’autres ateliers du même type sont prévus avec des collégiens et des lycéens en partenariat avec l’association SOS Réussite Scolaire. « Nous avons eu un très bon accueil et beaucoup d’intérêt de la part des enfants, affirme l’association. Nous avons pu ainsi les sensibiliser à cette problématique et rendre plus concret le système de collecte et de tri des déchets. »
Au-delà des frontières
Face à son succès en France, l’association s’est aussi lancée comme défi de s’ouvrir à l’international. Un nettoyage des plages a par exemple été organisé à Conakry, en Guinée. « C’était un projet très important car il s’agit d’un pays où l’approche écologique est très faible, explique Sirine. On devait agir avec une population peu sensible aux questions environnementales. »
Cette année, une action est prévue au Moyen Orient.
A l’image de Graines Populaires, de nombreuses initiatives voient le jour pour inclure les classes les plus défavorisées au combat écologique. A Tours, depuis 2019, le Secours Catholique propose des jardins partagés dans le but de transmettre aux personnes en situation de précarité le goût de travailler la terre, de cultiver et de récolter. Pour autant, la démocratisation des pratiques écologiques ne doit pas cacher une autre réalité. En pratique, les classes populaires ont un impact environnemental moins important que celui des classes dominantes. Elles n’ont par exemple pas autant de possibilités de prendre l’avion ou de posséder des véhicules privés. À l’échelle du monde, en 2015, les plus pauvres émettaient 2 000 fois moins de gaz à effet de serre que les plus riches.
Ce reportage a été réalisé dans le cadre du projet Jeunes Reporters pour l’Environnement
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