« Un livre au coin du feu », c’est votre rencontre littéraire made in Combat, présentée par Nicolas Houguet, autour d’un ou d’une auteur-e de son choix. Vendredi 2 avril à 20h, nous partons à la rencontre de Jennifer Murzeau.
Vous avez raté l’événement? Pas de panique ! Le replay est disponible ici !
C’est l’histoire d’un coup de foudre. Pour un titre d’abord « Le cœur et le chaos » paru en mars chez Julliard.
Il y a des livres qui vous prennent à la gorge dès la couverture. On ne s’y attend jamais aux lectures qui bouleversent. Ce n’est pas la première fois que je lisais du Jennifer Murzeau. Mais la première fois depuis longtemps que je suis tombé sur un livre et des mots qui semblaient m’attendre et dont j’avais besoin. Parce que dans ce livre il y avait notre monde, nos intimités brisées, nos hantises, notre époque qui bascule.
Ça passe par trois personnages. Une femme qui s’étiole dans son couple et qui s’étourdit sur les réseaux sociaux, s’abandonne bientôt à des relations adultères sans lendemain. Une vieille dame dont la mémoire s’éteint et qui voudrait mourir. Demande à un jeune homme de l’assister. Lui est un idéaliste désabusé, un peu junkie, amateur de free party et familier des ZAD, mais déjà brisé. Ça se déroule dans un avenir proche dans un Paris qui commence à être détraqué par le dérèglement climatique. Les rats qui sortent et les inondations un peu partout. Et nos vies qui continuent presque en mode automatique tandis que la bateau coule.
Le chaos, celui que l’on ne s’entraine à ne pas voir et qui finit par unir les cœurs. A travers les intimités qu’elle explore dans un style acéré, d’une sensibilité poignante, avec une lucidité, une humanité, une justesse rare, Jennifer nous embarque. Dans le désenchantement sensuel, dans la solitude et le besoin de tendresse de la vieillesse, dans les contradictions violentes de la jeunesse et dans la dérision aussi, dans un monde à l’horizon inquiet.
C’est impressionnant. Engagé. Violent. Passionné. Totalement ressenti. On voit tout. On éprouve tout, on a le sentiment en tournant les pages de traverser des vies, des problèmes sociétaux, des peaux qui voudraient frissonner encore dans une ville qui suffoque.
Alice, Aurélien, Iris. Trois voix de ce roman choral qui disent leur spleen. Chacun au début, au milieu et à la fin de leur existence.
On lit et on les connaît, intimement. On a peur pour eux. On s’attache à eux. Et la force d’incarnation de Jennifer est spectaculaire, sa façon de créer leur monde, de suggérer leur intériorité est puissante. Unique. Sincère.
Trois solitudes. Trois insatisfactions que le sort va lier. Les catastrophes intérieures répondent au dérèglement du monde. L’avenir à réinventer pour dépasser la désolation, les pénuries, les catastrophes écologiques.
Ce roman est bouleversant par les voix qu’il fait exister en nous. Les personnages se mettent à vivre sous nos yeux. Ce sont des désillusions en train de se jouer. Trois marginalités différentes qui finissent par dessiner une mosaïque d’humanité. La distance qui s’évapore entre soi et les choses qu’on lit. Un livre qui se fond dans votre regard. Ce n’est pas si courant.
C’est ainsi qu’est née l’envie de cette rencontre, d’une conversation avec Jennifer Murzeau, pour prolonger cette émotion forte, née devant ce roman, au premier regard.
Il y a là nos contradictions. Nos névroses. Nos solitudes. Notre noblesse. Notre tendresse. Nos hantises. Nos résistances. Nos volontés de liens. Nos idéaux.
Nos coeurs dont les battements à l’unisson permettent de supporter le chaos.
