« Chauffe ton mec, pas la planète », « La terre c’est comme la bière. Plus c’est chaud moins c’est bon », « Maman, je sèche comme la planète », « Phoque le réchauffement climatique ! », ou encore « La mer monte et j’ai pas pris piscine au bac », enfin le célèbre « Il n’y a pas de planète B ». Vous l’aurez compris, les jeunes n’ont pas manqué d’imagination pour faire un lien entre leurs vies et le dérèglement climatique lors des marches pour le climat où ils étaient environ 100 000 en 2019. Si, selon le Crédoc, le changement climatique est ce qui inquiète le plus les jeunes, ils sont aussi bien plus consuméristes que leurs ainés, prennent plus l’avion, trient moins leurs déchets… Visiblement, être écolo c’est plus facile à dire qu’à faire. Et si, avant de vouloir changer la situation, se révolter, ou écrire sur des cartons, il faudrait se changer soi ? Et si psychologie et environnement étaient liés ? C’est du moins une thèse qui, depuis les années 90, continue d’émerger.
De l’inconscient collectif
Ce concept d’éco psychologie a été formulé pour la première fois par Theodore Roszak. Celui-ci est parti du concept d’inconscient collectif de Carl Jung, c’est-à-dire le fait qu’en plus de notre inconscient personnel ou de nos consciences immédiates, il y aurait un second système psychique qui serait collectif, universel, impersonnel et identique chez tous les individus. Ces éléments communs (sensations, pensées, rituels, mythes, etc.) seraient, selon Jung, hérités depuis toujours. A partir de cette notion, Theodore Roszak explique qu’il existe en nous une sorte d’inconscient collectif, une mémoire profonde d’un lien fort entre humanité et nature. Pour le dire plus simplement, l’éco psychologie fait le lien entre la psychologie et l’écologie pour montrer que celles-ci sont interdépendantes. En somme, ainsi que le dit Theodore Roszak, « L’écopsychologie suggère que nous pouvons comprendre nos transactions avec l’environnement naturel – la manière dont nous usons ou abusons de la planète – comme des projections de nos besoins et désirs inconscients. » Il est vrai que notre façon de continuer à détruire la planète malgré le fait d’avoir conscience du danger climatique qui plane au-dessus de nos têtes montre bien que nos désirs se sont déconnectés de la réalité. Selon le sociologue et journaliste Michel Maxime Egger, nous avons l’impression que la technologie va résoudre nos problèmes, que la consommation va soulager nos désirs. Plutôt que d’aller chercher des solutions dans des sources primaires telles que la nature, nous allons chercher du réconfort dans le secondaire, dans l’avoir, la consommation qui par définition consomme aussi notre planète.

Ambivalence de la « génération Z »
Ceci dit, reconnecter nos désirs avec la nature est loin d’être évident, d’autant plus lorsque qu’on nous appelle « génération Y », ou pire encore « génération Z »… Née entre 1997 et 2010, la génération Z n’a pas connu « Ziggy Stardust » ou Zorro, mais le coup de boule de Zidane, la violence de Zlatanne, le premier passage de Zemmour sur « On n’est pas couchés », les apéros Zoom… La génération « zéro déchet » semble aussi faire zéro effort, à part pour se bouger un samedi matin pour faire les soldes à Zara. Traduit en grec ancien, la génération Z a le sens de la Bios (la vie du langage et de la politique) mais pas de la Zoé (la vie naturelle).
Mais pourquoi ? Tout simplement parce que ces comportement consuméristes et destructeurs envers la planète sont devenus structurels, ils sont transmis par l’éducation. Aujourd’hui nous sommes dans une vraie libération de l’information sur le changement climatique et la destruction de l’environnement. Mais parfois, c’est trop.
On est tellement submergés par les informations concernant la destruction lente, catastrophique, presque inévitable de notre planète qu’on se retrouve avec une génération Z qui en a un peu gros sur la patate. Alors soit on prend réellement conscience de l’urgence climatique et, comme Greta Thunberg avant qu’elle ne trouve sa voie, on fait une dépression en mangeant trois haricots verts par jour, soit on fait comme 99% des jeunes, on jette de temps en temps notre mégot dans la poubelle pour la bonne conscience, mais concrètement on se met à l’écart des problèmes de la planète, on prend nos distances avec cette vieille amie qui nous fout sacrément le cafard. C’est ce qu’on va appeler la dissociation interne : les informations sur la planète vont toucher notre côté rationnel mais pas notre cœur, pas notre sensibilité.
Concrètement, le choix entre manger MacDo ou KFC nous parait plus important que celui de mettre le plastique dans la poubelle jaune ou noire. Roszac dit même que, en nous dissociant de la nature, on va projeter notre inconscient sur la nature. Il dit ainsi que :
« La planète est devenue comme cet écran blanc psychiatrique sur lequel l’inconscient névrotique projette ses fantasmes. Les déchets toxiques, l’épuisement des ressources, l’annihilation des espèces compagnes, tout cela nous parle – si nous pouvons l’entendre – de notre soi profond. »
Il faut recommencer à aimer Mère Nature
Alors est-il possible de se réconcilier avec la nature ? Les éco-psychologues expliquent que notre absence de changement de comportement est lié au fait que nous sommes convaincus que nous vivons séparés de la nature. C’est tout simplement, comme Jung le dirait, le paradigme que l’on a tous intériorisé de l’humanité même. Nous sommes en dehors et surtout au-dessus de la nature, nous avons tous les droits sur elle. Et pourtant, il faut voir aussi dans quel état on est. Ne pas considérer la nature nous rend malades : nos poumons sont pollués, nos yeux fatigués par les écrans, nos cheveux gras, et même notre nourriture est intoxiquée par des pesticides. Et pourtant, dès qu’on fait une petite balade en forêt, on se rend compte de l’impact que peut avoir la nature, quand elle va bien, sur nous. On retrouve le sourire, on respire mieux, notre teint s’éclaircit, on aurait presque envie de courir. Au même titre qu’on peut vénérer Dieu, il faut recommencer à aimer Mère Nature, à lui donner un caractère sacré car visiblement l’Homme ne préserve que ce qu’il adule.
Si on veut faire des jeunes la génération écolo, il va falloir qu’elle commence par le devenir et par le ressentir. Il faut que les jeunes prennent conscience que le luxe n’a jamais aidé personne, et que nos pulsions de consommation peuvent se maitriser, pour mener une vie plus simple, reconnectée avec la nature pour aider celle-ci à aller de l’avant et à réparer les maux qu’on lui a fait.
Cet article fait partie de la sélection gratuite issue de notre revue numéro 3.
