C’est l’une des réformes que le monde professionnel et politique attendait, avec plus ou moins d’impatience et d’accords. La réforme de l’assurance-chômage est, avec celle des retraites, l’une du quinquennat d’Emmanuel Macron qui a fait, fait toujours et fera encore couler beaucoup d’encre. Vendue comme étant plus juste et permettant une plus grande égalité par le gouvernement, et notamment par la Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, dépeinte comme injuste et malvenue en temps de crise par la plupart des organisations syndicales, la réforme est entrée en vigueur au 1er Octobre 2021. Dans son allocution du Mardi 9 octobre, le Président de la République annonce que cette mesure est nécessaire, pointant du doigt qu’il est anormal qu’une personne au chômage touche plus que lorsqu’elle travaille. Tentons aujourd’hui de résumer cette réforme, ces volontés initiales et ses applications concrètes sur le terrain.
Une réforme qui date de plus de deux ans
Il faut remonter à la mi-juin 2019 pour entendre parler de cette réforme, soit avant la période de pandémie du/de la Covid-19. Elle était portée à l’époque par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, respectivement Premier Ministre et Ministre du Travail à l’époque. Déjà à cette époque, deux idées principales étaient mises en avant : certaines entreprises ont recours aux contrats courts pour embaucher du personnel, pour des raisons de facilité, sans réelles justifications technique ou budgétaire, ce qui a pour conséquence de rendre des travailleuses et travailleurs de plus en plus précaires. Cette réforme, de ce côté, souhaitait donc mener des mesures de contrôles pour que lesdites entreprises salarient sur des CDD, ou en tout cas limitent le plus possible les contrats courts.
Mais l’autre aspect de la réforme, et pas des moindres, est le mode de calcul de l’assurance-chômage, en passant par le SJR (Salaire Journalier de Référence), mais aussi par la durée d’indemnisation, dans l’objectif annoncé que l’on ne gagne pas plus en étant au chômage qu’en étant en emploi, mettant en avant la volonté d’encourager les chômeuses et chômeurs à trouver un emploi et à ne pas rester dans une position de complaisance.
Déjà à l’époque, cette considération avait fait beaucoup parler, critiquant le fait que le gouvernement basait une réforme sur une minorité de personnes, qui préféreraient rester chez elles à ne rien faire plutôt que de trouver du travail. Malgré tout, l’exécutif continue sur sa lancée et lance les concertations avec les partenaires sociaux.
La crise sanitaire et son impact
Avec la crise sanitaire, le gouvernement est dans l’obligation technique et politique de revoir sa copie : lors d’une de ces neufs adresses aux Françaises et Français en temps de pandémie, le Président de la République annoncera que les réformes sociales, retraites et assurance-chômage comprises, sont suspendues, les priorités du gouvernement étant dorénavant la crise sanitaire, la protection des entreprises, le confinement, la santé…
Mais en mars 2021, alors que la France est à peine remise de la crise sanitaire et/ou économique, le gouvernement remet la réforme sur la table. Alors, les syndicats vont déposer des référés devant le Conseil d’Etat, qui les examinera le 10 juin de cette année. La réforme devait entrer en vigueur le 1er juillet, mais les syndicats dénoncent une mesure malvenue, le pays et les travailleuses et travailleurs connaissant encore des problèmes économiques et de moyens pour trouver des emplois. Finalement, le Conseil d’Etat suspend la réforme, demandant au gouvernement, et en l’occurrence à Elisabeth Borne, de revoir sa copie, expliquant que la conjoncture économique et sociale n’est pas propice à la bonne mise en place de la réforme.

Depuis le 1er octobre, une nouvelle mesure mise en place qui fait débat
Il faudra donc que le gouvernement attende le 1er octobre pour que la réforme soit mise en place. Emmanuel Macron en fera même la promotion lors de son allocution le 9 novembre, vantant une réforme plus juste et appelant de ses voeux un plein emploi, ce qui est, d’après lui, l’objectif premier de cette réforme. Aussi, il demande aux services de Pôle Emploi d’examiner les 300 000 offres d’emplois qui ne trouveraient pas de preneuses ou de preneurs.
Mais le gouvernement souhaite également faire évoluer le nombre de contrôle par les agents de Pôle Emploi de 25%, sachant que 400 000 contrôles avaient eu lieu en 2019.
Plus concrètement, que met en place la réforme ? Et bien, il faut pour cela, comprendre que se mettait en place la désormais ancienne assurance-chômage.
Dans l’ancien modèle, afin de percevoir une indemnité chômage, il fallait avoir travaillé quatre mois au minimum sur les douze derniers mois. Avec le nouveau, il faudra avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois.
Concernant l’indemnité perçue sur une année N, elle était calculée de la manière suivante : « jusqu’à présent, ce montant était obtenu en divisant le salaire brut total perçu au cours des 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés pendant ce laps de temps, qu’on appelle « période de référence »”. Dorénavant, les périodes non travaillées seront également comptabilisées dans les calculs des indemnités, avec la prise en compte du premier jour du premier contrat jusqu’au dernier jour du dernier contrat sur les six derniers mois.
Le Ministère a assuré qu’il n’y aurait pas de baisse sur le long terme de l’indemnité. De cette manière, le gouvernement allonge la période maximale pour toucher des droits, de 11 mois en moyenne à 14 mois. Plus clairement, les droits seront moins importants, mais les chômeuses et chômeurs pourront les toucher plus longtemps.
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Quoi qu’il se passe dans les prochaines années, il est clair que cette réforme va avoir des conséquences fortes et durables sur les chômeuses et chômeurs ainsi que la considération que les pouvoirs publics ont de ces dernières et derniers. Peut-être vaudrait-il mieux essayer de comprendre pourquoi il y a plus de personnes en demande d’emplois que d’offres à pourvoir, plutôt que de chercher à reprendre le vieux culte de l’assistanat ou encore de l’oisiveté.
Par Mathilde Trocellier et Pierre Courtois–Boutet
Pour aller plus loin :
- Vie Publique, « Six questions sur la réforme de l’assurance chômage », 25 octobre 2021
- Frustration Magazine, « Comprendre la réforme de l’assurance-chômage en 4 points et 5 minutes », 1er octobre 2021
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