Macron et l’endométriose comme « cause nationale »

Hier soir, Emmanuel Macron s’est exprimé sur les réseaux sociaux au sujet de l’endométriose, à travers des témoignages de femmes*, puis une vidéo de cinq minutes environ. Comme il aime le faire, il est assis face caméra, avec mine grave et mains tendues. Je dois bien avouer que d’ordinaire, les déblatérations diverses et variées de notre Dieu et Maître m’intéressent assez peu, encore moins au point d’écrire une seule ligne à leur propos. Mais en tant que personne endométriosique, je vais cette fois-ci faire une entorse à mon désintérêt pour vous proposer une sorte d’analyse à chaud de son intervention. 

Bon. La première chose à dire, c’est qu’il (ou son équipe, du moins) a bien bossé sujet : la définition qu’il donne de l’endométriose est detaillée et pertinente. Une femme* sur dix est atteinte d’endométriose, c’est une maladie mal connue et mal diagnostiquée avec un délai moyen de 7 ans, qui a des implications sur la vie quotidienne, la vie intime et professionnelle, la fertilité, etc. Si on voulait faire le bingo de la définition actuelle de l’endométriose, on serait vraiment sur un excellent score. Il a même entre les mains un rapport imprimé, sur lequel il met l’emphase en nous l’agitant sous le nez lorsqu’il en parle.

L’objectif derrière cette intervention, c’est d’annoncer sa volonté de « briser la souffrance silencieuse » des personnes atteintes d’endométriose, et surtout de faire de l’endométriose une « cause nationale », excusez-moi du peu. Et concrètement, ça donne quoi ? Parce que je veux bien me flatter d’être devenue une cause nationale, moi ce qui m’intéresse, c’est le concret, le fond, le solide. Il semble qu’il ait tout prévu, puisqu’il utilise à profusion les verbes “agir” et “investir”. Mais ne nous laissons pas berner, et voyons le cœur du propos.

Figurez-vous que presque tout ce que l’on demande depuis de nombreuses années, il est disposé à nous l’accorder : le financement de la recherche pour connaître les causes de la maladie et développer de nouveaux traitements, la formation des professionnels de santé, la sensibilisation dans les écoles et universités, la mise en place d’au moins un centre ressource par région (même dans les zones rurales), le tout en dialogue avec les associations et patientes expertes déjà présentes sur le terrain. Il annonce également le lancement d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, avec “des moyens à la hauteur des enjeux”. Seule grande absente du tableau, l’ALD (affection longue durée) : l’endométriose n’est toujours pas considérée comme telle, malgré toutes nos revendications. Olivier Véran nous la promet depuis longtemps, mais elle n’est toujours pas d’actualité.

Vous allez peut-être me trouver ingrate, mais en ce début d’année électorale, je ne peux pas m’empêcher de trouver louche cette façon qu’a Macron de prendre fait et cause pour des malades laissées dans l’ombre depuis les annonces de son programme de 2017. Surtout lorsque l’on voit très bien le candidat derrière le Président. Il le dit lui-même : on peut estimer que l’endométriose concerne deux millions de personnes en France. Et l’air de rien, ça fait un paquet de potentiels bulletins dans les urnes.

On remarque aussi assez rapidement qu’il n’y a pas de date précise annoncée pour la mise en place de ces mesures. Quand les fonds seront-ils débloqués ? Quand débuteront les formations pour les professionnel·le·s de santé ? A ces questions, Macron donne seulement un vague horizon : cela s’inscrit dans son fameux plan France 2030.

Alors que penser, est-ce un coup de comm ou une réelle sollicitude ? D’un côté, il semble bien y avoir une avancée de grande envergure concernant la place accordée à l’endométriose … à condition que l’on nous permette d’accéder à l’ALD. D’un autre, il présente comme une actualité brûlante un projet qui suit son cours depuis le mois de mars 2019, dont il se donne un peu trop le mérite à mon goût. En effet, il y a bien des travaux de fond, menés par la gynécologue et députée européenne étiquetée LREM (La République en Marche) Dr Chrysoula Zacharopoulou, mais ces travaux sont en réalité le prolongement d’une démarche de longue haleine, menée de front par les associations consacrées à l’endométriose depuis des décennies – avec peu de fonds, et dans un silence institutionnel assourdissant.

Pour conclure, je suis donc assez mitigée face à cette intervention. Tout ce qu’il dit au cours de cette intervention est vrai, certes, mais l’on note quand même quelques arrangements bien commodes avec la réalité pour qu’elle apparaisse à son avantage. Ce que j’ai à en dire, finalement, c’est que pour parvenir à une meilleure qualité de soins et de vie pour toutes les personnes atteintes d’endométriose, on ne peut malheureusement pas se permettre de faire la fine bouche : si c’est Macron qui décide, dans une durée indéterminée, de débloquer les fonds dont on a besoin pour progresser dans le domaine de l’endométriose, même si c’est avant tout pour améliorer son image, eh bien … ainsi soit-il.

* Le terme de  « femme » est ici utilisé faute de prise en compte des personnes trans et/ou non-binaires dans les études statistiques

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