Chaque vendredi, une nouvelle ou un bout d’histoire…
À travers les persiennes les rayons magentas du soleil glacé caressent un peu tes bras. L’or fauve élémentaire réchauffe tout ton corps et mon cœur innocent se surprend à rêver à des bonheurs nouveaux. Le goût des choses primaires et brutes m’attire à présent comme un oasis de promesses dans le désert du renoncement. J’étudie en silence la forme de ta bouche, la forme de tes cheveux, la forme de tes rêves. Que contiennent-ils ? Y-a-t-il là-bas une infime place pour moi ? Oh comme je donnerais cher pour devenir ne serait-ce qu’une poussière dans ce crâne paisible et agité comme l’eau d’une rivière qui va se faire torrent. Si seulement j’étais un grain de sable sur cette plage d’idées, une goutte d’eau dans cet océan pensif, un peu de sève dans cette forêt consciente. C’est beau le clair-obscur, c’est beau sur ta peau, c’est beau sur les draps blancs. On dirait une photographie, un instant figé que je suis la seule, semble-t-il, à pouvoir troubler. Tu pousses de temps en temps un soupir qui fait trembler ta poitrine. Je ne pense qu’au moment où tu te réveilleras. J’en ai envie et j’en ai peur. Envie que tu me voies, envie d’être sûre que je fais partie de toi, que tu m’intègres à toi en me regardant. Peur d’y lire la déception d’avoir quitté un lieu plus doux que n’importe quel lieu, un locus amoenus où peut-être je n’étais pas, peur que le tableau idyllique que je me plais à observer depuis un moment ne soit trompeur. Il n’est pas midi mais déjà la chaleur du dehors parfume les tissus de la pièce de l’odeur si reconnaissable des journées de juillet. Dans la chambre se mêlent mille odeurs, mille parfums. Je sens le bloc de savon posé sur le lavabo de la salle de bain, je sens le bouquet de fleurs qui fane lentement sur le rebord de la fenêtre, je sens le café renversé dans la cuisine, je sens le goudron chaud qui s’élève de la rue et vient ramper le long du mur comme un monstre mythologique, s’insinuant dans les moindres plis de mur, les moindres pores de moi. Je me fais face à moi-même désormais, dans cet appartement inconnu mais familier, effrayant mais rassurant. La tête renversée sur l’oreiller et les mains dans les cheveux, je laisse rouler mes yeux sur chaque morceau de paroi. C’est tout l’espace proche que je soumets à un examen minutieux.