« La connaissance est double : lorsque vous voyagez, vous découvrez des choses à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de vous-même, à travers votre solitude. »
Graciela Iturbide
À l’occasion de l’ouverture, le 12 février dernier, de la nouvelle exposition de la Fondation Cartier, à Paris, consacrée au travail de l’artiste Graciela Iturbide, intéressons-nous de plus près à cette femme, considérée comme la photographe mexicaine la plus importante de son temps.
Parcours d’une photographe
Née dans une famille mexicaine conservatrice, Graciela Iturbide grandit dans un pensionnat aux valeurs traditionnelles, où elle est baignée d’icône et symboles catholiques. Graciela est déjà mère de trois enfants lorsqu’elle découvre la photographie. Passionnée de littérature, un domaine que son père l’avait empêché d’étudier, elle découvre une école de cinéma qui propose des cours du soir. Ces cours lui permettent de rencontrer la grande figure de la photographie, Manuel Alvaro Bravo. Elle le suivra dans ses voyages, dans les villages et les fêtes populaires mexicaines. Les deux photographes se rejoignent alors sur leur vision sensible et humaniste du monde. Sa rencontre avec Manuel Alvarez Bravo marque un tournant puisque c’est lui qui l’encourage à sortir de sa formation classique en cinéma pour entrer dans le monde de la photographie. Dans les années 1970, elle entreprend un travail de recherche pour l’Institut national indigéniste, ce qui lui offre un regard nouveau sur la richesse culturelle de son propre pays.
En 1982, elle est exposée pour la première fois en France par le centre Pompidou. Suivront de nombreuses rétrospectives et récompenses.
Elle décline à l’infini le sujet de l’identité et de l’altérité, de la quête de soi et de l’autre, de la (re)présentation des individu.es.
Mexique et émancipation des femmes
Graciela utilise la photographie documentaire pour comprendre le Mexique, mêlant dans son travail les pratiques culturelles indigènes et les pratiques catholiques. Ses œuvres touchent aussi bien les relations entre humain et nature qu’entre le réel et le psychologique.
Connue notamment pour son travail autour de l’Amérique du Sud (Equateur, Venezuela, …), la photographe s’intéresse depuis 1979 aux zapotèques de Juchitán, Oaxaca, parmi lesquels les femmes occupent généralement des places de pouvoir, et les rôles de genre stéréotypés sont fréquemment renversés.
Dans une récente interview pour Le Monde, elle affirme : « tant de femmes de talent n’ont pas été reconnues à leur juste valeur. Mais moi, j’ai eu la chance. Ça m’a plutôt servi d’être une femme. (…) Etre femme, divorcée, photographe, libre, c’était un vrai scandale. Heureusement, ça m’était totalement égal. »
Cette année, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente son exposition Heliotropo 37. Il s’agit de la première grande exposition en France consacrée à l’ensemble de l’œuvre de la photographe mexicaine, des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. L’exposition rassemble plus de 200 images, de ses portraits d’Indiens Series du désert de Sonora aux communautés et traditions ancestrales du Mexique, en passant par les femmes de Juchitán, des paysages et des objets multiples.
Par Juliette Le Bris et Martin Reiser