Amour et haine de la contraception hormonale

Moyen de contraception le plus utilisé en France, la pilule reste une méthode porteuse de nombreux effets secondaires. Dans cette tribune, Marion Muller revient sur un sujet encore tabou dans l’industrie pharmaceutique : les conséquences de la contraception hormonale telle qu’elle existe aujourd’hui.

Je ne sais pas comment introduire ce billet d’humeur : considérez ceci comme un appel à ce que les choses changent au sujet de la contraception hormonale, ou simplement le reflet de ma lassitude face à une industrie qui fait partie de notre quotidien à un tel point qu’on la remarque à peine.

Un peu après mes 15 ans, le médecin de famille m’a prescrit la pilule pour la première fois. J’avais des cycles irréguliers, des douleurs insupportables au cours des règles, et ça lui a semblé être la solution évidente à tous mes problèmes (le futur lui aura largement donné tort, mais passons). Ensuite, les ordonnances se sont enchaînées : peu importe si la première pilule a déclenché mes règles en continu pendant six mois, on m’a prescrit une autre pilule et c’était reparti. Au fil du temps, les pilules de la deuxième et de la troisième génération, je les ai toutes essayées ou presque. Minidril, Optidril, Pacilia, Adepal, Leeloo, Daily Ge, Melodia et d’autres encore que j’oublie, font partie de mon historique médical. Avec des effets secondaires variables, chute de cheveux, sautes d’humeur, tachycardie … Et encore, je me considère comme plutôt chanceuse, depuis le jour où j’ai entendu la conférence d’une femme qui a fait un AVC à l’âge de 18 ans. Bref, vous l’aurez compris, ces petits comprimés roses, blancs, jaunes, ils font partie de mon quotidien depuis un bout de temps maintenant, et ils resteront dans ma vie encore longtemps … pour le meilleur et pour le pire. 

Entre les deux mon cœur balance …

J’entretiens une relation de haine et d’amour entremêlés pour la contraception hormonale. De l’amour, parce que sans la pilule, je serais clouée par la douleur une vingtaine de jours chaque mois. Interrompre les cycles grâce à la pilule en continu reste l’une des manières efficaces pour ralentir la progression de l’endométriose. Aussi, parce que je ne veux pas d’enfant, alors c’est quand même bien pratique. Et puis après tout, si c’est le moyen de contraception le plus utilisé, c’est bien parce que c’est le plus sûr et le plus efficace … non ?

De la haine, face au manque d’alternative satisfaisante. Comment se fait-il que nous n’ayons pas accès à une méthode de contraception qui ne s’accompagne pas d’une ribambelle d’effets secondaires ? Ça me plairait pas mal d’avoir un petit slip chauffant et hop, merci au revoir. De la haine, bien sûr, contre l’industrie pharmaceutique qui reste résolument patriarcale et se soucie bien peu des répercussions que la pilule peut avoir sur la vie des personnes qui la prennent. 

Eh non, la pilule n’est pas un bonbon

Le but principal de ce billet, s’il en a un, c’est précisément d’interroger le paradoxe entre la légèreté avec laquelle on parle – ou plus exactement, on ne parle pas – de la pilule, et la ribambelle de conséquences mal connues que ce médicament peut avoir sur notre santé à moyen et long termes.

Si j’étais tentée par les sirènes du complotisme, je m’insurgerais contre mon propre comportement pavlovien qui me pousse à continuer jour après jour d’ingurgiter mon petit comprimé à l’apparence si innocente. De façon plus pragmatique, je note surtout que l’on se questionne très peu sur le sujet en dehors des cercles dédiés (et encore). Par honnêteté intellectuelle, il me semble important de préciser que c’est le cas pour beaucoup d’autres médicaments, comme les anxiolytiques ou les antidépresseurs dont la France est si friande. Mais quand même : la prise d’une contraception hormonale augmenterait les risques de contracter une thrombose, une crise cardiaque, un cancer du sein ou du col de l’utérus, la maladie de Crohn, des calculs biliaires, et la liste est encore très longue. Notons que certains de ces effets ne sont pas avec certitude reliés à la prise de la pilule, justement parce que l’on manque de recul et d’études à grande échelle pour questionner une possible corrélation. 

À l’heure actuelle, nous ne sommes pas amené•es à faire ce choix en toute connaissance de cause : il est bien rare que les médecins, gynécologues ou maïeuticiens prennent le temps de nous informer sur ces potentielles conséquences. Je ne m’aventurerais pas à établir des statistiques, toujours est-il qu’après de très nombreuses discussions, personne ne m’a jamais raconté avoir entendu un discours explicatif avant de repartir avec une ordonnance. Oui, on doit la prendre chaque jour à heure fixe, en respectant souvent une pause d’une semaine entre chaque plaquette. Mais qu’en est-il des signes annonciateurs d’une thrombose ? La question me semble mériter d’être posée.

Tout à jeter ?

Pour autant, ne jetons pas la plaquette de pilule avec l’eau du bain : la contraception a quand même beaucoup d’avantages de son côté. Il n’est pas question de faire une croix sur des dizaines d’années de lutte et de recherches qui ont permis d’aboutir à une meilleure gestion de la procréation.

De plus, la pilule est connue pour amoindrir le flux et les crampes menstruelles, et pour diminuer l’acné hormonale.

Finalement ce qui compte le plus, c’est de pouvoir parvenir à un choix éclairé, en ayant connaissance des risques et des enjeux. Et surtout : « Mon corps, mon choix (ta gueule) ».

Par Marion Muller

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