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Après plusieurs mois de campagne acharnée, l’élection présidentielle s’est terminée le 24 avril au soir. Sans grande surprise, Emmanuel Macron a été réélu président de la République face à Marine Le Pen. Le prochain enjeu est donc celui des législatives. 577 député·es seront élu·es les 12 et 19 juin 2022 et auront comme lourde tâche de proposer et voter les lois durant les cinq prochaines années. Il semble important de rappeler que, malgré le fait que nous soyons officiellement inscrit·es dans un régime mixte, où le chef de l’État occupe une place majeure, la représentation à l’Assemblée Nationale est d’une importance capitale dans l’orientation de la politique nationale. En effet, c’est bien la composition du Palais Bourbon qui définit la majorité gouvernementale.
Une marge de manoeuvre plus importante
L’objectif absolu pour une formation politique est d’obtenir une majorité de député·es afin de pouvoir gouverner le pays et appliquer son programme. C’est ce que Jean-Luc Mélenchon a appelé de ses vœux le mardi 29 avril, à la veille du débat du second tour entre les deux finalistes, en demandant aux Françaises et Français de l’élire Premier ministre.
Voici, techniquement, ce qui est possible en fonction du nombre de députées et députés :
- Avec 15 député·es élu·es, un groupe parlementaire peut être constitué. Ce bloc pourra créer des commissions d’enquêtes parlementaires.
- Avec 58 député·es, le groupe peut déposer une motion de censure afin de s’opposer au gouvernement.
- Avec 58 député·es, il est possible de demander l’organisation d’un référendum.
- Enfin, avoir 289 député·es à la chambre basse octroie la majorité à un groupe. Le gouvernement sera donc issu de ce dernier.
Une opposition claire au chef de l’Etat
Le scrutin des législatives permet d’envoyer un message de non soutien au chef de l’État. Une occasion pour l’opposition de rappeler à Emmanuel Macron que sa victoire n’indique pas une adhésion totale à son programme mais qu’elle découle aussi de la mobilisation populaire contre l’extrême droite au second tour. C’est ce qu’exprime La France Insoumise (LFI) qui, forte des 21,95% de suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle, souhaite réunir un maximum de député·es à l’Assemblée nationale afin d’offrir un contrepoids à la politique de La République En Marche (LREM).
De fait, l’un des principaux clivages entre les programmes de ces candidats concerne l’âge légal de départ à la retraite à taux plein. S’il est de 65 ans pour Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon le propose dès 60 ans. Si une majorité de l’Union Populaire est élue à l’Assemblée Nationale en juin prochain, il y a fort à parier que cela soit l’une des premières mesures votées et mises en place par les Insoumis.
Aussi, bien qu’il soit assez probable que le président sortant obtienne une majorité importante lors des élections législatives, cette dernière ne devrait pas être aussi large que l’actuelle, étant donné ses scores plus faibles à l’élection de 2022 qu’à celle de 2017. De ce fait, l’opposition, quelle qu’elle soit, pourrait avoir un impact conséquent.

Législatives : entre représentation nationale… et locale
En France, d’un point de vue électoral, nous avons deux systèmes principaux. Le premier est celui d’une élection directe de la personne. Cela signifie que nous allons voter pour une personne qui sera élue. C’est le cas des élections départementales, où nous votons pour qu’un binôme représente notre canton au conseil départemental. Le deuxième est une élection par liste : c’est le cas des municipales. Le vote se fait pour une liste de personnes et, en fonction du pourcentage qu’elle a obtenu, une formation politique enverra au conseil municipal un certain nombre d’élues et élus.
Les élections législatives ont une particularité. Nous élisons directement une députée ou un député, qui ira donc au Palais Bourbon pour voter des lois, proposer des amendements… Mais, techniquement, cette personne ne va pas pouvoir faire passer de messages directement à l’Assemblée Nationale, car elle vote non pas pour sa circonscription, mais pour l’ensemble du territoire français.
En revanche, si cette députée ou ce député fait bien son travail, son équipe et elle ou lui seront en contact régulier avec des personnes présentes localement. Concrètement, cela revient à faire passer des messages aux services des ministères et trouver des solutions financières, humaines, techniques, sociales… Mais permet aussi d’échanger avec d’autres collectivités territoriales, comme les conseils municipaux, départementaux ou encore régionaux.
Un ancrage local fort est donc nécessaire pour gagner une circonscription. C’est la raison pour laquelle les différents partis cherchent à créer des alliances : si le Rassemblement National (RN) venait à s’unir avec les Républicains (LR), cela pourrait lui permettre de gagner de l’influence dans le Sud-Est de la France, où les idées de la droite républicaine sont prééminentes. Cet ancrage permet également à des député·es de conserver leur siège à l’Assemblée plusieurs années de suite, comme c’est le cas pour Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes).
Voilà pourquoi LFI souhaite une coalition avec les autres formations de gauche. Son leader sait pertinemment que, sans leur soutien, il ne parviendra pas à remporter ce qu’il nomme le « troisième tour ». Bénéficiant d’un fort ancrage territorial, le Parti Communiste (PCF) et le Parti Socialiste (PS) seraient donc des alliés majeurs. Mais l’influence locale de ces deux partis les pousse à demander, pour aboutir à un accord, un nombre de circonscriptions élevé. Compliquant de facto les discussions.
Pourtant, cette règle a été largement battue en brèche lors des élections législatives de 2017, lorsque de nombreuses élues et nombreux élus sous l’étiquette En Marche ! sont arrivés à l’Assemblée Nationale. La plupart n’avaient jamais fait de politique, mais la volonté de donner une majorité au président Macron fraîchement élu a fonctionné.
Le voeu pieu des coalitions
Le 24 avril dernier, Les Insoumis proposaient au PS, à Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), au PCF ou encore au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) « douze marqueurs » pour faire converger les formations de gauche vers un accord électoral pour les législatives. Un accord avec Génération.s (G.s), mouvement fondé par Benoît Hamon en 2017, a été entériné quatre jours plus tard. Mais le lendemain, le PS suspendait les négociations avec LFI. Les socialistes souhaitaient en effet « un accord de toute la gauche et des écologistes » mais disaient ne pas avoir la garantie que la pluralité d’opinions soit respectée. Pour François Hollande, ancien président de la République (2012 – 2017), il est impossible de s’accorder sur des décisions qui remettent en cause « les fondements de l’engagement socialiste ». Pas question pour le PS de « désobéir aux traités européens, quitter l’OTAN ou ne plus aider les Ukrainiens en leur fournissant des équipements militaires ». Cette réticence n’est cependant partagée que par une minorité socialiste. Minorité qu’Olivier Faure, le président du groupe, a invitée à « partir » si elle pense ne plus « appartenir à la gauche ».
Un accord a en revanche été trouvé le jour de la fête du travail entre Europe Ecologie-Les Verts et LFI. Le conseil fédéral d’EELV a adopté un texte d’accord portant sur une centaine de circonscriptions, créant de fait la « Nouvelle union populaire écologiste et sociale ». Parmi les idées majeures de cette formation s’entremêlent hausse du SMIC à 1 400 euros, retraite à 60 ans, blocage des prix sur les produits de première nécessité, planification écologique et instauration de la VIème République. Les deux partis ont réussi à aplanir leurs divergences sur la question européenne. Ils se disent prêts à désobéir à certaines règles économiques et budgétaires (comme le pacte de stabilité et de croissance, le droit de la concurrence et les orientations productivistes et néolibérales de la politique agricole commune), tout en respectant l’état de droit.

Un accord sur le nucléaire a également été trouvé, évoquant l’abandon de l’utilisation de cette énergie non-renouvelable. Créant de fait un fossé avec le Parti Communiste, qui souhaite un renouvellement de la filière. Or, l’ensemble de la gauche souhaite conclure un accord avant le 3 mai, date symbolique à laquelle, en 1936, les forces de gauche s’étaient rassemblées sous la bannière du Front Populaire pour ensuite remporter les élections et arriver au pouvoir. C’est pourquoi Fabien Roussel, qui espère la signature d’une alliance, a déclaré qu’il était « prêt à mettre de côté cette question du nucléaire ».
De l’autre côté du spectre politique, « l’union des droites » entre LR, le RN et Reconquête! (R!) semble plus compliquée car Marine Le Pen rejette l’idée d’une coalition avec le parti de Éric Zemmour. Pour Laurent Jacobelli, porte-parole du RN, il serait « probablement incongru » de « faire un accord avec des gens qui ne rêvent que de [les] chasser du paysage politique ».
Les Républicains sont, quant à eux, de plus en plus à envisager une alliance avec LREM. Beaucoup refusent de se laisser aspirer par la popularité de l’extrême droit et préfèrent, à l’image de Christelle Morançais (présidente de la région Pays-de-la-Loire) « tendre la main, se rassembler et s’ouvrir » avec le parti d’Emmanuel Macron.
Alors, la coalition : piège intéressé ou stratégie gagnante ? Dans tous les cas, les partis sont animés par une ferveur considérable pour trouver des solutions. Car tous savent que ces élections législatives détermineront l’orientation de la politique française pour l’ensemble du prochain quinquennat.