Jeudi 19 mai, la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale a présenté 650 propositions à destination des élections législatives. Leur but : faire « élire » Jean-Luc Mélenchon à l’Elysée pour faire front au deuxième mandat d’Emmanuel Macron.
Brest, le 25 mai 2022. Dans la petite salle de concert Léo-Ferré de la maison de quartier de Bellevue, les foules s’échauffent. La venue de Mathilde Panot, venue soutenir la candidature de Pierre-Yves Cadalen dans la circonscription, a attiré plus que prévu. « Aujourd’hui, les autres candidats ont peur de nous, et ils ont raison » affirme la présidente du groupe parlementaire de la France Insoumise, rappelant les derniers chiffres plutôt encourageants en faveur de la Nupes. Pour elle, « un autre monde est bien possible, plus juste, plus écologique plus solidaire. » Un seul ennemi pourrait bloquer cette élection : « la résignation. »
L’accord Nupes, qui réunit LFI, EELV, le PC et le PS, est considéré comme historique, même si des unions ont déjà eu lieu par le passé en 1981 et 1997. D’abord, parce que l’union propose des candidats uniques, pour un programme commun, bien que celui-ci présente 33 divergences entre les partis sur les 650 mesures, notamment sur les questions de l’OTAN ou du nucléaire. Pour l’historien Alain Bergougnoux, spécialiste du parti spécialiste : « ce qui est historique dans les accords passés avec la France Insoumise, c’est l’inversion du rapport de force. La gauche radicale qui organise des alliances avec trois petits partis. Mais il vaudrait mieux parler de cartel électoral que d’union car il y a beaucoup de divergences entre ces partis. Après les élections législatives, chaque groupe reprendra son identité. »

Un contrat social plus juste
Premier point du programme : remettre à plat le partage des richesses. Alors que la principale préoccupation des Français semble être le pouvoir d’achat et que les inégalités salariales sont à la hausse, le programme de Nupes propose de :
- Augmenter les revenus : en faisant passer le Smic à 1 500 euros net par mois, en limitant les écarts de 1 à 20 dans chaque entreprise et en interdisant les parachutes dorés ;
- Donner plus de pouvoir aux salariés : en faisant passer leur représentation à un tiers des membres au minimum, la moitié dans les grandes entreprises ;
- Rendre le système fiscal plus progressif : avec l’instauration de quatorze tranches pour les impôts sur le revenu, le rétablissement de l’ISF, ou encore une TVA plus importante sur les produits de luxe, moins importante sur les produits de première nécessité ;
- Sur les droits des femmes, la Nupes souhaite dédier un milliard d’euros aux violences faites aux femmes et ajouter le droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception dans la Constitution.
Lutte contre la pauvreté
C’est la suite logique de ce nouveau contrat social souhaité par la Nupes : proposer à la population une vie plus agréable, moins angoissante dans le milieu professionnel. Une alternative sociétale qui passerait par :
- Moins se serrer la ceinture : mise en place d’une « garantie d’autonomie » censée assurer 1 063 euros minimum par mois pour toute personne âgée de 18 ans et plus, rétablissement de la retraite (revalorisée) à 60 ans, garantie d’emploi pour tous avec des postes créés par l’Etat dans les « secteurs d’urgence…
- Mettre en place une nouvelle ambiance de travail : avec une discussion sur la réduction du temps de travail (passage à la semaine de 32h), le renforcement de la médecine du travail et l’allongement des congés parentalité ;
- Mettre en place une « révolution fiscale » : grâce à une hausse des cotisations soutenue par la hausse des salaires, ainsi qu’un meilleur partage des richesses, les candidats Nupes souhaitent revaloriser l’AAH, recruter des soignants et aide-soignants, mais aussi rendre gratuites la cantine pour les enfants, les protections périodiques ou la PMA.
L’urgence écologique
Nupes reprend la logique de la France Insoumise qui souhaitait « gouverner par le besoin » en mêlant urgence sociale et urgence écologique. Le candidat aux présidentielles le martelait déjà : son objectif reste de réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre alors que seule une réduction de 40% est prévue par la France à l’heure qu’il est. Concrètement, le programme souhaite parvenir à :
- Faire de l’écologie par et pour tous : avec la gratuité des premiers mètres cubes d’eau. A noter aussi que la politique écologique d’un gouvernement Nupes serait supervisée par un Conseil à la planification écologique, recevant les avis des professionnels, mais aussi des citoyens, des collectivités, des syndicats, des ONG…
- Interdire un nombre pharaonique de gestes écocides : de l’utilisation du glyphosate et des néonicotinoïdes aux pratiques d’élevage en batterie, en passant par les coupes rases dans les forêts, les subventions publiques aux énergies fossiles ou encore l’obsolescence programmée ;
- Investir 200 milliards d’euros pour la transition écologique : une somme qui sera déployée dans les transports, la santé, les énergies renouvelables, ou encore l’agriculture paysanne.
Pour ce qui est de la question écologique, de nombreux points de débats demeurent entre les différents partis de gauche, notamment sur le nucléaire, la chasse ou la mise en place claire de la « règle verte », une nouvelle norme constitutionnelle imposant de ne « pas prendre plus à la nature que ce qu’elle peut reconstituer ».

Un accent clair sur l’éducation
Alors qu’Emmanuel Macron tente au mieux de « déblanqueriser » son nouveau Ministère de l’Education, la Nupes n’oublie pas la casse effectuée sur ce service public ces cinq dernières années. Dans le viseur:
- Redonner un souffle à la profession d’enseignant : avec une hausse des recrutements, une revalorisation des personnels, et la mise en place d’une « liberté pédagogique » avec la fin des évaluations et des contrôles permanents.
- Rétablir une certaine égalité parmi les élèves : suppression de Parcoursup et de la réforme des lycées, gratuité réelle de l’éducation, instauration « d’une véritable démocratie universitaire »…
De manière générale, la Nupes entend mettre l’accent sur le service public. Dans le domaine de la santé, en plus des mesures citées plus haut, elle envisage de lutter contre les désertés médicaux. En matière de protection elle souhaite mettre en place une police de proximité.
Quelle diplomatie pour la gauche ?
Quant à l’ouverture internationale, toutes les mesures de la gauche ne font pas unanimité entre les candidats :
- Concernant l’Europe, la Nupes hésite à en sortir, mais souhaite en tous les cas « mettre fin au cours libéral et productiviste de l’Union européenne » en luttant davantage contre les paradis fiscaux et en défendant l’agroécologie ;
- Sur l’Otan, LFI demande toujours « le retrait immédiat de la France du commandement intégré de l’Otan puis, par étapes, de l’organisation elle-même ». La demande est soutenue par les communistes, qui veulent même la « dissolution » de l’Otan. Une position qui est loin de convenir à toute la gauche ;
- Sur l’industrie, la Nupes entend mettre en place une Agence de la relocalisation, chargée d’identifier les « secteurs indispensables sur le plan social et environnemental » et renationaliser des entreprises françaises vendues à l’étranger, comme la branche éolienne offshore d’Areva ou Alcatel Submarine Network.
Enfin, alors que le régime présidentiel ne cesse de se renforcer – souvenez-vous, on avait même surnommé Emmanuel Macron « Jupiter », la Nupes conserve sa volonté farouche d’établir une VI République, plus parlementaire.
Sous les projecteurs : un programme vaste, destiné à faire bifurquer la société française dans une logique plus juste et écologique. Des mesures ambitieuses auxquelles subsistent néanmoins quelques failles. Face à un programme si vaste, la Nupes au pouvoir serait en effet dans l’obligation de peaufiner ses promesses afin de faire émerger ses priorités parmi les 650 propositions. Une discussion qui devra se faire avec tous les partis de gauche, malgré leurs divergences, mais aussi, si l’on respecte sa ligne de mire, avec l’ensemble de la population.
Pour lire le programme en entier, par ici.