A Barcelone, La Biodiversité contre les Incendies

Et si l’on utilisait la voie naturelle et vivante pour prévenir des incendies ? C’est le pari qu’a choisi de faire la Diputación de Barcelona, en organisant un travail avec, entre autres, le berger Daniel Sánchez

Avec le réchauffement climatique, la sécheresse des sols devient une réalité de plus en plus ancrée. Ces sécheresses déclenchent souvent de larges incendies, ravageant tout sur leur passage, à l’image des incendies terrifiants en Australie en 2020. En Espagne, l’un des pays les plus chauds d’Europe, ces questions sont à l’ordre du jour régulièrement, au centre des préoccupations des agriculteurs et des responsables politiques. Habituellement, les solutions de déversements d’eau sont les pistes privilégiées. Mais à Barcelone, on essaye d’imaginer le combat autrement.

© Charente Libre

Des moutons pour prévenir du feu

Daniel Sánchez, berger, a quitté son village pour s’installer à Barcelone, à 50 km de chez lui, durant trois mois. Son rôle : venir avec son troupeau, le premier à paître dans cette région, afin que ce dernier puisse brouter les herbes mortes et mauvaises herbes sur le territoire barcelonais. Ces terres sont les plus propices au déclenchement des incendies. En produisant ce travail, la biomasse combustible est alors largement réduite, ce qui facilite l’intervention des services de secours, tout en limitant la possibilité des dégâts engendrés par les incendies.

Malgré l’originalité de la demande et l’envie de Daniel Sánchez « de réhabituer les gens au milieu rural, ils ne savent plus ce que c’est », le berger explique clairement que l’adaptation n’est pas simple : « Je commence à en avoir marre de ne plus voir l’obscurité complète mais aussi du bruit permanent. Parfois je crois entendre un mouton qui appelle et en fait, c’est la sirène d’une ambulance ». 

Cette idée peut sembler originale, et, à coup sûr, elle l’est. Mais elle ne manque pas de faire preuve d’audace et de prise de conscience de l’intérêt certain de faire provoquer un retour aux solutions naturelles, moins coûteuses et plus écologiques. D’autant plus que les Obligations Légales de Débroussaillement (OLD) deviennent de plus en plus des enjeux prioritaires, au fur et à mesure que l’état de notre planète se dégrade et que le réchauffement climatique devient de plus en plus dur et violent. 

© The Local

Préserver la biodiversité

Ce n’est d’ailleurs pas la seule initiative de ce genre en Espagne. Greenpeace met par exemple en avant l’élevage de Laura Martinez. (1) Composé de 130 chèvres, il se situe dans les montagnes de Madrid. Ces “pompiers à quatre pattes”, en créant des bandes coupe-feu, permettent de réduire la charge de combustible en cas d’incendie, ainsi que les risques de propagation. Le projet “Rebaños de Fuego” est un autre exemple de ces initiatives. Miguel et Jesús, éleveurs de moutons et de chèvres à Gérone,  en font partie. Jesús explique : “Les pompiers nous indiquent les endroits où il y a un risque élevé d’incendie afin que les troupeaux puissent passer pour débroussailler. Ensuite, le projet nous aide à commercialiser la viande ». En plus de prévenir les incendies, les moutons aident à la préservation de la biodiversité : en se déplaçant d’un endroit à l’autre, ils transportent aussi le pollen dans leur laine. (1)  

Avec les différentes données que nous possédons, dont notamment le dernier rapport du GIEC, expliquant qu’il ne nous reste plus que trois années pour inverser positivement la question du changement climatique et sauver notre planète, peut-être faudrait-il commencer à réfléchir autrement aux questions autour de la prévention des risques naturels que nous provoquons, en saisissant cette opportunité pour induire une dose de naturelle et de réflexivité dans nos démarches. Malgré tout, il n’est pas encore trop tard. 

Et en France?

On parle souvent des incendies en Espagne. Mais en France, la situation est également préoccupante. En moyenne chaque année ce sont 35 000 hectares de forêts qui brûlent. Près de 6 900 communes sont classées à risque de feux de forêts par la Direction générale de la prévention des risques. Soit une commune sur cinq. Il y a dix ans, c’était une sur six. En août 2021, dans le Var, plus de 7 100 hectares de forêts, de vignes et de garrigues ont été détruits en l’espace de quelques jours.

Cette situation touche jusqu’à la Bretagne, que l’on pourrait pourtant croire davantage protégée de ce type d’incidents. Quatre incendies majeurs ont par exemple détruit des centaines d’hectares dans la célèbre forêt de Brocéliande, de 1975 à 1990. Ici, c’est le maintien d’une forêt mixte qui a permis de réduire le risque d’incendies. Constituée à la fois de feuillus et de conifères, ces forêts sont un puissant rempart contre le feu, au contraire des résineux qui sont fortement inflammables. Pas de moutons dans la forêt de Merlin, mais c’est bien la connaissance de la biodiversité, et sa bonne utilisation, qui a pu lutter contre le feu.

A l’heure où nous écrivons cet article, 60 hectares de landes sont partis en fumée sur le Menez-Hom, dans le Finistère. La région vit ses plus gros incendies depuis 2003, une réalité due en grande partie au déficit d’eau : Selon le Bureau de recherches géologiques et minières, un déficit pluviométrique moyen de 30 % touche la Bretagne depuis octobre 2021. Cette situation va inévitablement amener la localité à renouveler ses armes en matière d’incendies. Alors l’an prochain à Rennes : chèvres, moutons, ou forêts mixtes ?

Par Agathe de Beaudrap et Pierre Courtois–Boutet

Sources : 

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