
L’Espagne compte faire inscrire le respect du consentement dans la loi, par le biais du texte « Solo un sí es un sí » (Seul un oui est un oui).
Lors de la poursuite judiciaire pour des cas d’agressions sexuelles, c’est encore trop souvent à la victime de se justifier au sujet de son non-consentement, contre la parole du ou des agresseur(s). En clair, on profite du fait que la personne agressée n’ait pas clairement dit « non » à l’acte (ou du moins, qu’elle ne puisse pas le prouver autrement que par sa parole) pour justifier le fait que ce n’était pas un viol.
Et bien, pour répondre à cette injustice, l’Espagne a décidé de se positionner juridiquement en faveur des victimes. Le gouvernement espagnol a récemment porté devant le Parlement une loi qui vise à introduire dans le domaine législatif le concept de consentement, qui demeurait, au niveau du pénal, assez flou. La loi, issue du texte « Solo un sí es un sí » (Seul un oui est un oui, en français), détermine que dorénavant, seule une explicitation concrète et claire du consentement des personnes ayant un acte sexuel permettra d’établir un accord avant l’acte. Avant l’adoption de la loi, seule la violence, la surprise, l’intimidation et la contrainte constituaient un viol selon ce cadre. La porte-parole du gouvernement, María Jesús Montero, avait déclaré lors de la présentation du texte en Conseil des ministres le 6 juillet 2021 qu’il « rend clair le fait que le silence ou la passivité ne signifient pas consentement ».
Le jeudi 26 mai dernier, le Congrès des députés (Congreso de los diputados), équivalent espagnol de l’Assemblée Nationale, a adopté le texte avec 201 voix pour (notamment de la part de la majorité parlementaire, socialiste, soutien du gouvernement Sánchez) et 140 contre (l’ensemble des député·e·s du groupe Vox, parti d’extrême-droite espagnol, ainsi que des député·e·s du Parti Populaire, l’ancien parti au pouvoir). Il ne reste plus que le vote du Sénat pour que le texte soit concrètement adopté, ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes, étant donné que ce dernier est majoritairement favorable au gouvernement.
La ministre espagnole de l’Égalité hommes-femmes, Irene Montero, a déclaré le jour de l’adoption de la loi au Congrès des députés, sur son compte Twitter :
Aujourd’hui est un grand jour pour toutes les femmes. L’Assemblée a approuvé avec une large majorité la loi ‘Seul un oui est un oui’. Nous le devions à toutes les victimes de violences sexuelles et nous laissons ainsi un meilleur présent et avenir à nos filles, sœurs et amies.
L’arrivée de cette loi s’explique par le scandale qu’avait provoqué l’affaire de la Meute en 2016. En effet, une jeune femme âgée de 18 ans a été violée par cinq hommes. Deux ans plus tard, en 2018, les agresseurs sont condamnés à 9 ans de prison pour « abus sexuels », et non pour « viol en réunion ». La justification de ce décalage avait été que la victime n’avait pas clairement dit « non ». Après les nombreuses contestations, d’indignation du peuple et des mouvements féministes, le Tribunal Suprême espagnol, la plus haute instance judiciaire du pays, a requalifié la précédente condamnation de viol en 2019 et la peine des agresseurs est passée à 15 ans de prison.
Ce texte illustre une grande avancée en Espagne autour des questions des violences sexistes et sexuelles : le pays rejoint de ce fait les 13 autres pays européens considérant le viol comme une relation sexuelle non consentie, parmi lesquels l’Allemagne, la Belgique, Chypre, la Croatie, le Danemark, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, le Luxembourg, Malte, le Royaume-Uni et la Suède, d’après l’ONG Amnesty International. La Suisse pourrait à son tour intégrer ce groupe prochainement.
En France, c’est différent. En effet, le terme de consentement n’est pas du tout mentionné dans la définition du viol établie par le Code Pénal, qui stipule : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
Pourtant, rappelons-le une fois encore, la base d’une relation ou de tout acte sexuel, c’est le consentement. Celui-ci doit être libre et éclairé, et il peut être retiré à tout moment, y compris au cours de l’acte sexuel.
Pierre Courtois–Boutet
L’image en couverture de l’article est une photo de Luis García