Le système scolaire du XXIe siècle freine-t-il la confiance en soi des élèves ?

À Kim

Selon un sondage Ipsos de 2013, 64% des parents estiment que l’école ne donne pas confiance aux écoliers. Cette assurance est difficile à acquérir et peut être malheureusement trop facilement détruite, notamment en milieu scolaire.

Il est essentiel de rappeler avant tout que l’adolescence est une période d’extrême fragilité pour la quasi-totalité des jeunes qui subissent alors de nombreux bouleversements, tant physiques que psychologiques. Acquérir une confiance en soi est extrêmement difficile à cet âge. Rappelons également que les élèves du secondaire ont vingt-six heures de cours par semaine, sans compter le temps passé dans l’établissement pendant les pauses ou les récréations.

Le système scolaire a donc une influence non négligeable sur la confiance en soi des élèves. Pour M. Vaz, Conseiller Principal d’Éducation (CPE) dans un collège d’Ile-de-France, si le niveau de confiance en soi des jeunes est très variable, une majorité de collégiens n’ont pas confiance en eux. Et si plusieurs facteurs peuvent altérer cette confiance, nombreux sont ceux qui ont un rapport avec l’école. Quand on lui demande si le système scolaire a un impact sur cette estime de soi, la réponse est nette : « oui, forcément, par exemple, les élèves redoutent les moqueries ou le fait de passer pour un idiot en posant une question en classe ».

Le rôle des acteurs éducatifs et l’impact des notes

Pour Camille, 15 ans, élève en seconde, « le niveau scolaire a un réel impact sur la confiance en soi, notamment à travers le regard des autres élèves ou des professeurs. » En effet, le sujet de la notation est centrale dans cette question de confiance : le système scolaire apprend dès le plus jeune âge aux enfants qu’il faut avoir de bonnes notes et que « si on n’en a pas, c’est mal ». Cependant, dans ce discours, les élèves qui ont des difficultés de compréhension, d’apprentissage ou qui nécessitent un type d’accompagnement particulier, ne sont ni pris en compte, ni écoutés.

Kim, 16 ans, en première, l’explique bien : « je suis HPI (Haut Potentiel Intellectuel) et pour moi, le lycée est une source d’angoisse. J’ai toujours l’impression d’être différente et inférieure aux autres à cause du fait que j’ai plus de difficultés. Les personnes HPI sont très souvent en échec scolaire. Contrairement aux idées reçues, nous ne sommes pas avantagés et nous n’avons pas plus de facilités que d’autres. Nous avons simplement un type d’intelligence différent de la norme et nous devons sans cesse nous adapter aux attentes du système scolaire alors que nous ne comprenons pas forcément les attentes des professeurs ». Les élèves associent alors très vite leur valeur personnelle au chiffre marqué au stylo rouge sur leur copie, personne ne leur ayant expliqué la différence entre ne pas arriver à résoudre un problème et n’avoir aucune valeur.

M. Vaz souligne également le fait que la société dans laquelle nous évoluons établit, à tort, une hiérarchie entre les différentes études et métiers. En effet, lorsque l’on rencontre quelqu’un, la première chose qu’on lui demande est ce qu’elle ou il fait dans la vie. On peut alors avoir un a priori, infondé, négatif ou positif sur la personne, uniquement selon sa réponse. Les notes ayant un impact immense sur les possibilités de métiers futures, un élève pour qui le système scolaire n’est pas adapté est discriminé pour le reste de sa vie et se sent alors inférieur.

Si certains dispositifs sont mis en place pour aider ces élèves en difficulté, aucun ne valorise la progression et tous sont encore beaucoup trop restreints. Ce qui est attendu est une « bonne » note (qu’est-ce réellement ?) et non pas une progression. Celles et ceux qui ne peuvent l’obtenir restent alors « bloqués » et finissent par ne plus oser demander de l’aide de peur d’être trouvés « nuls ». Cependant, M. Vaz explique bien que l’adulte en capacité d’aider le jeune peut faire changer cela : « quand on sait qu’on est en difficulté, on n’ose pas ; si on sait que l’on est pris en compte en tant que personne, on osera davantage ».

Il explique également : « au collège, la première chose par laquelle on se sent exister est par son statut scolaire et ses résultats ». Les élèves obtenant les meilleures notes sont valorisés et récompensés tandis que le reste de la classe est vu, inconsciemment ou non, comme inférieur par les adultes de l’établissement ou les autres de la classe. Si un élève obtient des notes très faibles, bien au-dessous du niveau des autres, la confiance en soi devient alors quasiment impossible à acquérir, car personne ne cherche la véritable raison de ses difficultés. Effectivement, pour la majorité du personnel éducatif, un élève qui obtient des « mauvaises » notes est un élève qui ne travaille pas, ou pas suffisamment. Kim raconte : « j’ai reçu beaucoup de remarques du style “peut mieux faire“, “tu n’es pas au maximum de tes capacités“ ou encore “ce n’est pas normal de ne pas arriver à cela“. Toutes ces phrases ont énormément impacté ma confiance en moi et la façon dont je me voyais ».

La manière dont les professeurs se comportent a également une place importante dans la construction de la confiance en soi. Camille, 15 ans, rapporte : « j’ai eu une prof de maths en 5ème qui dénigrait plusieurs élèves, dont moi, qui faisaient pourtant de leur mieux. Suite à ça, j’ai perdu énormément confiance en moi en cours, surtout jusqu’en troisième, même sans avoir cours avec cette prof. ». En dénigrant le travail d’un élève, un professeur brisera sa confiance en sa capacité à réussir. Les enseignants sont là pour apprendre à tous, et non pas qu’à un seul petit groupe adapté au système. M. Vaz insiste : « une seule personne peut détruire, brimer un élève, même involontairement ».

Le poids du regard des autres élèves et de l’apparence physique

Selon Kim, lorsqu’on est dans le système scolaire, « on doit rentrer dans des cases ». Si ce ne sont pas les cases que le côté scolaire nous impose, ce sont celles imposées par nos pairs qui peuvent influencer le manque d’estime de soi. Il « faut » être « populaire », s’habiller de telle ou telle manière ou bien avoir tel ou tel type de morphologie. Si l’une de ces normes n’est pas respectée, un élève peut facilement se retrouver discriminé, voire harcelé.

Chaque jeune est amené à se comparer aux autres, à propos des notes mais également à propos de leur apparence. Ces questionnements sur le physique peuvent être renforcés par des remarques et discriminations, notamment en cours de sport. Lola, 20 ans, raconte : « quand j’étais en seconde, je redoutais les cours d’acrosport : les autres filles de mon âge me disaient que j’étais trop lourde pour pouvoir être portée. Cela m’a créé des complexes et m’a fait me sentir illégitime, car j’étais la seule de mon groupe à qui l’on disait ça. C’est entre autres l’accumulation de ce genre de situations qui a déclenché chez moi des troubles du comportement alimentaire (TCA) ». En effet, 600 000 jeunes souffrent de TCA aujourd’hui en France. De plus, d’après une enquête de l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies), 3% des adolescents de 17 ans déclaraient en 2017 avoir fait une tentative de suicide nécessitant une hospitalisation. Il y a fort à parier que le système scolaire n’aide pas assez les jeunes à faire face à toutes ces violences.

Soulignons également l’impact considérable des réseaux sociaux sur la confiance en soi. De nombreux jeunes comparent leur vie à celle que montrent leurs camarades sur les réseaux. Malheureusement, nombreux sont ceux qui pensent qu’une personne n’exposant pas ses succès et ses activités sur la place publique est une personne sans intérêt, différente, à exclure.

La vie avec d’autres jeunes peut parfois être difficile à supporter. Il est intéressant de se questionner sur les moyens mis en place pour lutter contre ces discriminations : faut-il imposer un uniforme ? Tenter de contrôler davantage les réseaux sociaux ? Faire plus de prévention dès le plus jeune âge ? Avec quels moyens ?

Une chose est sûre, c’est que de nombreux jeunes sont en souffrance, pour ne pas dire en danger.

Des modifications urgentes et nécessaires

Pour M. Vaz, la première chose à changer dans le système est le nombre d’élèves par classe : « on voit que les élèves en petits groupes vont beaucoup plus oser participer et ainsi progresser ». Il explique que chacun a besoin d’une attention particulière pour progresser et se sentir bien, ce qui est impossible dans une classe de 35 ou 40. Il prend également l’exemple d’une classe de douze élèves dans une école en REP (Réseau d’Education Prioritaire) et d’une classe classique en école primaire : en faisant les mêmes activités, il a été démontré que la classe en REP progresse beaucoup plus rapidement que la classe classique, et ce uniquement grâce à la différence du nombre d’élèves. Cependant, une telle mesure, pourtant essentielle, est compliquée à mettre en place par manque de moyens humains et financiers. Mais il s’agit d’en avoir la volonté politique.

Il ajoute qu’il est essentiel de changer la vision des élèves sur eux-mêmes : « Il faut que chacun puisse sentir qu’il a un rôle et une importance. Tout le monde a un rôle à jouer et quelque chose à apporter. Le rôle de l’adulte devrait être de dire à l’élève en difficulté “là ça ne va pas, mais j’ai confiance en toi et je crois que tu peux y arriver.“ Les élèves devraient arriver à se dire que le plus important est comment eux se perçoivent, et qu’il n’y a pas qu’une seule voie de réussite. »

Si le nombre d’élèves par classe est à changer, beaucoup d’entre eux souhaiteraient une diminution de la pression par rapport aux notes et même un changement du système d’orientation.

Lucie, 18 ans et en première année de licence en Sciences de l’Éducation, raconte : « la première chose que je changerais est la façon dont nous sommes notés et comment celleci pèse sur notre avenir. Par exemple, en pre- mière et terminale, les profs nous mettent une pression monstre en insistant sur le fait que chaque note est décisive et que chaque mauvaise note peut nous empêcher de poursuivre dans la filière qui nous correspond à cause du système Parcoursup ». De nombreux élèves voudraient être valorisés pour leurs progrès et leurs compétences plutôt que par des notes. Ils demandent à avoir confiance en eux plutôt que d’être sanctionnés pour ne pas arriver à apprendre et appliquer une formule scientifique.

Notre système scolaire français se doit de tenir compte des émotions, des sentiments et des réactions individuelles s’il veut continuer de tenir sa réputation.

Par Capucine Schmit

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