Pour une Pride politique et accessible

Juin est, pour toute la communauté LGBTIA+, le mois des Fiertés : celui où ont lieu les Prides, ces cortèges militants qui rendent publiques nos revendications et nos existences si souvent invisibilisées ou niées. Slogans, pancartes, chants, drapeaux, c’est l’occasion de nous rassembler, et pourtant certaines personnes n’ont plus la possibilité et/ou l’envie de prendre part aux événements.

Nos existences sont politiques

En cause, d’abord, la dimension de plus en plus dépolitisée des Marches des Fiertés. Certes, ces cortèges sont autant d’occasions de laisser libre court à la joie d’être fièrement qui nous sommes, et de célébrer ensemble la pluralité de nos identités. Mais il ne faut pas en oublier pour autant la dimension profondément politique de la Pride, qui s’inscrit historiquement dans un contexte de luttes. A l’origine, les Prides rendent hommage aux émeutes de Stonewall, qui se sont déclenchées dans la ville américaine du même nom en 1969, après des violences policières sur des personnes LGBT+.

Un demi-siècle est passé, pourtant il serait bien malhonnête de prétendre que nos droits sont respectés. On peut citer en exemples le droit à la PMA (procréation médicalement assistée) qui n’est toujours pas accordé à tous les couples, ou encore le refus que les parcours de transition soient aussi conditionnés par la psychiatrie pour les personnes transgenres.

Vous oubliez que nos existences sont politiques. Monter qu’on existe, oui, mais pas en prétendant être dans un carnaval. Montrer qu’on existe en faisant entendre nos voix, nos cris, nos larmes, nos joies.

Lilly, via Instagram

On ne dit pas qu’il faudrait délaisser les paillettes pour arborer des mines sombres et des costumes de clowns tristes, accordez-moi un soupçon de nuance. Seulement, beaucoup de cortèges arborent davantage les couleurs du néolibéralisme que celles de nos revendications ; je dois bien dire que mon anti-capitalisme souffre en voyant fleurir des sponsors et goodies dans une Marche des Fiertés … Le phénomène est de plus en plus répandu : sur les vitrines des magasins, on affiche des drapeaux arc-en-ciel, non pas par soutien, mais bel et bien parce que cela peut avoir des retombées positives sur les ventes. Un soutien de façade, qui ne s’accompagne ni de dons, ni d’actions réelles pour soutenir nos revendications.

Un manque flagrant d’accessibilité

Jusqu’ici, vous me prenez peut-être pour une vieille militante rabat-joie qui cherche juste des raisons pour ronchonner. Mais le fait est que la transformation progressive de ces marches en techno-parades géantes n’est pas sans conséquence sur leur accessibilité pour une bonne partie de la communauté LGBTQIA+, notamment les personnes handicapées, neuroatypiques et/ou psychoatypiques. Revenons plus précisément sur la Pride de Bordeaux, qui a eu lieu le 12 juin, avec le témoignage de Sasha :

La description de l’événement sur les réseaux sociaux indiquait (très discrètement) un parcours accessible aux personnes à mobilité réduite, et la présence d’un « cortège calme » pour les personnes qui en ont besoin. Qu’en est-il sur place ? Un trajet de trois heures, avec une musique très forte, dans un contexte de canicule : la température n’est pas la responsabilité de l’équipe organisatrice, mais la durée l’est. Si trois heures de marche et de sur-place sont épuisantes pour une personne en pleine santé physique, vous imaginez l’état d’une personne en fauteuil roulant ? On peut, bien sûr, choisir d’assister seulement au début, ou seulement à la fin de la Marche (ce que nous faisons, pour la plupart), mais cela implique encore et toujours notre exclusion.

L’accessibilité, c’est un ensemble de facteurs pour prendre en compte tous les types de handicap. […] Il va falloir apprendre à créer des événements et manifestations sur les bases des revendications ET de l’accessibilité. Tout le monde devrait pouvoir participer à un événement sans avoir à quitter les lieux, à fuir ou pire : à devoir tenir jusqu’au bout en souffrant ou en étant dans la gêne.

Le « cortège calme » annoncé, lui, est bel et bien aux abonnés absents, puisqu’il n’est ni calme ni sécurisant ; pire encore, l’espace quasi inexistant entre chaque char ne permet pas d’échapper à la musique tonitruante (entendue même à travers des boules Quies), ni aux vibrations, ni aux bousculades des gens qui dansent. Il reste certes l’option de se placer en bout de cortège … comme si nous étions tout juste bon·ne·s à exister en périphérie de l’événement, à la merci éventuelle de la police ou des fachos.

Rendre un cortège accessible pour que tout le monde s’y sente bien, c’est difficile, je ne vais pas mentir. Ça demande du temps, de l’énergie, et des personnes en amont et pendant l’événement pour s’assurer que les mesures prises soient respectées par la foule (si j’étais mauvaise langue, j’ajouterais que ça demande en premier lieu de vouloir s’en préoccuper). Le reproche principal qu’on peut formuler ici, c’est le danger auquel les personnes handicapées sont exposées si l’on annonce des mesures d’accessibilité … qui ne sont pas présentes sur place. Que suis-je supposée faire si l’on me promet un cortège calme, et qu’il n’existe pas ? Rentrer chez moi ?

Ce qui m’interpelle, finalement, c’est le manque de bienveillance et de considération d’une partie de la communauté LGBTQIA+ à l’égard, non pas d’ennemi·e·s politiques, mais bel et bien du reste de cette même communauté. Sommes-nous moins LGBTQIA+ que vous ?

Par Marion Muller

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