La Fondatrice de l’émission Quartier Libre se lance dans un tour de France des friches culturelles, avec un micro et son camion. Pierre Courtois—Boutet l’a rencontrée pour Combat.
Combat : Qu’est-ce que La Halte ?
Agathe Gallo : C’est un projet de podcasts qui a pour but d’aller faire le tour de France des 13 régions afin de découvrir les friches culturelles de France. L’idée est venue d’une émission que j’ai montée il y a deux ans à Poitiers, qui s’appelle Quartier Libre, sur les ondes de Radio Pulsar. J’avais envie d’aller plus loin sur le sujet de la culture car l’émission ne se concentrait que sur la culture locale.
Le confinement m’a fait réfléchir sur un projet de mémoire que j’avais produit en Master, sur les friches culturelles de France. Lors de ma première année de master, j’avais réalisé un mémoire sur la réhabilitation du Confort Moderne (tiers lieu culturel à Poitiers, l’un des premiers en France, fondé au courant des années 80, NDLR). J’avais suivi tout le travail d’une agence d’architecture qui s’appelle Construire, qui retape des friches culturelles, avec une vraie démarche d’inclusion des usagers. Ce sujet m’a vraiment passionnée et ce mémoire m’a permis de découvrir d’autres friches culturelles en France. Et en deuxième année, je suis allée encore plus loin sur le sujet, en me rapprochant du réseau Trans Europe Halles, qui est un réseau européen des friches : au lieu de rendre un mémoire de 50 pages, il a été de 150 ! Mon prof m’a proposé de faire une thèse, qui ne s’est pas faite. Mais l’idée est revenue assez récemment. Je me suis alors posé la question de lier ma passion pour la radio et les podcasts avec ce projet de recherches pour me tourner vers les friches.
Je me suis aussi dit que je n’allais pas y aller avec ma voiture pour parcourir la France en travaillant à côté, mais que c’était mieux d’acheter un camion pour le retaper, en faire un studio de radio et d’aller faire le tour de France avec durant un an.
Combat : Pourquoi, au-delà de ton sujet de mémoire, avoir choisi les friches culturelles ?
AG : Ce sujet me touche particulièrement parce que j’ai travaillé au Confort Moderne, la toute première friche culturelle qui a été ouverte en France… J’ai trouvé qu’ouvrir un lieu comme ça en 1985, c’était déjà un acte militant. Fazette Bordage, qui a monté ce projet, quand tu l’entends parler, tu sens que déjà à cette époque-là, c’était un OVNI ce genre de lieu, pas, ou très peu soutenu par les politiques. Et la création du Confort Moderne a permis un mouvement beaucoup plus large au niveau national. Aujourd’hui, beaucoup de lieux s’ouvrent et c’est une bonne chose, mais l’idée est de montrer des lieux qui ne sont pas forcément visibles, connus. Ces lieux sont souvent dans des zones périphériques des centres-villes, et donc moins visibles des publics : souvent les habitants ne connaissent même pas le lieu. Par exemple, à Poitiers, le Confort Moderne, c’est un peu éloigné du centre-ville. Il y a aussi la réaction de ne pas se sentir la légitimité de passer les portes d’un lieu comme ça, parce qu’il n’est pas forcément lisible, on a du mal à comprendre ce qu’il s’y passe. L’intérêt de ces podcasts, c’est justement de montrer ce que l’on peut y voir et d’essayer de faire venir des publics qui ne viendraient pas forcément.
Combat : Tu commences par Poitiers avec le Confort Moderne, combien de temps estimes-tu que cela va prendre ensuite ?
AG : Il y a une cinquantaine de structures que je vais aller visiter. Globalement, ça prend à peu près un an. Je les ai sélectionnées par la définition d’une friche culturelle : un ancien lieu qui était plutôt un lieu économique, qui a été abandonné pour en faire un lieu de culture. En tout, il y en a 46 ou 47, mais le trajet peu évoluer, soit pour qu’il y en ait moins, donc passer plus de temps avec certaines ou plus car j’en découvrirai qui seront sur mon chemin. L’idée est de faire un mois, une région.
Combat : Tu es assez entourée pour mener ce projet, pour le camion, l’itinéraire… Comment as-tu réussi à mobiliser autant de gens autour de toi ?
AG : C’est un peu par le réseau. Lorsque j’ai monté une association pour produire Quartier Libre, il a fallu que je constitue un conseil d’administration. Ce sont donc principalement des membres de ma famille qui m’ont aidée pour la trésorerie, un peu de secrétariat, l’administratif, et surtout la partie camion. Le mari de ma sœur m’a aidée : ça nous a pris 10 jours à deux, alors que j’aurais certainement pris trois mois toute seule. Je suis assez seule sur le projet, mais j’ai pu prendre un stagiaire, qui m’a bien aidée pour contacter des structures, faire des dossiers de présentation… Et surtout sur les objets de communication : les vidéos, les photos…
Combat : Tu as ouvert un HelloAsso pour qu’on puisse t’aider financièrement (5 000€). Comment faire pour convaincre les gens de donner en dehors de cette plateforme ?
AG : C’est compliqué ! On sait que dans le financement participatif, c’est souvent les proches qui donnent plutôt que des gens lambda, mais le HelloAsso prend doucement. Je suis toujours en recherche de subventions ou de mécénat pour m’aider sur le projet.
Combat : Qu’est-ce que c’est, l’après La Halte ?
AG : J’ai plein d’idées ! J’ai envie, après avoir fait tout ça, de travailler dans une radio, donc le fait de faire des podcasts cette année va me permettre de développer de nouvelles compétences en radio. Ou alors, et ça serait vraiment génial, mais je compte sur tous ceux qui m’écoutent, me lisent, ce serait de l’étendre à l’Europe et m’occuper des friches culturelles d’Europe. Il faudra que mon camion tienne la route, ça c’est une autre question (rires).
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Propos recueillis par Pierre Courtois–Boutet