Chaque vendredi, une fiction ou un bout d’histoire…
« -Te revoilà.
Phil me regardait. Pendant un moment. Je me frotte les yeux fatigués. Rouges. Sanglants.
-Une nouvelle victime hein ? »
J’ai attendu la nuit pour retourner chez lui, des cheveux bruns dans la main droite, la main de Dieu, ma main de coupable. Des cheveux comme les siens. Je me suis retrouvé dans un désert aride de solitude. Jouissant de mon meurtre, le nez dans les cheveux et les larmes sur mes joues de poète.
Je suis arrivé chez lui vidé d’espoir. Tard. Epuisé. Voulant que tout s’arrête. Je le regarde, dépossédé de toute parole. Je ne le connaissais pas, mais il était devenu un port d’attache. Je ne savais pas où aller. Il me sourit. Me débarrasse de mon meurtre. Il m’ouvre une bière. Le bruit de la capsule sur le sol me fait serrer les dents. La bière de l’amitié.
Le miroir me montra des rides, les rides de la perte du sourire, la perte d’émotion. Toujours là mais plus dans mon cœur. Toujours là mais cicatrisé. Je ne suis plus triste, je n’ai plus honte de moi-même. Mais j’ai peur de ce que je suis.
« -Tiens ! Des vêtements propres !
-Merci.
-Tu sais, je n’ai jamais tué personne, mais je pense qu’on doit partir de suite.
-Quelle lucidité ! »
Alors on est parti. La Suisse. C’est ma Melpomène à moi. Ma tragédie et je dois encore battre mes Titans. Pour une toxico qui embrassait bien. Une déesse qui ne disait jamais pardon. Elle était la femme dans toute sa beauté, sans pudeur, sans frontière de liberté, écoutant le vent dans ses oreilles. L’angoisse. Je me vide. Comme lorsqu’on meurt. Le chien en moi hurle. Mon désespoir, un jeune écrivain alcoolique. Je me cache derrière la fumée de ma cigarette. Ma fumée du néant de mes poumons. L’amour de la mort. Cette fille délicieusement provocatrice. L’amertume de cette ancienne vie apparue dans un haut le cœur. Une sensation sous-vide, étouffée, pas vraiment là. Ailleurs. Sans conversation. Rien. J’ai pris le goût du sang, la vulgarité du goût du sang. Arrête de pleurer. Petit Lapin. Pour seul soutien un extraverti aux allures de mannequins, la honte des homophobes, les homophobes la honte de l’être humain. Les secondes cognent dans le silence de ma voix, sans transition je suis passé de l’essence même de l’humain à la noirceur de son être. Encense brûlante. Le juste milieu entre le Bien et le Mal a disparu. Je fais partie d’autre chose maintenant. C’est comme ça. J’entends le bruit de la fin, je dois tuer. C’est tout. Le niais est perdu. Le nier serait se perdre encore plus. Le héros de la mort est là. Entre ce qui existe et ce que l’on croit. Je suis à la fois virtuose, moqueur et époustouflant, je suis le nouveau tueur, on ne m’appelle pas on me fuit. Je dépeins la perversité et la violence de l’être humain, celui qui lance des bombes, celui qui condamne l’homosexuel, le noir, le musulman… Je la dépeins sous la performance du mal aimé. Je me purifie de toute valeur humaine et redeviens la bête que nous sommes. Il n’y a plus de siècles chez les Hommes. Les lamentations des jeunes filles m’ont déchiré les tympans, ils ne sont plus que des bourdonnements parmi tous les bruits de l’enfer. Je suis l’enfer. Votre enfer. Les larmes ne suffiront pas pour m’arrêter. Bande de lâches, derrière vos écrans de télévisions pendant que vos semblable meurent sous les bombes, meurent de faim, de soif et d’amour, du moins, de reconnaissances. Le drame du monde ne touche pas ceux qui ne pensent qu’à eux. Vous ne méritez rien. J’avance en silence et je vous détruirai. Journalistes coureurs d’argent, télés impudiques. Faibles humains. J’ose lever le poing que vous n’avez pas. Je ne suis pas Charlie, je suis humain. Je pleure ceux que vous laissez mourir et je prends les armes pour les venger, venger les poètes, les écrivains, ceux qu’on ne suit pas par confort, enchaînés par votre propre censure. Voilà ce que nous vivons actuellement : la fin de l’être des lumières dans le pays des lumières.
Le chien grogne.
(à suivre….)
