Chaque vendredi, une fiction ou un bout d’histoire…
Un bar à ambiance. Phil et moi devant une bière, à regarder les gens danser. Dans l’attente d’un regard. Lui en tout cas, semblait obsédé par les corps bougeant. Moi, un seul corps. Un corps qui dit qu’il ne sait pas parler aux hommes faute de conversations intéressantes, alors elle danse. Son corps parle pour elle et danse. Elle mène les mots par ses mouvements, sensuelle. Un joyau du lit. Phil brisa le silence : « Putain.
-Quoi ?
-Ce mec, il a une veste qui m’intéresse.
Je détournais le regard, noir et les sourcils lourds.
-Nan.
Il posa sa main sur son front et serra ses tempes pendant un long moment comme s’il réfléchissait intensément à quelques problèmes philosophiques. Il détacha soudain ses mots.
-Arrête. D’être. Aussi. Aigri. Le monde n’est pas si horrible que tu ne le penses. A plus tard. »
Sur ce, il se leva pour rejoindre l’homme à la soi-disant belle veste, me laissant seul avec ma solitude et sa bière pratiquement pleine. Je l’attaquai avec avidité, le culot à la bouche, mon regard croisa celui de la jeune fille. Elle sourit sous son regard papillon. Mon regard glissa sur ses lèvres innocentes, sur ce beau sourire qui n’indiquait que peu d’espoir au lendemain. Ma bière se reposa doucement sur la table et j’esquissai une ébauche de sourire. Ce genre de sourire qui en dit long, qui parle au-delà des mots. Une douceur de cocaïne. Un souffle qui bat à l’unisson. On s’évade ensemble. A l’heure où s’éclaire le ciel du petit matin, j’étais dans son lit. On s’aimait grâce à l’alcool. C’est comme si on se connaissait depuis longtemps. Je resterai bien des heures à toucher son corps avant qu’il ne meure. Tout va vite. Ses courbes délicieusement recourbées sous mes paumes, sous mes doigts. Ses frissonnements sans couverture. On ne fuit jamais la réalité.
Il m’a fallu de l’audace pour tout simplement la tuer. Elle. Cette jeune femme qui est dans son lit. Finalement j’ose. Son cri fut déchirant lorsqu’elle comprit, il n’a pas fallu de quelque chose de plus pour décrire ma cruauté. Animal. Presque. Ce cri m’effraie alors je le tue plus rapidement. C’est en la regardant dans son sang que je me pose des questions. Pourquoi suis-je pousser à tuer ? Ce n’est pas parce que je suis triste, ce n’est pas parce que la femme que j’aime éperdument m’a laissé. Plus maintenant. J’étais seul et d’une colère si noire que je ne contrôlais plus. Si c’était ma nature ? Ma peur ? Je ne sais pas. Je n’en sais rien, finalement. Rien ne m’obsède plus que l’odeur du sang. L’odeur du sang qu’elle pourrait avoir. Moi le poète foiré. L’objet mouvant dans ce monde. Un grain de poussière parmi les grands. Un révolté devant le stand up de Donald Trump, le one man show des politiques. Le spécialiste de la honte. Ce n’est pas n’importe quoi. J’ai perdu mon inspiration. Je me suis laissé emporter par la fourberie de mes erreurs. Et maintenant je ne sais plus souffrir. C’est dans leurs peaux blanches et frêles qu’a lieu mon sacrement.
Ma vie n’est actuellement qu’une grande contradiction. Ma contraception du bonheur. Et pour apothéose, de l’ironie trempée dans la sueur de la difficulté, une fougueuse malice née de ma propre fornication avec Satan. Je porte le chromosome du tueur. Désolé maman, désolé papa. Je ne le négligerai pas.
- Arrête ça Phil. Black Sabbath commençait à me courir sur les nerfs, d’autant que c’était toujours la même. Malgré tout le respect que je dois à tes goûts musicaux, j’ai la migraine.
- Moooohh serait-ce une ébauche de compliment ?
- Non, simplement une lueur d’espoir.
Phil conclut la conversation en augmentant le son de l’enceinte.
“Finished with my woman ’cause she couldn’t help me with my mind
People thinks I’m insane because I’m frowning all the time
All day long I think of things, but nothing seems to satisfy
Think I’ll lose my mind if I don’t find something to pacify
Can you help me?
Occupy my brain? Oh Yeah ! ! !”
- Désolé… Phil. Balbutiais-je.
- Hmm ?
- Je me réveille d’un long coma mental où je croyais en un monde fictif.
- Comment ça ? Demanda-t-il à mon grand désespoir.
- Tu vois quand je fume ? La fumée, elle glisse sur mes lèvres comme une caresse. C’est doux. Comme la vie quand on est petit. C’est pareil. Mais ça te bousille les poumons, mais ça, on ne s’en rend pas compte quand on est petit que plus tard on se fera du mal. On regarde des dessins animés débiles et on grimpe dans les arbres. Jamais on ne se serait dit qu’un jour notre château de cartes sur lequel on vit ben, il s’ébranlera, comme les cœurs des Hommes…
- Ben putain, trop perché pour moi. » Me coupa Phil en s’ouvrant une bière dans un bruissement élégant de vêtements.
Je suis un mollusque vidé de sens. Je regrette tellement de choses. Des regrets qui déchirent un peu plus l’intérieur de moi-même. Mais bon, je ne voudrais pas virer con. Que suis-je ? A me péter les poumons et les neurones. A me péter ma vie. C’est triste. Triste. En fait non. Triste n’est pas le mot. Je ne saurais le définir. C’est… Pathétique ? Je ne sais pas. Pensez-vous qu’il faille être un petit peu fou pour écrire ? Ne le suis-je pas assez ? Ne faut-il pas être un peu triste ? Connaissez-vous des artistes, des vrais artistes, complètement heureux ? Ne vous êtes-vous jamais posé la question de savoir ce qu’il se cache derrière un Homme ? Le physique n’est qu’un prolégomènes de ce qu’il se cache au fond.
Ma vie, comme ces pages, n’a aucun sens. A quel moment je regretterai ? La culpabilité est forte et l’envie de tout laisser tomber est présente. A quel moment je pense à ceux à qui je manque ? Mon père, ma mère, mon petit frère… Tous tellement déçus. De ce que je suis. De ce que je hais. Vais-je finir fou ? Suis-je fou ? Je l’aimais tellement. Je rassemble leurs cheveux, mes cheveux, ses cheveux. Je rassemble cette dernière frustration de se sentir si… Rien.
Ce que j’allais faire ? Je ne le savais pas. Continuer à pleurer des mots en pensées. Evoluer dans la folie. Attendre que ça s’arrête. Je ne sais pas. En fait non. Je n’attendrai pas que ça s’arrête. C’est dans un regard vague et brouillé que je regarde ce qu’il se passe. Sans tout comprendre mais en avançant quand même. Parce qu’au final, avancer, nous n’en avons pas le choix. Mourir est pour beaucoup une solution. Ce n’est pas la mienne.
Pathétique c’est superficiel.
Je fais glisser les cheveux entre mes doigts. Je n’ai pas fait exprès. C’est juste confus. Des doigts qui ne savent plus que cracher leur plainte sous papier. Pour les beaux yeux d’un vampire psychique. Pense-t-elle seulement à moi ? Ou à ce qu’elle avait fait ? Créé ? J’entends les battements de mon cœur dans les oreilles. J’aimerais pouvoir retrouver mes amis dans un bar de village qui sent la vinasse et la joie de vivre. Si seulement je pouvais leur téléphoner. C’est comme une fête foraine dans ma tête. Quand je reprends espoir puis…
- C’est de la branlette intellectuelle.
- Quoi ? J’avais sursauté, perdu dans mes pensées, j’en avais oublié Phil qui prenait sirotait sa bière.
- Ton histoire de château de carte, tu ne crois pas qu’il y a plus important franchement ? C’est comme ce vieux débat sans sens de « pain au chocolat » ou « chocolatine ». On s’en tape.
- Mais c’est pas du tout la même chose Phil !
- Ben si puisqu’on s’en tape.
- Mais non n’importe quoi toi. »
Je fais glisser ma bière sur la table dans un bruit grinçant. Quel est notre combat, finalement ? Attendre que la vie passe. Essayer d’être heureux ou survivre caché, ou mourir. Camus le disait : la vie est absurde.
(à suivre….)
