La parlementaire communiste organisait ce lundi 10 octobre un colloque au Sénat sur l’avenir des Centres médico-psycho-pédagogiques. Dans ce cadre, et à l’occasion de la journée internationale de la santé mentale, Combat l’a rencontrée.
Pourquoi avoir organisé cet événement ?
A partir d’un constat que je fais sur le terrain en psychiatrie et en pédopsychiatrie, que ce soit dans les établissements hospitaliers ou dans les centres médico-psychologiques (CMP). Il y a aussi de grandes difficultés pour obtenir des rendez-vous pour les enfants et les adolescents dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). C’est un véritable problème qui n’est pas pris au sérieux par le Gouvernement. Il fait les mêmes choix politiques que ses prédécesseurs : éloigner les structures qui sont pourtant au cœur de la cité, au plus près de la population par des regroupements ; et en fermer parce qu’il n’y a pas suffisamment de psychiatres, de psychologues ou d’orthophonistes.
Lors de ce colloque, une table-ronde intitulée « Neurosciences et psychanalyse sont-elles incompatibles ? » s’est tenue. Qu’est-ce qui a motivé ce débat ?
Comme je suis orthophoniste, j’ai été confrontée dans ma pratique à ces difficultés. Les choses se sont aggravées entre le moment où j’ai débuté et celui où je suis partie en retraite – il y a 5 ans. Il y a une guerre des écoles qui oppose neurosciences et psychanalyse. Moi, je pense qu’il est extrêmement grave de décréter la prépondérance des neurosciences. On ne doit pas les opposer à la psychothérapie et à la psychanalyse. Il faut qu’il y ait un échange permanent entre les neurosciences ainsi que ses apports et la psychanalyse qui permet de réfléchir sur les comportements, le psychisme, les interactions dans la formation de la personnalité. Les CMPP offrent ce lieu d’écoute.
Vous dénoncez également une certaine utilisation des neurosciences…
Elles s’inscrivent dans un mouvement de prise en charge [de la maladie mentale] par des protocoles, comme s’il n’y avait qu’un seul type de trouble psychique. Mais chaque individu est différent, doit avoir des réponses personnalisées. La psychiatrie, c’est de la haute-couture. Il y a beaucoup d’approches différentes en santé mentale qui peuvent amener le patient à sortir de la souffrance psychique.
Après les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021 et actuellement la tenue de la Conférence des parties prenantes [NDLR : sur la santé] dans le cadre du Conseil national de la refondation, qu’attendez-vous de la part de ce Gouvernement concernant la psychiatrie ?
Il doit y avoir plus de moyens financiers et humains avec une embauche de personnel. Cela a été dit lors du colloque : il y a énormément de professionnels qui abandonnent leur métier pour diverses raisons. On ne reconnaît pas leur nombre d’années d’études à leur juste valeur. La psychiatrie et la pédopsychiatrie font partie des spécialités les moins bien rémunérées. Et les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Il y a donc besoin de modifier totalement la politique de santé mentale, surtout à l’égard des enfants et des adolescents. En matière de santé et de médico-social, le Gouvernement doit arrêter de considérer qu’il faut absolument réduire les dépenses. Ce sont des investissements pour le bien-être des individus. Il faut aussi une loi-cadre pour la psychiatrie, parent pauvre de la médecine. Elle est toujours abordée par un amendement ou dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, pas dans sa globalité.
Avez-vous un conseil pour notre lectorat ?
Gardez l’esprit ouvert et curieux. Il ne faut pas se laisser influencer par des positions qui paraissent faciles et qui ne règlent pas les problèmes en santé mentale, en psychiatrie et en pédopsychiatrie. N’hésitez pas par ailleurs à rencontrer des professionnels, surtout quand nos enfants ont besoin d’y recourir.
Propos recueillis par Marius Matty