Les arbres des villes en danger

Une fois par semaine, Combat décrypte le sujet que VOUS avez choisi. Cette semaine, vous avez choisi la situation des forêts urbaines.

Que l’on soit convaincu ou non par les discours actuels sur le réchauffement climatique, on ne peut pas nier un changement drastique des conditions de vie sur Terre : hausse du niveau de la mer, épisodes caniculaires répétitifs et importants, sécheresse, et donc difficultés pour se nourrir, avec des conséquences désastreuses sur le développement de nombreux enfants dans les pays les plus pauvres.

Le 19 septembre 2022, une étude publiée dans Nature Climate Change alertait sur les nouveaux dangers représentés par la diminution radicale du nombre d’arbres en zone urbaine. Si aucune mesure d’atténuation n’est entreprise d’ici l’horizon 2050, deux tiers des espèces d’arbres et d’arbustes pourraient être en situation de risque dans les villes du monde entier avec des conséquences désastreuses sur la qualité de vie et l’habitabilité de nos villes. Mais que représentent exactement les dangers de la disparition de ces arbres ? Pourquoi ce sujet est-il devenu capital pour une meilleure prise en compte du vivant au sein des villes ? Quelles sont les conséquences sur notre vie, et celle de la nature ?

Un être vivant nécessaire en milieu urbain

La ville. Des foules compactes pressées sous des blocs de béton. Les antennes figées dans le ciel. La vie gobée par les hurlements du métro et le chuintement des pneus sur le goudron. A première vue, le monde urbain laisse peu de place à la végétation, si ce n’est sagement rangée au sein de parcs et jardins.

Pourtant, même au sein des villes, les arbres sont essentiels à notre survie. D’abord, parce qu’ils sont les as de la métamorphose du CO2. Après avoir aspiré du dioxyde de carbone, ils rejettent de l’oxygène, nécessaire à la survie de l’ensemble des êtres vivants. Moins il y a d’arbres, moins l’air respirable peut être considéré comme sain. Dans ces machines à produire du CO2 que constituent les villes, la présence de végétation est donc primordiale. En 2015, les centres urbains étaient responsables d’un tiers des gaz à effets de serre anthropiques présents dans l’atmosphère et de la majorité des polluants. Avec plus de 70 millions de tonnes de CO2 captées chaque année, en France, la forêt est le premier vecteur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Au delà de cet aspect, les arbres permettent également l’atténuation de la chaleur, la réduction du ruissellement des eaux pluviales, la conservation de la biodiversité et l’amélioration de la santé humaine ainsi que d’autres solutions basées sur la nature, telles que les toits et les murs verts pour réduire la température et augmenter les économies d’énergie.

En rafraîchissant l’air ambiant par transpiration de l’eau depuis les racines vers les feuilles, ils tamponnent les extrêmes climatiques et permettent de réduire la facture d’électricité liée au fonctionnement des climatiseurs, tout en absorbant le dioxyde de carbone émis par la circulation des véhicules.

Depuis 2018, l’objectif de développement durable n°11 intègre la création de forêts en ville, pour en faire des endroits inclusifs, sûrs, résilients et plus soutenables. Le Programme Mondial des Villes Forestières a donc été lancé pour inciter les villes à devenir plus vertes et conscientes des enjeux environnementaux.

Crédits : Plants People Planet

81% des plantes de Montpellier menacées

A l’heure qu’il est, 56 % des espèces dans 164 villes de 78 pays dépassent actuellement les conditions de température et de précipitations rencontrées dans leur aire de répartition géographique. Si aucune mesure d’atténuation n’est entreprise d’ici l’horizon 2050, deux tiers des espèces d’arbres et d’arbustes pourraient être en situation de risque dans les villes du monde entier avec des conséquences désastreuses sur la qualité de vie et l’habitabilité de nos villes. Le risque devrait être le plus élevé dans les villes situées à de basses latitudes, telles que New Delhi et Singapour, où toutes les espèces d’arbres urbains sont vulnérables au changement climatique. Les menaces concrètes de cette situation se traduisent par des variations climatiques qui provoquent des incidents extrêmes (incendies, inondations…).

Or, plus de 4 milliards de personnes vivent dans des zones urbaines, qui représentent environ 3 % de la superficie terrestre de la Terre. À l’horizon 2050, ce nombre pourrait passer à 6,6 milliards de personnes, soit environ 70 % de la population mondiale prévue d’après des prévisions de l’ONU en 2018.

La France est loin de faire exception. À l’horizon 2050, 71 % des espèces d’arbres et arbustes de cinq villes françaises seront en situation de risque vis-à-vis de l’augmentation des températures moyennes annuelles, 69 % des espèces seront à risque vis-à-vis de la diminution du cumul des précipitations annuelles et 49 % des espèces seront à risque pour les deux phénomènes à la fois. Dans une ville comme Montpellier, ces pourcentages atteignent 83 %, 66 % et 55 %, respectivement. Parmi les arbres menacés : le frêne commun, le tilleul à petites feuilles, le tilleul à grandes feuilles, l’érable plane, le bouleau verruqueux, le peuplier tremble, l’aulne blanc, le chêne ou encore le pin sylvestre.

Les arbres de la ville de Melbourne, en Australie, figurent parmi les plus menacés. DR

Des solutions existent

Dans les années à venir, la situation des forêts urbaines risque de se dégrader avec la multiplication des événements météorologiques extrêmes tels que les inondations et les incendies.

Pourtant, affirment les auteurs de l’étude, il est encore possible d’éviter une catastrophe. Du point de vue des politiques urbaines, il est temps de faire évoluer la recherche sur les causes du dépérissement des forêts urbaines pour prévenir leur disparition. Aujourd’hui, il existe en effet très peu d’informations sur la capacité des arbres et des arbustes de nos villes à supporter le stress des milieux urbains dans le contexte de réchauffement climatique. Cela permettrait aussi d’identifier les espèces les plus susceptibles d’être tolérantes aux climats futurs. C’est par exemple ce que propose la base de données Citree en Allemagne. Dans la même idée, en Iran, un modèle de défaillance des arbres récemment développé fournit un système d’aide à la décision environnementale utilisant l’intelligence artificielle pour identifier les arbres à risque de conditions météorologiques extrêmes dans les forêts.

Le changement peut aussi – et surtout – venir des citoyens. Le programme « Devenez un forestier citoyen » de la ville de Melbourne, en Australie, vise à fournir des outils aux citoyens pour aider à créer des paysages urbains résilients, sains et diversifiés. L’outil Web permettant de visualiser la forêt urbaine de Melbourne a la possibilité de localiser des arbres individuels et d’envoyer des e-mails indiquant les préoccupations ou les mises à jour pour chaque arbre.

Dans l’actualité nationale, la ville de Paris souhaitait détruire plusieurs centaines d’arbres près de la Tour Eiffel afin de mettre en place des infrastructures pour recevoir les Jeux Olympiques 2024. Une forte mobilisation citoyenne a forcé la collectivité à revenir sur sa décision. De nombreuses villes passées sous étendard écologiste en 2020 souhaitent planter plus d’arbres au sein des villes. De son côté, l’ONF (Office National des Forêt) accompagne aussi les collectivités dans la préservation des forêts urbaines.

Enfin, dans les temps à venir, avant de planter des arbres, il s’agira aussi de se mobiliser afin de préserver la végétation existante et de ne pas la sacrifier au profit de nouvelles places de parking.

Par Pierre Courtois–Boutet et Charlotte Meyer

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