« Qu’ils retournent en Afrique ! » s’est écrié le député RN Grégoire de Fournas ce jeudi 3 novembre dans l’hémicycle, alors que le député (LFI) Carlos Martens Bilongo interpellait l’exécutif sur sa politique migratoire. Tribune par Mehdi Bouchali.
Le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine, au-delà de sa dimension géopolitique, constitue l’un des plus grands drames humains en ce début du XXIe siècle. Les images des corps mutilés de Boutcha, ces femmes et enfants martyrs, les hommes de l’usine Azovstal, traqués et poursuivis dans de sombres couloirs, dans une Marioupol transformée en enfer de Dante et le théâtre de cette même ville, où se sont terrés des centaines d’Ukrainiens, sous une pluie de missiles et dernièrement, la menace du sinistre champignon planant au-dessus de nos têtes. Ces frères humains, sacrifiés sur l’autel de la folie d’un seul homme doivent être honorés et être inscrit dans la mémoire de tous.
L’Occident, a, dans de louables actions humanitaires, fait tout ce qui est dans son pouvoir et dans sa tradition humaniste, pour en venir en aide aux populations martyres. Convois humanitaires, médicaments, vêtements, aide alimentaire, accueil de femmes et enfants, l’Europe tout entière redore son blason humaniste à travers une unité et un altruisme depuis longtemps mis au banc de nos sociétés. En France, les populations ukrainiennes ont commencé à partager nos vies.
Bien que traumatisées par les images de leur territoire meurtri, certain ont trouvé du travail dans des délais rapides. Leurs enfants partagent les mêmes bancs d’écoles que les jeunes Français, sans différences, hormis celle de la langue. Une vie avec pour horizon, l’espoir d’un retour dans les plus brefs délais à Kiev ou à Kherson.
Et pourtant…
Seulement, un autre drame se joue sous nos yeux. Celui-ci n’a pas cessé depuis la déclaration de guerre de Poutine. Des femmes, hommes et enfants, de tout âge, traversent chaque jour la Méditerranée, au péril de leur vie, bravant l’interdit. L’Aquarius et son équipage en sont témoins. Sillonnant la mer, de Gibraltar à Lampedusa, ce navire voit sa route barrée devant lui, par l’administration de ces mêmes pays dont les bras s’ouvrent grand vers l’est.
Dans les débats, une phrase revient souvent et laisse entrevoir un humanisme en surface et un relent de racisme en profondeur : accueillons-les, ces Ukrainiens, car ils nous ressemblent. Occidentaux comme nous, de religions proches. Et dans l’idéal, blancs de peau. Un bon migrant, intégrable, rapidement, sommes-nous tentés de penser. Il est intéressant d’analyser le vocabulaire et la terminologie employés dans les documents officiels à l’attention des familles proposant un hébergement d’urgence. Les termes « immigrés », « migrants », ont été remplacés par « déplacés ». Le déplacé vient du nord, le migrant, l’immigré, lui, vient du sud. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »
Le chuchotement du député Grégoire de Fournas, du Rassemblement National, à l’Assemblée, est représentatif de cette période sinistre. Mais il n’est pas le seul à qui la presse doit jeter la pierre. Intimement, nous sommes conscients que cette haineuse pensée, qui va à l’encontre de l’héritage philosophique des Lumières, est partagée par beaucoup plus de monde que ce que l’on croit. Les réseaux sociaux ont rendus public le débat et les discussions de ceux que l’on n’entendait pas ou peu.
Naturellement, l’annexion de l’Ukraine par l’armée du Tsar des temps modernes produira un effet de migration, à long ou court terme. Ces femmes et enfants feront partie de nos vies. Cependant, cet accueil, ce partage d’existence ne doit pas faire oublier les tentes lacérées de Calais, les traversées depuis la Guinée jusqu’en Libye, en passant par la vente d’êtres humains sur de sinistres marchés ou le tir à balles réelles sur des hommes et des femmes massés le long des clôtures de l’enclave espagnole de Melilla.
La crise économique actuelle, avec la hausse du prix de l’essence, les denrées alimentaires qui s’amenuisent et la perspective d’un hiver rude, peut nous mener, à nous déplacer. Seulement, dans quelle direction et par quels chemins irions-nous ? Vers le nord, aux côtés de ceux qui nous ressemblent ? Ou vers le sud, vers ceux qui nous connaissent depuis des siècles. Mais qui n’auront pas oublié de noter noir sur blanc, les nombreuses attaques à leurs égards.
Par Mehdi Bouchali