Bernard Friot (collection personnelle, DR)

Bernard Friot : « La retraite est au centre de la lutte des classes »

Le chercheur en sciences sociales, réputé à gauche, souhaite « libérer le travail » avec une alternative « communiste » à la réforme du Président de la République. Combat l’a rencontré à l’occasion de la sortie de Prenons le pouvoir sur nos retraites (La Dispute, 2023). Grand entretien.

Si vous étiez député, voteriez-vous la réforme des retraites de Macron ?

(Silence de cinq secondes). Attendez que j’avale mon café ! (Il rit). Parce que, là, dis donc… (Sourire de Combat). Bien entendu, je ne la voterais pas.

D’où notre système de retraites vient-il ?

De 1946, à l’initiative de trois ministres communistes : Ambroise Croizat au Travail, Marcel Paul à la Production industrielle et Maurice Thorez à la Fonction publique. Du moins, pour ce qui concerne les 250 milliards sur 340 qui composent l’« assurance vieillesse ». Ils ont construit la pension de retraite comme un « salaire continué ».

C’est-à-dire ?

Aucun compte n’est tenu des cotisations. La pension est calculée à partir d’un salaire de référence, le meilleur chez les électriciens-gaziers ou dans la fonction publique et, en 1946, la moyenne des dix dernières années dans le régime général, que Croizat construit en transposant le régime des fonctionnaires aux retraites du privé. Ce salaire de référence est remplacé par la pension en fonction de la durée d’activité validée. La pension est donc un salaire détaché de l’emploi. Ces ministres ont inauguré un changement radical du salaire, qui n’est plus le résultat d’une activité réputée productive, mais un attribut de la personne. C’est un véritable geste communiste !

Communiste ?

Oui, car il nous sort du salaire capitaliste. Dans le capitalisme, le salaire est un paiement à l’acte. Il ne vient qu’après le travail. La « valeur travail » est la croyance que l’on ne peut avoir un salaire qu’en récompense d’un travail productif préalable. Et si le travail est une « valeur », c’est parce qu’il est subordonné : vous n’avez pas de pouvoir sur son objet, sur son contenu, sur sa localisation, ses horaires, sur le collectif dans lequel il s’inscrit. Même pas, le plus souvent, sur la manière de le faire. Tous ces choix essentiels sont le monopole de la direction et donc des actionnaires ou des prêteurs capitalistes auxquels elle obéit. Cette soumission vous rend méritant. Grâce à cela, vous avez le droit de consommer, et de partir en retraite avec une pension, fier de l’avoir gagnée par votre travail.

« Gagner sa vie par son travail. » Que pensez-vous de cette expression ?

Elle est terrible. Le salaire, dans le capitalisme, c’est du pouvoir d’achat. Ça n’exprime pas du tout un pouvoir sur le travail. Et vous travaillez tout au long de votre vie pour ne plus avoir à travailler.

Mais en quoi la pension de 1946 est-elle un salaire communiste ?

D’une part, parce que c’est un salaire. Elle n’est pas, comme certains aiment à le rappeler, un « différé de cotisations ». Croizat ne calcule pas la pension en fonction des cotisations, mais en fonction d’un salaire qui va être continué jusqu’à la mort. D’autre part, parce que ce salaire à vie n’est conditionné par aucun travail subordonné. C’est un attribut de la personne du salarié. Surtout, au lieu d’être le fruit d’une subordination, il est la condition d’un travail librement choisi. C’est tout le bonheur des retraités. En tout cas de celles et ceux dont la pension est un salaire supérieur au SMIC et proche de leur salaire de référence. Ceux-là, précisément, peuvent travailler librement. Or décider du travail est au cœur du communisme.          

Ministre du Travail de novembre 1945 à mai 1947, Ambroise Croizat est à l’origine de toute une série de mesures entrées dans l’histoire sociale : la Sécurité sociale, le système de retraite par répartition, les comités d’entreprise, la médecine du travail, etc. PHOTO : DR

                                                                                                      

Vous assurez que, dans la fonction publique, le salaire est lié à la personne. Qu’est-ce que cela signifie ?

Il est lié au grade, c’est-à-dire à la qualification personnelle du fonctionnaire. Leur qualification de professeure certifiée ou d’infirmière ou d’ouvrier d’Etat, ils la gardent jusqu’à leur mort, et c’est pourquoi ils continuent à être payés comme retraités.

Alors que dans le privé la qualification, et donc le salaire, dépend du poste.

Oui, dans la convention collective du privé, ce sont les postes qui sont qualifiés. Et on est payé pour son poste. C’est tout de même un gros progrès par rapport au paiement à l’acte qu’est le salaire capitaliste. Grâce à l’emploi construit par les bagarres syndicales du XXe siècle, on est payé à la qualification du poste. C’est pourquoi, pendant le confinement, les salariés du privé dont les salaires étaient liés à la convention collective ont été payées à 84% [c’est le dispositif du chômage partiel, NDLR]. Même s’ils n’avaient pas de travail. Quant aux fonctionnaires, ils avaient perçu 100% de leur salaire, puisqu’il est lié à leur qualification personnelle.

Toutefois, les fonctionnaires doivent avoir un certain nombre d’annuités pour obtenir leur pension à taux plein, pour conserver leur plein salaire. C’est une condition qui n’a pas été questionnée par Ambroise Croizat…

Ni par le mouvement syndical qui a suivi. C’est toute l’ambiguïté des créations révolutionnaires de ce ministre du Travail historique. Certes, il invente un salaire dénoué de l’activité subordonnée pour le secteur privé. Mais il conserve la condition de carrière présente dans le calcul de la pension des fonctionnaires. C’est un reliquat de la « valeur travail » capitaliste. Les retraités vont disposer d’un salaire de la liberté, mais à condition qu’ils aient été subordonnés pendant certain un nombre d’années. Près de 80 ans après l’initiative communiste de Croizat, il serait temps que nous allions au bout de l’invention du salaire pour le travail libre, qui remplace le salaire de la subordination, en supprimant la condition de carrière. Les pensions doivent être, pour tous, de 100% du salaire net des 6 meilleurs mois. Et ce, quelle que soit la durée de la carrière !

Comment le patronat a-t-il réagi à cette conquête de 1946 ?

Il été l’objet d’une riposte immédiate de la bourgeoisie. En 1947, elle crée l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) qui vient contester le régime général en revenant à la forme capitaliste de la retraite – « j’ai cotisé, j’ai droit ». Là, il n’y a aucune référence au salaire en tant que tel. Le fondement du calcul de la pension est le nombre de points accumulés, qui représentent les cotisations de la carrière. On convertit chaque année les cotisations en points en fonction de la « valeur d’achat » du point. Lorsque le moment de la pension arrive, on convertit ces points en monnaie en fonction de leur « valeur de service ». On voit bien en quoi le « j’ai cotisé j’ai droit » est la forme capitaliste de la pension de retraite : quand on n’est pas au travail subordonné, on n’a pas droit au salaire.

Vous soulignez aussi dans votre dernier livre une autre trouvaille des « réformateurs »…

Tout à fait. Pour eux, si on ne consomme pas entièrement notre salaire pendant qu’on est actif, car on en met une partie au pot commun [c’est la cotisation, NDLR], alors on pourra en récupérer l’équivalent lorsqu’on sera en retraite. C’est l’idéologie de la « solidarité intergénérationnelle ». J’ai été « solidaire » des retraités en cotisant pendant mon travail subordonné, j’ai affecté une partie de mon salaire aux retraités, il est donc tout à fait normal que, une fois libéré du travail subordonné, je bénéficie des cotisations des autres… Mais sûrement pas d’un salaire !

Quels reculs sociaux sur les retraites y a-t-il eu ensuite ?

En plus d’être immédiate, la riposte des capitalistes a été permanente. C’est ainsi que la « réforme des retraites » a débuté en 1987. C’est une entreprise menée par tous les gouvernements depuis cette date pour en finir avec le droit au salaire des retraités et le remplacer par le droit au différé de leurs cotisations. On a assisté à l’effondrement du salaire de référence servant au calcul de la pension dans le régime général.

C’est-à-dire ?

D’une part, ce n’est plus la moyenne des dix meilleures années, mais, depuis la réforme Simone Veil de 1993, celle des 25 meilleures, qui comptent forcément des années de plus faible salaire, surtout pour les femmes qui ont une carrière plus hachée [et moins rémunérée, NDLR] que celle des hommes. D’autre part, ces salaires qui servent au calcul du salaire de référence doivent être actualisés (car leur valeur nominale peut ne plus représenter grand chose)… Sauf que depuis la réforme de Philippe Seguin de 1987 [alors ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, NDLR], ils sont indexés sur les prix, et non plus sur les salaires. Or, sur le long terme, les prix progressent moins vite que les salaires.

Alors ministre des Affaires sociales, Simone Veil a fait passer la durée de cotisations de 37,5 ans à 40 ans dès 1994 (un trimestre par an) et changé la période de référence pour le calcul des pensions.

Cette « riposte » a aussi consisté à allonger le nombre de trimestres nécessaires avant d’avoir une retraite à taux plein…

Une carrière complète est passée de 150 à 168 trimestres, bientôt 172 si l’actuelle réforme était promulguée [avec la réforme Marisol Touraine de 2014, le nombre de trimestres devait déjà atteindre 172, mais d’ici 2035 et non 2027, comme y obligerait la réforme Macron, NDLR]. On est aussi passé de 65 à 67 ans pour l’âge de la décote [c’est-à-dire la diminution de la pension, NDLR].

Tout ceci aurait pu en être autrement si on avait écouté la CGT à l’issue de la Seconde Guerre mondiale…

Le syndicat a été battu en août 1945 au sein de l’Assemblée provisoire [une institution rassemblant notamment mouvements de résistance, partis politiques et syndicats entre 1943 et 1945 sous la direction du Comité français de libération national, NDLR]. Il revendiquait un régime général sans Etat ni patrons, géré par les travailleurs. Que s’est-il passé ? Sans Etat ? Non, car c’est l’Etat qui décide, par exemple, du taux de cotisation. Sans patrons ? Non, car il y en avait un quart dans les conseils d’administration des caisses [et désormais 50%, NDLR]. Il souhaitait également un régime unifié. Ce n’est pas advenu. Les caisses d’allocations familiales, qui étaient la principale prestation en 1945, ont été séparées du reste ? Surtout, leurs conseils [de gestion, NDLR] n’étaient composées de travailleurs qu’à moitié. Cela dit, le régime général, à forte intervention des travailleurs dans la gestion de 1947 à 1967, a été un conquis très important sur le millier de caisses de sécurité sociales existantes en 1945, qui étaient alors aux mains du patronat pour l’essentiel.

Cependant, la CGT voulait aussi la fin du « plafond »… Et elle a gagné !

Pas exactement… Il faut revenir quelques années avant 1946. Des assurances sociales existaient. On n’en relevait que si notre salaire était inférieur à un plafond. Tous ceux dont le salaire était supérieur à celui-ci étaient couverts par des régimes d’assurance-groupe, souvent des régimes d’entreprise. Le régime général de 1946 a supprimé le plafond d’affiliation. Les cadres, employés supérieurs et ingénieurs qui relevaient des régimes d’assurance-groupe, ont été transférés vers le régime général. Mais la CGT a quand même perdu.

Pourquoi ?

Le plafond d’affiliation est devenu un plafond de cotisations. Elle était évidemment contre, au motif que ça ouvrait un espace pour un régime complémentaire, afin d’éviter que les hauts salaires ne soient remplacés que dans la limite du plafond. Le patronat s’est alors emparé de cette opportunité pour créer l’Agirc-Arrco [Association des régimes de retraite complémentaire des salariés, NDLR].

Avec l’aide de Force Ouvrière (FO)…

Pour l’Arrco, oui. C’est l’institution qui, dans les années 1950, étend à tous les salariés du privé le régime complémentaire par points des cadres. En effet, en 1946, la CGT est une foire d’empoigne entre les anciens de la CGTU [Confédération générale du travail unitaire qui a existé entre 1922 et 1936], communistes et fers de lance de la Résistance intérieure, et les anciens de la CGT confédérée, plus ambiguë vis-à-vis du régime de Pétain. A la Libération, les ex-unitaires l’emportent au niveau confédéral. Et une bonne partie des ex-confédérés va construire la CGT-FO. Un des fonds de commerce de ce nouveau syndicat a été de négocier des régimes complémentaires de retraite pour les non-cadres dans le privé, en faisant en sorte que le plafond de cotisation demeure. Alors que la CGT, de son côté, militait pour sa suppression.

Et que s’est-il passé ?

Une fois la CGT battue sur ce terrain, FO et le patronat ont pu constituer l’Arrco en 1961 afin d’étendre à tous les salariés du privé un dispositif de « j’ai cotisé, j’ai droit ».

Aujourd’hui, ce régime pèse lourd…

Sur les 340 milliards de pensions de retraite, les 80 milliards de l’Agirc-Arrco [les deux institutions ont fusionné en 2019, NDLR] sont vraiment le coin patronal. Macron s’appuie là-dessus. C’est pour cela qu’il veut supprimer les régimes spéciaux, qui sont précisément des régimes du salaire continué sans régime complémentaire. Tous les « réformateurs » depuis 1987 veulent refonder le régime général non plus sur le salaire de référence, mais sur une contrepartie de cotisation. Depuis 1991, le taux de cotisation du régime général n’a pratiquement pas bougé, alors que celui de l’Agirc a plus que doublé. Cela a provoqué un changement considérable. Si l’on regarde le total des pensions actuelles, le régime complémentaire représente à peu près 25% d’entre elles. Mais si on regarde les pensions les plus récentes, ce même régime compte pour près d’un tiers.

Pourquoi cette dérive est-elle si peu mise en avant ?

Je crois que la nouveauté absolue d’un salaire pour le travail libre, tel qu’il commence à s’instituer en 1946, n’a pas été assumée. Et elle ne l’est toujours pas. Les mobilisations sociales n’ont pas été centrées sur la poursuite du conquis du salaire à la qualification personnelle ; sur l’extension à toutes les personnes majeures du salaire lié à la personne, et non pas à l’emploi ; sur l’affirmation du salaire comme un préalable, et non comme un résultat. Ainsi, la lutte syndicale n’a pas pu empêcher la mise en extinction des statuts de la Poste, de la SNCF, et si la réforme actuelle passe, d’EDF-GDF et de la RATP. En cas d’échec, à coup sûr, le statut de la fonction publique sera le prochain sur la liste comme étape suivante de « la réforme ».

La liste, à vos yeux, est longue…

Et malheureusement, ce n’est pas tout. Les opposants ont été relativement indifférents à l’effondrement du salaire de référence. Et ils ont accepté le principe de la carrière, en contestant la hausse de sa durée et de l’âge légal de départ à la retraite [en d’autres termes, selon Bernard Friot, ils ont fauté en se plaçant sur le terrain de leurs adversaires, NDLR].

Des manifestants contre la réforme des retraites le 28 mars 2023 à Paris. (GAUTHIER BEDRIGNANS / HANS LUCAS / AFP)

Que faire ?

Il me semble nécessaire, pour sortir des défaites depuis 1987, de centrer la mobilisation sur la conquête du salaire communiste, du salaire attaché la personne de toute personne majeure, condition du travail librement décidé par les citoyens.

Vous défendez la figure du « retraité communiste ». Qu’est-ce que c’est ?

Pour le retraité du régime général ou de la fonction publique, prémices du citoyen-travailleur communiste, le rapport au salaire s’est inversé. S’agissant du champ décisif de la production, le communisme pourrait être résumé ainsi : « En tant que citoyens, nous avons le droit politique à un salaire qui nous rend souverains sur le travail. Et, donc, nous décidons de la production et nous la réalisons. » Lorsque notre salaire est attribué à notre personne, nous ne sommes plus contraints à la subordination. Nous pouvons effectuer le travail que nous décidons ensemble de faire. Le salaire communiste, c’est précisément à travers les retraités qu’on commence à le voir le mieux. En somme, c’est l’autonomie vis-à-vis de l’Etat et de la classe capitalistes : le travail est librement choisi !

Mais vous critiquez le bénévolat…

Je ne critique pas les bénévoles, qui ne le sont d’ailleurs pas, puisqu’ils sont payés par leur pension [lorsqu’ils sont retraités, NDLR]. Je critique le fait qu’ils sont cantonnés dans le milieu associatif, en marge des services publics et des entreprises, dont ils sont exclus. Le bénévolat associatif fonctionne comme cordon sanitaire entre les retraités et les autres travailleurs. La bourgeoisie capitaliste empêche la co-présence dans les lieux centraux du travail des « retraités » et des « salariés ».

Vous développez à ce sujet une proposition singulière…

L’enjeu communiste est de mettre au même endroit les travailleurs dont le salaire est lié à la personne et ceux dont le salaire est lié à un poste, pour que l’expérience heureuse des premiers se diffuse parmi les seconds. Je suis donc favorable à la retraite à 50 ans, en parallèle d’une mobilisation pour le droit au salaire à vie dès 18 ans. C’est l’âge où l’on est catalogué de « senior », ainsi progressivement mis sur la touche. A 60 ans, il n’y a plus que 52% des personnes en emploi ! Cette période de la vie doit être celle de la responsabilité dans l’autogestion du travail par les travailleurs. Elle doit être une réponse à l’urgence à laquelle nous sommes confrontés, face à un travail aliéné, antiécologique et voué à la recherche du profit capitaliste.

Et combien ce retraité communiste toucherait-il ?

Je souhaite que la pension de retraite soit portée au niveau du salaire moyen – 2500€ nets actuellement – si le salaire de référence de la personne est inférieur. Et que cette retraite ne dépasse pas 5000€ nets mensuels, montant du salaire maximum que je défends. Car il faut en finir avec l’aberrante hiérarchie actuelle des rémunérations.

Et que ferions-nous des capitalistes ?

Mais nous n’en avons jamais eu besoin. Car il n’y a besoin, pour produire, ni de propriété lucrative ni d’avance en capital. Il ne faut que de la propriété commune de l’outil de productionet de l’avance en salaire. L’investissement, ce n’est jamais que du travail pour faire des outils, produire de l’énergie ou transformer des matières premières. Pour produire, il ne faut que des travailleurs et de la nature. Les capitalistes sont des parasites qui s’imposent aux travailleurs et à la nature par la propriété lucrative. Nous n’avons besoin que de salaires pour produire de la valeur [de la richesse, NDLR]. Ils doivent être avancés de manière inconditionnelle, comme droit politique de toute personne majeure résident sur le territoire national.

Alors, selon vous, faudrait-il être payé avant de travailler ? Ce serait un bouleversement considérable…

La religion de la « valeur travail » nous fait croire qu’il convient d’abord de produire de la valeur pour être payé. Alors que c’est l’inverse. Si les capitalistes ont le pouvoir de capter la valeur réalisée par les travailleurs, c’est parce qu’ils ont le pouvoir sur notre travail. Parce qu’ils sont propriétaires de l’outil et conditionnent les salaires à l’exécution de ce travail subordonné. Le pouvoir sur l’argent est la conséquence du pouvoir sur le travail. L’argent n’est pas le centre du pouvoir. Et on ne mettra pas fin au capitalisme par une bonne politique fiscale et un meilleur partage de « la valeur ».

Pourquoi ?

Car la production a bel et bien une valeur, soit capitaliste soit communiste. Elle n’est pas neutre. Le capitalisme, ce n’est pas juste une ponction sur la valeur créée par les travailleurs. C’est d’abord une torsion mortifère de la valeur. On la crée pour elle-même, non pas pour son utilité sociale. Le mouvement communiste a aujourd’hui pour objectif principal la conquête du pouvoir par les travailleurs-citoyens sur la propriété commune de l’outil et sur le travail. Partout, dans les entreprises et dans les services publics ! Ce mouvement a pour obsession l’entrée dans un rapport enfin apaisé avec les autres vivants et le non vivant, dont nous dépendons, et qui ont tant à nous apprendre.

Propos recueillis par Marius Matty

Bernard Friot, Prenons le pouvoir sur nos retraites, La Dispute, 2023, 112p. 8€ et disponible ici.

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