Une semaine après le naufrage d’un chalutier avec 750 migrants à bord, et alors que les recherches d’un sous-marin touristique sont en cours, Mehdi Bouchali s’interroge sur les moyens bien différents octroyés dans ces deux incidents.
« Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. » Cette pensée, nous la devons à Albert Camus qui dénonçait, dans un célèbre éditorial de Combat, l’utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima, en août 1945. Quasiment un siècle plus tard, avons-nous réellement changé notre utilisation des conquêtes scientifiques ? Problème de décollage des fusées Space X, lancées par le milliardaire Elon Musk, chutes relativement hasardeuses de satellites dans les eaux internationales… La conquête spatiale continue, non pour être le premier à fouler le sol lunaire, mais pour mieux assoir son hégémonie technologique.
Une coalition internationale au secours de cinq fortunes
Ces derniers jours, les yeux de l’Occident ont été rivés sur la disparition du sous-marin de tourisme nommé Titan, bijou technologique de l’entreprise américaine OceanGate. Pour la modique somme de 250 000 euros, ce mini sous-marin peut emmener les milliardaires de ce monde à quelques mètres de l’épave du Titanic, gisant au fond de l’Atlantique, près de Terre-Neuve. Certes, si l’épave est connue du grand public pour sa malheureuse destinée et grâce, aussi, au fameux film qui démontre que le navire de la White Star Line était tout sauf insubmersible, l’attirance pour ce qui est caché au fond des mers est encore vivace. La technologie et l’argent, intrinsèquement liés, permettent donc d’approcher le mystère.
Voici donc quelques jours que cinq fortunes, dont un Français spécialiste du Titanic, se retrouvent bloqués à deux-mille mètres de profondeur, avec pour vision, fantomatique, la carcasse rongée et coupée en deux du paquebot mythique.
Les pays occidentaux, rassemblent depuis cette disparition, tous leurs meilleurs atouts pour venir en aide aux victimes. Américains, Canadiens, Français en Norvégiens sont mobilisés. Du côté des Américains, on vient dépêcher garde-côtes, corps des forces armées, et trois avions C-130 dans la zone de recherches. Même son de cloche du côté du Canada, qui lui, envoie le CP-140 Aurora, avion de patrouille maritime. Côté français, c’est un sous-marin de L’Ifremer, baptisé Victor 6000, qui est sur zone, depuis le mercredi 21 juin. Si le sous-marin Titan est donc toujours porté disparu, la coalition internationale fonctionne, et tous les moyens sont mis en œuvre pour venir en aide aux cinq personnes bloquées sous les mers.
En quête d’humanité
En revanche, un autre naufrage s’est joué sous nos yeux, dans la nuit du 13 au 14 juin dernier, avec la mort d’au moins 82 personnes (ce chiffre correspond au corps retrouvés, mais les autorités évoquent plutôt la disparition d’au moins 500 personnes) dans l’accident d’une embarcation au large des côtes grecques. Le 21 juin, ce sont 35 personnes qui ont trouvé la mort dans le naufrage d’une autre embarcation, cette fois-ci au large des Canaries. Entre temps, dans les salons dorés de nos gouvernements européens, on cherche à pointer du doigt le fautif. Les passeurs égyptiens ? Oui, bien entendu, ces hommes transforment la misère en capitaux, à travers la traite de femmes et d’enfants.
On lit dans les journaux que l’embarcation venue de Lybie, à destination d’Italie, n’a pas demandé ou mieux, a refusé l’aide des garde-côtes grecs. Donc, lavons-nous les mains comme Pilate, face à la détresse des humains. Au même titre, pourquoi ne pas attendre un appel d’une des cinq personnes bloquées dans le sous-marin Titan, pour intervenir ? Le Titan est bien doté d’une couverture Wifi.
On se renvoie la balle, on réfléchit à une solution à long terme pour éviter ce genre de drame, mais sans jamais trouver le juste milieu. Les extrêmes, eux, se servent de ces naufrages pour mieux développer leurs théories de repli sur soi. Et pendant ce temps, les corps libyens, syriens, et de l’Afrique tout entière reposeront au fond de la Méditerranée. 600 disparus. A 900 personnes près, vous avez-là la totalité des disparus du naufrage du Titanic. Vous savez, ces milliers de personnes dont la tombe-épave peut être visitée pour la modique somme de 250 000 dollars…
Par Mehdi Bouchali

