Le mercredi 13 septembre sortait en salle le dernier long métrage de Clara Bouffartigue. Dans ce récit tourné dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) la réalisatrice mêle prises de vues réelles et animation enfantine pour peindre le portrait d’une enfance parfois meurtrie, mais toujours accompagnée. Combat vous raconte.
Loup y es-tu ? c’est un projet né il y a cinq ans. Alors qu’elle réalise Tempête sous un crâne en 2012, Clara Bouffartigue fait la rencontre des membres du personnel du Centre Claude Bernard, le premier CMPP créé en France. Cet espace est né en 1946, après la Seconde Guerre mondiale, alors que de nombreux enfants souffraient de traumatismes et n’arrivaient plus à revenir aux apprentissages. Par une approche pluridisciplinaire, pensée par les plus grands noms de la pédopsychiatrie et de la psychanalyse, les enfants âgés de 3 à 18 ans devaient réussir à retourner aux apprentissages et à la vie, aux côtés de leur famille. Ainsi, tout comme les enfants admis dans ce centre, la cinéaste porte grâce et avec eux un nouveau regard sur l’enfance et ses difficultés. Ce qu’elle découvre à leurs côtés la bouleverse : elle décide d’en faire un film. Cinq ans seront nécessaires à la réalisation de Loup y es-tu ?, mais in fine, le résultat en vaut la peine.
Car dans ce documentaire, Clara Bouffartigue bouscule les idées préconçues portées habituellement sur la psychologie enfantine. Cette fois-ci, l’enfant n’est pas ausculté comme une bête de foire, mais bien comme un être construit et autonome, affaibli cependant par ses traumatismes et ses difficultés. Alors comment faire pour l’accompagner et le guider vers la guérison ? C’est ce que l’équipe du Centre Claude Bernard s’attelle à faire, devant la caméra discrète de la réalisatrice. Chez elle, pas de cas spécifique ou d’anomalie nommée : il faut que le public s’identifie aux êtres filmés. Une identification favorisée par la variété de personnages proposées : des parents, des enfants, des soignants. Jeunes ou ados, pas de différence. Tout le monde est logé à la même enseigne. Pour autant, si Clara Bouffartigue s’immisce dans les moments les plus intimes des familles qu’elle observe, la caméra n’est jamais voyeuse. Au contraire, elle devient comme une entité chaleureuse, qui protège ceux qu’elle filme. Après tout, il est question de protéger l’enfance, au Centre Claude Bernard.
User de l’animation pour créer les rêves
Le spectateur est également marqué par les ajouts en animation. Dans ce documentaire, des prises de vue plus imaginaires viennent ponctuer le récit, en proposant des moments silencieux, où seul un personnage fabriqué à partir de crayons s’anime. Ce petit être prend vie la nuit, lorsque le centre est vide, exécutant les histoires racontées par les enfants pendant leurs séances avec l’équipe soignante. Des temps qui donnent au titre du documentaire tout son sens : Loup y es-tu ? évoque les contes et autres histoires qui servent à endormir les enfants, et où une dimension bien réelle sert de terreau à l’invention. Chez Clara Bouffartigue, ce sont les patients et leur sensibilité qui lui inspirent ce long métrage, qui n’a pas vocation à répondre à des questions, mais bien à montrer qu’il n’y a pas de fatalité. Le loup y est peut-être, mais c’est en l’apprivoisant qu’on s’en libère, pas en le chassant pour toujours.
Finalement, si l’on ne doit retenir qu’une chose de ce documentaire, c’est son humanité. La caméra n’est pas là pour juger ses objets, et le spectateur non plus. En participant à la vie de cet espace médical, il devient lui aussi matière à réflexion, ce qui offre un regard tendre sur les visages filmés dans Loup y es-tu ?. La réalisatrice réussit alors le beau pari de rendre son humanité au système de soin, une humanité depuis bien longtemps revendiquée par les personnels concernés, mais hélas trop souvent oubliée par nos dirigeants.
Résumé : Des jeunes, des enfants et leurs parents viennent consulter, souffrance en bandoulière, sous le manteau ou sous la peau, c’est selon. Au centre médico-psycho-pédagogique, les soignants sont là pour les accompagner en thérapie. Par le jeu, le dialogue, le silence, en famille, en groupe ou individuellement, ils cheminent pour les aider à grandir. Il était une fois, derrière le symptôme, tapis dans l’ombre, des enfants, des adolescents et des parents qui avaient peur du loup… Loup y es-tu ?, de Clara Bouffartigue (distribué par Véo Distribution). En salles le 13 septembre.
Combat 