Wauquiez : sous le béton, le blé

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé son intention de sortir du dispositif « Zero Artificialisation Nette. » Les associations de protection de l’environnement dénoncent un calcul politique et écocidaire.

Alors Monsieur Wauquiez, sortir la région Auvergne Rhône Alpes du dispositif Zéro Artificialisation Nette vous semble pertinent à l’heure où la maison brûle ? Pour construire de nouvelles infrastructures à touristes dans des stations de ski aussi sèches que votre âme en prétendant œuvrer à stopper l’effondrement du monde rural, ou bien encore en prévision des prochaines présidentielles ?

Les locaux sont nombreux à s’entendre sur un point : « nous n’attendons rien de lui, au moins nous ne sommes plus déçus » répète-t-on dans la région. Laurent Wauquiez, président Auvergne Rhône Alpes en chef a, lors du dernier congrès des maires de la ruralité, qui se tenait à l’Alpe d’Huez le weekend dernier, annoncé vouloir sauver sa région d’un « ruralicide. » Angoissant, ce néologisme sorti de la bouche d’un citadin habitué aux dîners mondains. Sauver, donc, en dispensant à la région de se soumettre à l’objectif national de réduction de l’artificialisation des territoires.

« Mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu’on s’interdit toute forme d’avenir (…) J’ai décidé que la région se retirait du processus. On le fait en lien avec les départements avec lesquels on a échangé dessus. » Ah la sémantique, « j’ai », puis « on », mais là n’est pas le débat.

Chez Combat c’est avec une association que nous avons échangé, Résilience Montagne, brillamment tenue par Valérie, habitante d’Annecy, qui se donne pour mission de « vulgariser les impacts du réchauffement climatique en montagne », sous toutes ses formes, « du tourisme à l’urbanisation, des écosystèmes à la biodiversité. » Mais pas seulement, puisqu’ils sont également en recherche constante «de solutions pouvant atténuer les effets » du dérèglement climatique et « imaginer comme parvenir à s’adapter », nous explique celle qui a longtemps travailler de l’autre côté de la barrière. Dans une autre vie, Valérie était chargée de « booster la destination France d’un point de vue investissement, business et tourisme, depuis l’Asie du Sud Est », pour le Ministère. Le choc ressenti en 2016 alors qu’elle découvrait les travaux de Jean-Marc Jancovici l’a poussée à réaliser de nouveaux choix.

Politique des grands travaux pour les JO

Revenons-en à Laurent Wauquiez, « c’est dramatique ce qu’il fait ! » Valérie est persuadée d’une chose : « Il n’y a aucun hasard. » Depuis plusieurs mois « on entend les maires ruraux qui grincent parce qu’on va les contraindre à ne pas continuer leurs projets », notamment ceux d’artificialisation, en Savoie et Haute-Savoie. « Tout un tas de sénateurs LR ont allégé le dispositif ZAN, spécifiquement pour les territoires de montagne ». Parce que Laurent Wauquiez a une idée derrière la tête : « ce qu’il veut, c’est les JO 2030 !»

« Pour présenter ce projet de jeux olympiques, avec un calendrier très contraint, il va falloir amener une politique et une stratégie des grands travaux ! » et pour se faire, il faut artificialiser. Le maire du Grand Bornand est lui aussi sur un dossier de gros sous avec l’envie « d’organiser les championnats du monde de biathlon 2028-2029. S’il réussit, sa commune sera pressentie pour obtenir certaines épreuves des JO en 2030. », Il faudra donc aménager le village en conséquence, « créer des carrières à neige, des routes, des aéroports », tout est lié… Et d’ajouter que pour mener tous ces projets dévastateurs à bien « Wauquiez doit faire tomber le ZAN, sinon il ne sera pas crédible. »

Une fois n’est pas coutume, politique et lobbying font bon ménage, et Mr Wauquiez ne déroge pas à cette règle, « nous savons qu’il marche main dans la main avec les lobbies surpuissants de l’immobilier », avec toute la pression qu’ils peuvent mettre « sur les sénateurs pour affaiblir le ZAN. » Le constat des Savoyards et Hauts-Savoyards est amer : « dans nos territoires riches, les logements que l’on monte ne sont pas pour les habitants », et arrive alors ce que l’on nomme les « lits froids. »

Martial Saddier, président LR de la Haute-Savoie, est désireux « d’organiser les JO, mais aussi les championnats du monde de cyclisme en 2027 avec la construction d’un vélodrome à cent millions, pour six licenciés dans la région. » comme la plupart des maires des départements concernés, il pousse dans le sens des grands aménagements. Et si « la Haute-Savoie suit, avec son économie forte et dynamique, dont le budget est d’un milliard et demi d’euros », la balance justice climatique et sociale ne fait pas le poids face à l’appel du sur-tourisme. « Ils sont toujours dans leur délire de la vie d’avant » affirme Valérie.

Les élus font du ski

En septembre Valérie s’est rendue à la réunion publique de la Clusaz. C’est la première fois qu’elle entend le mot résilience dans la bouche des élus. Avec surprise et stupeur, elle s’aperçoit que la définition qu’ils en ont n’est pas la même que la sienne, que la nôtre. « Nous devrons être résilients et skier plus haut ! », qu’ils disaient. Toujours au Grand Bornand, en octobre 2021, Laurent Wauquiez, appelait « tous les maires de montagne présents, à ne pas s’inquiéter, à être solidaires, qu’ils allaient distribuer des subventions publiques pour fabriquer la neige qui ne tombe plus, et qui assène que temps qu’il sera président de région, ils parleront neige, ils parleront ski et tourisme d’hiver ! » Ce que veulent entendre, pour être rassurés, les professionnels du tourisme de montagne, les lobbies, les syndicats hôteliers, et les élus communaux. Démagogie quand tu nous tiens.

Malgré tout, Valérie a de l’espoir : « les citoyens se soulèvent, les politiques continuent de distribuer cet argent public pour des modèles mortifères, en oubliant que sur ces terres il y a des habitants, qui n’en peuvent plus. Et le côté associatif remonte, les gens s’engagent, et quand on s’engage, on ne fait rien de mal, on veut juste être à la table des décisionnaires ».

Par Jessica Combet

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