Alors que la situation ne cesse de se dégrader depuis le début des manifestations, des rassemblements de soutien naissent peu à peu en France.
Mêlés à l’effervescence des Jeux Olympiques, les rebondissements politiques français et outre-Atlantique auront fait passer au second plan l’actualité internationale. Certains événements auraient pourtant mérité davantage d’attention de la part de l’Occident. Parmi eux, les manifestations au Bangladesh qui ont entraîné plus d’une centaine de morts.
Une protestation contre les quotas
Depuis le début du mois de juillet, les rues de Dacca sont devenues le théâtre de manifestations étudiantes. Aux racines de la colère : le système de quotas d’embauches des fonctionnaires. Depuis 1972, 56% des emplois de fonctionnaires stables sont attribués selon des quotas. 30 % de ces postes sont réservés aux descendants de ceux qui ont lutté pour l’indépendance du Bangladesh en 1971, lors de la guerre contre le Pakistan. En juin dernier, une décision de la Haute Cour annulait une ordonnance qui avait pourtant aboli ces quotas, suscitant par la même occasion la protestation des étudiants.
« Ce système n’est pas pertinent », affirme Raisa. La Bangladaise, aujourd’hui salariée d’une entreprise en France, fait partie des organisateurs des manifestations de soutien aux étudiants bangladais depuis les rues de Paris. Aux yeux du collectif Students Against Discrimination, à l’origine de la contestation, cette répartition n’a en effet plus lieu d’être. Sur les 171 millions d’habitants qui peuplent le Bangladesh, près de la moitié a aujourd’hui moins de 28 ans. Selon les statistiques gouvernementales sur l’année 2022, plus de 40 % des Bangladais âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi ou n’étudient pas, soit 18 millions de jeunes. Les fameux 30% bénéficieraient avant tout aux partisans de la Ligue Awami, le parti au pouvoir depuis quinze ans. Students Against Discrimination réclame alors l’abrogation de ces quotas, à l’exception des 6% consacrés aux minorités ethniques et aux personnes handicapées.
Des répressions dans la violence
De ce mouvement à l’origine pacifique, le gouvernement bangladais en a fait l’un des épisodes les plus violents de son Histoire. Fermeture des établissements scolaires, mise en place d’un couvre-feu, coupure d’Internet, déploiement de l’armée à travers les villes du pays… La police a été rejointe par la Ligue Chhatra du Bangladesh, la branche étudiante du parti au pouvoir.

« Le secrétaire général du parti au pouvoir, M.Obaidul Qader, qui est le ministre le plus influent du gouvernement de Hasina, a déclaré que l’armée tirerait à vue si elle voyait des manifestants », s’indigne la branche française du Forum des étudiants bangladais. « Des rapports indiquent que des militants du parti au pouvoir armés de bâtons, de pierres, de machettes et de cocktails Molotov ont attaqué des manifestants pacifiques. » Le collectif pointe également du doigt l’utilisation de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc dans les rues du pays.
Depuis une semaine, la répression policière a viré au bain de sang. Les derniers chiffres font état de 174 morts et 2.500 arrestations. Raisa n’a pas de nouvelles de ses proches depuis plusieurs jours. « Redonner accès à internet dans notre pays est notre principal objectif aujourd’hui, reconnaît-elle. Nous voulons communiquer avec notre famille, nos amis, et savoir ce qui se passe. »
Le gouvernement en perte de vitesse
Dimanche, la Cour suprême ordonnait l’abaissement des quotas de fonctionnaires à 5 %. Dans la foulée, Students Against Discrimination annonçait une pause dans la lutte. Mais la colère semble bien loin d’être éteinte. Bouleversées par les dérives policières, les manifestations étudiantes sont rapidement devenues le berceau d’un mouvement antigouvernemental. « A bas la dictatrice ! » pouvait-on entendre dans les rues de Dacca alors que des étudiants succombaient sous les coups de la police.
Agée de 76 ans, la première ministre Sheikh Hasina est au cœur des protestations. Réélue cette année pour un cinquième mandat lors d’une élection boycottée par le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), le principal parti d’opposition, qui a dénoncé un « simulacre d’élection », elle doit répondre à des accusations de dérive autoritaire. Ces dernières semaines, elle jetait d’ailleurs de l’huile sur le feu en qualifiant les opposants aux quotas de «razakars», un terme insultant qui désigne ceux qui ont collaboré avec le Pakistan pendant la lutte pour l’indépendance.

« Vivre au Bangladesh est violent, témoigne Raisa. Nous devons sans cesse nous battre pour notre sécurité, notre nourriture, et cela est encore plus difficile en tant que femme. » Et d’ajouter : « nous ne voulons pas d’un gouvernement qui tue nos étudiants et les présente comme des terroristes. Je veux un gouvernement qui puisse assurer la sécurité de ses étudiants et de ses citoyens. »
Une manifestation à Paris
« La situation actuelle au Bangladesh est critique et a des répercussions importantes sur les droits humains et les principes démocratiques, alerte le Forum des étudiants bangladais. Une action immédiate et concertée de la part de la communauté mondiale est essentielle pour remédier aux violations et soutenir les droits et la sécurité des manifestants. »
En solidarité avec les étudiants qui protestent au Bangladesh, de nombreuses manifestations voient le jour en Europe, comme à Londres, Barcelone et Lisbonne. A Paris, un premier rassemblement a réuni près de 2.000 personnes mi juillet. Une nouvelle manifestation organisée par le Forum des étudiants bangladais aura lieu aujourd’hui à 19h30 place de la Bastille.
Par Charlotte Meyer
A l’origine du Forum des étudiants bangladais en France :
Saiful Alam Sabuj
Dhalia Nishat
Rabeya Basri Raisa
Md Jakaria Bhuyan
Atiqur Rahman Chowdhury
Iftesham CHOWDHURY
Istiak Akib
Mohammed Shafwat Hossain
Jawad Bin Anwar
Shahed
Sabbir hasan rochi
Md Hasnat
Mehedi hasan
