Catherine Sauvat ressuscite les femmes de lettres

Le nouveau livre de la biographe sort de l’ombre les œuvres et vies de ces écrivaines qui ont longtemps dû se cacher pour être publiées.

« Les pseudonymes ont ceci de merveilleux qu’ils offrent toujours une histoire dans l’histoire avec, pour certaines, de réjouissantes mystifications. »

Quel est le point commun entre George Sand, Daniel Lesueur et René d’Anjou ? Le premier nom vous aura peut-être mis la puce à l’oreille : derrière ces patronymes masculins, ce sont bien des femmes qui tiennent la plume.

Avec son essai Ils sont elles, paru cette année aux éditions Flammarion, la documentariste et biographe Catherine Sauvat exhume ces autrices qui ont dû enfiler un costume d’homme pour être publiées. Car si certaines, à l’image de Jane Austen et des sœurs Brontë, ont su traverser les époques, d’autres ont été injustement oubliées et ont disparu de nos anthologies. « Il reste à les remettre sur le devant de la scène littéraire, là où elles auraient dû garder leur place, au cœur de notre histoire » écrit l’autrice.

Une lecture militante

En tout, ce sont quarante-trois portraits de femmes que nous propose l’autrice. A côté des plus célèbres, on y rencontre par exemple Katharine Burdekin, autrice de romans d’anticipation féministe, ainsi que Claire de Duras qui, dès 1823, dénonce le racisme à travers son roman Ourika et écrit : « l’indépendance des idées est une chose que le monde ne pardonne point aux femmes. » Et puis, il y a celles dont la biographie se lit comme un roman d’aventures : Marie-Amélie Chartroule de Montifaud qui déambule en costume d’homme dans les bibliothèques parisiennes après en avoir reçu l’autorisation de la préfecture de Police, Marguerite Eymery dont les ouvrages sulfureux lui valurent le sacre de « reine des décadents », ou encore Isabelle Eberhardt, cavalière du désert.

Portrait de Mme Marc de Montifaud, photographie de Pierre Petit entre 1880 et 1890

« Combien de femmes empêchées, contrariées, soumises à une injonction maritale, familiale, à des impératifs éditoriaux ou à une pression sociétale, sont allées jusqu’à changer leur identité pour se donner une chance d’exister en littérature ? » En posant d’emblée cette question, Catherine Sauvat met le doigt sur les difficultés qui empêchaient (et qui empêchent parfois encore) les femmes de déployer leur créativité en toute liberté, sans avoir à se cacher derrière l’anonymat.

Après avoir écrit sur des destins d’auteurs bien connus, comme Stefan Zweig et Rainer Maria Rilke, Catherine Sauvat s’attelle une mission nécessaire : donner une postérité à ces artistes oubliées parce que femmes. Dans la même veine, on lira Musiciennes de lumière, l’ouvrage de la violoniste Marina Chiche qui présente trente musiciennes des XIXe et XXe siècles.

Une fois le texte achevé, le lecteur n’a qu’une envie : courir découvrir ces autrices à travers leurs textes propres. Un livre qui se lit par bouchées à picorer par ci par là, comme un petit déjeuner féminin et féministe, pour commencer la journée en pied de nez au patriarcat.

Par Charlotte Meyer

Catherine Sauvat, Ils sont Elles : Histoires extraordinaires d’écrivaines qui ont choisi des noms d’hommes, Flammarion, 2024, à retrouver ici

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