VIH : pourquoi l’épidémie perdure?

En France, environ 5.500 personnes apprennent leur séropositivité chaque année. Malgré les politiques de lutte contre le sida, qui ont permis un contrôle significatif de la maladie, celle-ci est toujours d’actualité.

« Il vaut mieux coucher avec une personne testée séropositive qu’avec une personne qui se dit séronégative », note Bruno Spire, médecin et directeur de recherches à L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Car si la première, après dépistage, est prise en charge et ne peut pas transmettre le virus, la seconde ne sait pas nécessairement qu’elle en est porteuse. La lutte contre le VIH est ainsi étroitement corrélée avec l’accès à l’information. Pourtant, en 2022, 43 % des infections ont été découvertes à un stade tardif – une proportion qui ne baisse pas depuis plusieurs années.

La prévention est donc primordiale : « tout le monde connaît le préservatif, mais tout le monde ne connaît pas la PrEP », détaille Florence Thune, directrice générale du Sidaction. Ce médicament, qui s’adresse aux personnes non porteuses du VIH, est à prendre avant un rapport sexuel afin d’éviter une contamination. Deux nouvelles versions pourraient d’ailleurs être bientôt mises sur le marché. L’efficacité de la première, qui consiste en une injection intramusculaire à faire tous les deux mois, a été prouvée, mais elle n’est pas encore disponible en France – malgré l’autorisation de son utilisation délivrée en 2024 par la Haute Autorité de Santé. Pour la seconde, qui implique la réalisation d’une injection sous-cutanée chaque six mois, les études se poursuivent. Ce dernier traitement, aux résultats concluants, s’apparente à un vaccin. Il serait disponible dans deux à trois ans et pourrait attirer les personnes qui refusent de prendre des médicaments préventifs par peur du regard des autres. En 2024, le VIH est toujours une maladie considérée comme taboue.

Populations marginalisées

Pour autant, l’épidémie de VIH est, aujourd’hui en France, contrôlée. Selon Frédéric Lebreton, « 97 % des personnes qui en sont atteintes sont dépistées, traitées. Pour Santé Publique France, ce n’est plus une priorité », explique le journaliste spécialisé VIH et santé sexuelle pour Remaides. Mais certaines populations sont davantage touchées que d’autres. C’est particulièrement le cas des personnes nées à l’étranger, concernées par plus de la moitié des découvertes de séropositivité en 2023.

Une manifestation d’Act Up-Paris – DR

Une étude présentée la même année, lors de la 19ème Conférence européenne sur le SIDA, indique que 62 % des personnes exilées issues de la communauté LGBTQIA+ qui vivent avec le VIH l’ont attrapé sur le territoire français. Cela est particulièrement dû aux formes de sexe transactionnel qui peuvent avoir lieu lorsque ces dernières arrivent en France. « Les personnes migrantes occupent parfois un logement contre des services sexuels, car les conditions d’accueil de la France les laissent dans la précarité, explique Bruno Spire. Si on donnait des titres de séjour et permettait un accès au logement, il y aurait moins de contaminations. »

Accès à la santé pour tous et toutes

La lourdeur des démarches administratives et la difficulté à assouvir des besoins primaires rendent secondaire la préoccupation pour la santé. Prendre la PrEP, pas forcément connue, n’est pas une priorité, et beaucoup de personnes ne savent d’ailleurs pas qu’elles y ont droit. Pour cette raison, les associations de lutte contre le VIH travaillent en faisant de l’aller-vers, une méthode consistant à se rendre au contact des populations marginalisées pour les amener au soin.

Ainsi, Aides, Act Up ou encore le Sidaction mènent des actions de prévention et de dépistage sur les lieux de vie et de travail des personnes concernées – dans les soirées, sur les marchés, aux sein des lieux de prostitution. En parallèle ont été bâtis, à Paris, Marseille, Lyon et Montpellier, des Centres de santé sexuelle d’approche communautaire (CSSAC). Ces endroits permettent aux personnes qui craignent le milieu médical ou en sont intimidées de trouver des pairs, de côtoyer des gens de leurs communautés respectives. Il est possible d’y bénéficier de soins, de conseils et d’une prise en charge ; des traducteurs sont présents pour accueillir celles et ceux qui ne parlent pas français : une relation de confiance, créée par la proximité, peut être plus facilement instaurée que dans un laboratoire. En phase de test jusqu’alors, ces établissements devraient être pérennisés en 2025.

L’implantation de ces centres – et l’ensemble des mesures prises pour lutter contre le VIH – est finalement le fruit d’une volonté politique. La possibilité, depuis 2022, de faire un dépistage gratuitement et sans ordonnance permet de repérer plus facilement l’infection, mais la maladie demeure. Globalement, Florence Thune milite pour une meilleure qualité d’information : « Aujourd’hui, les personnes qui meurent du sida sont celles qui ont été contaminées il y a des années, qui ne le savaient pas et qui voient leur état de santé se dégrader brutalement du jour au lendemain, accédant trop tard à des soins. » L’un des facteurs les plus explicatifs de la contamination étant finalement le fait de ne pas se percevoir à risque.

Par Elena Vedere

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