En Savoie, une association propose des activités asines pour lutter contre l’exclusion des personnes mises à la marge de la société. Reportage.
C’est dans le massif des Arves, en Savoie, que se trouve l’asinerie Ânes en Montagne, créée par Marie Dauphin. Née en 1999 avec deux ânes, cette ferme nichée dans la montagne compte désormais une quarantaine de pensionnaires à quatre pattes. Outre les somptueuses randonnées, Marie propose des ateliers de médiation asine avec des personnes en situation de handicap. Immersion dans l’une de ces matinées toutes particulières.
Une mâtinée riche et bien remplie
Les deux minibus sont arrivés vers 10h. L’excitation de rencontrer les animaux était palpable. Les patient.e.s et leurs éducateur.ice.s ont de suite été invité.e.s à rejoindre Bourriquet, Nenette et Airelle dans un espace fermé, mais en liberté. “C’est très important de commencer la médiation en liberté, m’a expliqué Marie, cela permet à l’âne de ne pas se sentir contraint et d’aller faire connaissance avec les humains par lui-même.” Pour les humains en question, le fait de voir les animaux en liberté favorise la confiance. Par exemple, Gilles1 a de suite été attiré par Nenette et réciproquement. Cela leur a permis de s’apprivoiser tout en douceur.

Tous.tes les participant.e.s ont été invité.e.s à s’asseoir. Marie a présenté la ferme et, le plus important, les ânes et leurs particularités individuelles. Le moment tant attendu est ensuite arrivé : le pansage. Chacun a choisi son préféré, le but étant de ne rien faire dans la contrainte mais d’établir plutôt des propositions. Après un temps, retour aux explications : quelles étaient les fonctions d’un âne autrefois ? Avec quel matériel ? Celles et ceux qui avaient les réponses aux questions posées étaient applaudis, et les autres étaient avides de connaissances sur les ancêtres de leur protégé. Puis, est venue l’heure de bâter les ânes pour partir en balade. Chacun.e a pu contribuer à la préparation : poser le tapis, attacher une boucle… L’objectif : que tout le monde se sente utile. Un des animateurs me confie : “ce sont des personnes qui ont tendance à ne pas avoir beaucoup confiance en elles. Alors, la moindre chose positive devient un grand pas.”
Une fois chaque âne prêt, la balade pouvait commencer. Après quinze minutes de marche, nous voilà arrivé.e.s à un panorama exceptionnel. Pause broutage pour les ânes et eau pour les bipèdes. La montée a été plus difficile mais chacun.e, y compris les ânes, allait à son rythme. Tous.tes celleux qui voulaient tenir les ânes ont pu le faire et Sophie, 52 ans, s’est extasiée : « la balade est super, la montagne est jolie et les ânes sont gentils. Je suis heureuse ». Un bonheur prolongé car, de retour à la ferme, chacun.e, y compris les animateur.trice.s, Marie et moi, a pu placer une étiquette “partie du corps de l’âne”. Avec de l’entraide et beaucoup d’encouragements et d’applaudissements, nous avons tout juste !

Il est alors venu le temps de la remise de diplômes d’ânier-randonneur et des au revoirs. Si pour Max, les adieux avec Bourriquet étaient difficiles, pour Lisa, cette matinée était l’une des meilleures de sa vie.
La résistance
Dans un monde où les personnes en situation de handicap sont trop souvent reléguées à la marge, ce type d’expérience leur redonne une place, une voix et renforce leur confiance en elles. Ce que construit Marie avec ses ânes n’est pas qu’un moment récréatif : c’est une démonstration concrète que l’inclusion ne devrait pas être une exception, mais un droit.

L’animal n’est pas réduit à un outil ou une attraction, il est un compagnon de route respecté, un être sensible qui prend part à une relation égalitaire. C’est tout un modèle alternatif qui s’invente, et pourtant essentiel : celui d’une agriculture à taille humaine, de liens tissés dans la lenteur, de lieux paisibles où l’on apprend ensemble à désapprendre la domination. Dans ce geste de brosser un âne, de poser une sangle, de marcher côte à côte sur un sentier, il y a bien plus qu’une activité pédagogique : il y a une sorte de résistance. Une résistance douce mais déterminée face à l’indifférence sociale, au mépris institutionnel et à la marchandisation du vivant. Ce que montrent Marie et ses ânes, c’est qu’un autre monde est possible.
Anes en Montagne est une ferme créée en 1999. Outre les ateliers de médiations décrits dans cet article, Marie et ses ânes proposent diverses randonnées en montagne, pour toutes les envies, toujours dans le respect fondamental du bien-être animal. Plus d’informations sur www.anesenmontagne.com .
- Tous les prénoms des participant.e.s ont été modifiés ↩︎
