Des séries et des longs métrages engagés à regarder sous le plaid.
On vous croit – Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys
TW : inceste, violences sexuelles et psychologiques
Deux enfants brisés, une mère affligée et un père criminel, voilà les personnages principaux de ce huis-clos époustouflant de justesse.
Dans un tribunal de la jeunesse belge, Alice défend coûte que coûte ses enfants pour les protéger. Son fils Etienne relate des faits d’inceste par son père qui l’aurait sodomisé à plusieurs reprises. Ce dernier nie complètement les faits, pourtant prouvés par de nombreuses expertises médicales, en accusant son ex-compagne d’aliénation parentale.
Dans ce long-métrage, les réalisateurs mettent en lumière avec brio la nécessaire prise en compte de la parole des enfants dans ces procédures judiciaires éprouvantes. Alice, interprétée par Myriem Akheddiou, incarne remarquablement les victimes collatérales des violences sexuelles et du patriarcat. L’avocate du père montre une vision glaciale de la société où les enfants auraient absolument besoin de leurs deux parents, mais surtout d’un père.
On apprécie le rythme du film, où chaque parole laisse place à une réflexion aussi profonde qu’essentielle.
Des preuves d’amour – Alice Douard
“Ce n’était pas instinctif de t’imaginer coucher avec une fille”. Lorsque Nadia (Monia Chokri) tombe enceinte à l’aide d’une PMA au lendemain de la loi Taubira, sa femme Céline (Ella Rumpf) et elle sont confrontées aux critiques, aux préjugés et aux questions mal placées.
Céline cherche sa place et sa légitimité en tant que future mère. Pour pouvoir adopter son enfant quand il sera né, elle doit recueillir des témoignages de son entourage proche attestant du lien avec celui-ci et de son implication durant la grossesse de Nadia.
Pourquoi autant de résistance quant à la reconnaissance des mères au même titre que les pères ? Comment peut-on arrêter d’entretenir de manière permanente les clichés sur l’homosexualité féminine ? À travers cette touchante comédie romantique, Alice Douard aborde ces questions avec beaucoup de finesse et d’humour. Grâce au jeu parfait des actrices, la réalisatrice met en lumière deux femmes brillantes d’amour et de résilience. Un film qui donne le sourire tout en proposant une vraie réflexion autour de la sortie des schémas familiaux hétéronormés. À voir !
Bistronomia – Marie-Sophie Chambon
La série Bistronomia, réalisée par Marie-Sophie Chambon, nous plonge dans l’univers des grands restaurants français, au début des années 2000, où l’on suit trois jeunes de milieu et de personnalités très différentes : Johanna, Amandine et Vivian. Passionnés de gastronomie, ils et elles travaillent à la faire vivre, par l’assiette ou la critique.
Mais le cadre dans lequel iels sont censés s’épanouir les enferme, les rabaisse et leur assigne un rôle dont iels ne veulent pas. Ensemble, iels vont se serrer les coudes et s’élever pour créer la cuisine qui leur ressemble : la bistronomie.
Une série brillante qui sait parfaitement vous plonger dans un univers oppressant où la survie ne vient pas du talent. La violence du système raciste et misogyne qui s’applique (aussi) au monde de la cuisine, nous saute aux yeux dès les premières minutes. Un environnement particulièrement masculin où les femmes peinent encore à se faire une place et à s’y faire respecter. Les dynamiques de classe restent présentes, au-delà de l’uniforme du milieu gastronomique, ce qui n’empêche pas les personnages de s’entraider et de suivre leurs ambitions, ensemble. Les épisodes sont si bien dosés qu’ils arrivent aussi bien à nous donner la nausée – et pas à cause des plats cuisinés – ou en colère qu’à nous donner espoir.
On ne peut s’empêcher de s’accrocher au rêve d’émancipation de cette cuisine élitiste, et de dévorer les épisodes un à un, tel un repas aux saveurs variées, douces et épicées. A déguster d’urgence.
