A l’occasion de la mobilisation de ce week-end en Maurienne en opposition aux travaux, Combat vous propose de comprendre tous les enjeux du sujet dans une série en trois volets.
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Dans le courant des années 90, à l’aube du lancement des travaux, la route nationale qui traverse la vallée de la Maurienne jusqu’à l’Italie toute proche est parsemée de panneaux et autre banderoles « NoTAV ». Coordonné spontanément par les habitants du Piémont, dans le nord italien, le mouvement NoTav (no ad treno ad altà velocita) prend sa source dans une forte opposition au projet de la ligne ferroviaire reliant Lyon à Turin. Leur leitmotiv : fédérer pour mieux régner. Les Italiens, bientôt rejoints par les Français, main dans la main lutteront contre la catastrophe climatique engagée par la Transalpine qui bétonne et détruit leur montagne.
Histoire d’un mouvement
S’en suivra l’installation de ZAD, puis de plusieurs presidio, des deux côtés de la frontière, sous la forme de lieux communs assurant une présence des locaux au plus près des travaux.
La contestation avance : retraites aux flambeaux, grandes marches regroupant de dix à cinquante mille personnes, accompagnée d’une occupation toujours plus forte des zones de chantier. La répression avance, elle aussi. Les manifestants sont sommés de quitter les lieux par l’État qui enverra un lourd dispositif de forces de l’ordre anti-émeute emportant avec eux une réelle menace de poursuite judiciaire, notamment lors de la grande marche entre Suze et Véneau, où se situera l’entrée d’une galerie du tunnel de base, en 2005. Si le mouvement prend de l’ampleur, la répression aussi.

« On s’est retrouvé avec des condamnations graves, comme la condamnation de Nicoletta ou celle de Dana pour des faits absolument ridicules. Dana, s’est retrouvée avec une condamnation de deux ans ferme et elle n’a eu une assignation à résidence qu’au bout de six mois. C’est la raison pour laquelle je dirais qu’il s’agit d’un complot d’une magistrature piémontaise très rigide à l’encontre des manifestants NO TAV.», mentionne Maître Danilo Ghia, un des avocat du collectif dans l’émission LSD du 30 septembre 2021 diffusée sur France Culture.
La résistance, les Mauriennais l’ont dans le sang, il est donc naturel pour eux de réveiller les consciences en organisant eux aussi des réseaux de lutte souterrains. Rassemblés pour lancer les sujets qui fâchent, les voilà relais des prises de positions des opposants ; il est alors temps de combattre l’ennemi. Et l’ennemi commun, depuis trente ans, c’est ce grand chantier.
S’allier et lutter
En avril dernier, à Saint Jean de Maurienne, les deux nations étaient réunies lors d’une convergence dans l’optique de cocréer une nouvelle dimension à cette contestation de longue date. « Nous sommes une communauté, NoTav, il est très important que nous, Français et Italiens soyons ensemble dans la lutte. Nous sommes une union contre le Lyon-Turin », et l’assistance engagée d’applaudir à l’appel « Résistance!»
«Cérevamo, ci siamo, ci saremo, sempre!»
« Nous n’avons plus que nous pour espérer sauver ce qu’il reste de la vallée », lance, dépitée, l’une des opposantes de longue date, à la tablée de savoyards présents pour débattre ce 16 avril. « Des idées, nous en avons, et si les 45 000 habitants que nous sommes, nous suivent, alors nous pourrons peut-être l’emporter », soutient son voisin. Tout comme leurs camarades transfrontaliers, ils souhaitent éveiller les consciences par le biais de conférences ou bien encore de journées festives, comme celle qu’ils vivent actuellement, par la mise en place de marches, de manifestations, la distribution de tracts ou bien encore grâce à une communication internet élargie au plus grand nombre.
« Nous devrions prendre exemple sur NoTav et créer des petites ZAD un peu partout le long du tracé », abonde un militant, « et espérer que le projet n’aboutira pas, comme à Notre-Dame-Des-Landes. » Une dame intervient en évoquant l’arrestation du co-président de Vivre et agir en Maurienne l’été dernier alors que vingt-cinq manifestants barraient la route aux camions qui devaient descendre alimenter en béton un puits de ventilation à Avrieux. Malgré ce souvenir empreint de répression, leur volonté de bloquer les accès aux chantiers est toujours présente. Il en va de même avec l’idée de convaincre les élus locaux, bien qu’ils grincent des dents à l’évocation de la corruption ambiante, « presque tous été achetés par TELT...». Ils souhaitent également combiner leurs revendications aux forces amies que représentent les différentes associations de protection du vivant.
Les 17 et 18 juin prochains les associations et collectifs d’opposition au Lyon-Turin se réuniront pour une mobilisation populaire et internationale organisée par Les Soulèvements de la Terre, Vivre et agir en Maurienne, Non au Lyon-Turin, la Confédération Paysanne et Sud Rail au cœur de la vallée alpine abîmée par des années de lutte et de dégâts sur leurs terres.
Si les journaux locaux tentent de diviser la population mauriennaise en présentant l’évènement à venir comme un remake de la tristement célèbre Sainte-Soline, les résistants auront enfin l’occasion de médiatiser leur cause et ainsi de faire entendre leur voix, celle qui sauvera, enterrées sous des tonnes de béton, leurs racines.
Par Jessica Combet
Image à la Une : Facebook NoTav

