Léna Lazare : « Le Gouvernement mène une politique destinée à terroriser »

Au lendemain de dizaines de rassemblements contre les violences policières devant des préfectures, l’activiste écologiste dénonce la répression du mouvement social contre la réforme des retraites et les mégabassines, tout en regrettant l’absence de mesures d’Emmanuel Macron sur le partage de l’eau dans le plan qu’il a présenté hier.

A l’appel du collectif Bassines non merci, du syndicat agricole Confédération paysanne et du mouvement des Soulèvements de la Terre, une centaine de manifestations a eu lieu hier, jeudi 30 mars, devant des préfectures du pays. Pourquoi ?

Il est très important de continuer à visibiliser les dérives du maintien de l’ordre. Le dispositif policier n’avait pas été aussi violent depuis longtemps. C’est un symptôme de la tendance des dernières années. Les violences ne sont pas le fait d’individus, contrairement à ce que Gérald Darmanin affirme. Le Gouvernement lui-même mène une politique destinée à terroriser. Quand des grenades GM2L sont tirées au milieu d’une foule dense, l’accident est certain. A la suite de cela, le Gouvernement s’est enlisé dans le mensonge. Et il n’est pas parvenu, médiatiquement, à passer à autre chose que Sainte-Soline. Nous avons aussi voulu marquer notre opposition à l’existence des BRAV-M [des forces de police dédiées au maintien de l’ordre et particulièrement décriées pour leurs exactions, NDLR].

Le ministre de l’Intérieur a annoncé la dissolution des Soulèvements de la Terre. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

C’est une stratégie de diversion communicationnelle. Le Gouvernement est acculé par le mouvement social des retraites ou de lutte contre les mégabassines. Il tente quelque chose pour éviter de parler de la contestation sociale et des 30 000 personnes qui ont manifesté contre l’accaparement de l’eau [6000 à 8000 personnes d’après les autorités publiques, NDLR]. Deux personnes sont toujours dans le coma [l’une en est sortie la nuit dernière, NDLR]. Les Soulèvements de la Terre, c’est une dynamique d’actions, un réseau d’acteurs tels que des associations, des syndicats, des groupes écologistes et même certaines branches locales de la Nupes. Le mouvement est porté par une centaine d’organisations [et soutenu par plus de 300 personnalités, NDLR].

Mais les Soulèvements de la Terre ne sont pas déclarés en tant qu’association. Alors que veut-il dissoudre ?

Il dit que c’est un groupement de fait. Si on pousse la logique, cela pourrait aller de La France Insoumise à ATTAC, en passant par Youth for Climate, jusqu’à la CGT. C’est absurde !

Des manifestants contre la mégabassine de Sainte-Soline rentrent de leur action le samedi 29 octobre 2022 (crédits : Marius Matty).

Dans le cadre du Plan Eau, Emmanuel Macron a annoncé hier que les projets de retenues d’eau seraient désormais conditionnés à de la concertation, une pluralité des usages et à un changement de pratiques marqués par la réduction de la consommation d’eau et de pesticides. Qu’en pensez-vous ?

Il existe une confusion. Derrière le terme « retenues d’eau », il y a des situations différentes. Ce que nous appelons « mégabassines » sont des retenues d’eau de substituion alimentées par le pompage des nappes phréatiques. Depuis des mois, la Confédération paysanne et le collectif Bassines non merci demandent à être reçus par le ministère de l’Agriculture pour entamer des négociations sur les usages de l’eau. Sans succès. On nous parle aussi, depuis longtemps, de « verdissement » [réduction de l’usage des pesticides et de la consommation d’eau pour les cultures arrosées avec l’eau des bassines, NDLR]. Mais entre s’engager et faire, il y a un fossé. A ce jour, on n’a constaté aucun changement. Les pratiques agroindustrielles persistent. Et elles sont un problème. Les mégabassines restent un élément de mal-adaptation au changement climatique. Les hydrologues qui prennent en compte les effets du dérèglement du climat disent que c’est une mauvaise idée. Cette eau pourrait continuer à être stockée dans les nappes. En surface, le développement des bactéries altère la qualité de l’eau et, en plus, celle-ci s’évapore plus facilement.

Pourtant, il y a eu de la concertation…

C’était de la démocratie participative consultative. Comme le Grand débat national ou la Convention citoyenne sur le climat, c’est une farce. Surtout, Emmanuel Macron n’a rien dit sur le partage de l’eau. Dans les Deux-Sèvres, seuls 6% des agriculteurs bénéficient des mégabassines. Ce sont les grosses fermes qui en bénéficient le plus. Le Président de la République s’entête.

Propos recueillis par Marius Matty

Léna Lazare (Droits réservés)
Léna Lazare (Droits réservés)

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