Collëtte : « Je suis dans une quête permanente de vérité »

COMBATTANTE. Chaque lundi, Combat vous entraîne à la rencontre d’une femme qui change le monde. Avec son premier EP intitulé “Et mon coeur s’éleva”, la chanteuse Collëtte s’est livrée à son public sur des sujets tous aussi personnels les uns que les autres. Pour Combat, elle revient sur son parcours de vie improbable et ses inspirations.  

Pourrais-tu te présenter ?

Moi, c’est Collëtte, avec un tréma sur le ‘e’.

Je me suis lancée dans la musique en 2022. Avant, je faisais du marketing. J’ai été salariée en entreprise pendant plus de cinq ans puis, face à une perte de sens et à la suite du décès de ma sœur qui était handicapée,  je me suis posée beaucoup de questions sur le sens de ma vie, celui de mon quotidien, sur moi… Je me suis dit que j’avais envie de remettre de la musique dans ma vie comme un hobby mais il y a beaucoup de personnes qui sont arrivées sur mon chemin pour me faire comprendre que j’avais une voix qui portait beaucoup de messages et transmettait des émotions.

Il y a notamment mon voisin qui m’a entendue chanter par la fenêtre. Il était producteur de musique et ça a fait germer une petite graine dans ma tête. Un an et demi après, j’ai décidé de me lancer. En deux ans et demi, j’ai sorti mon premier EP que j’ai auto-produit ainsi que trois clips et trois live sessions.

Devenir une artiste engagée, était-ce une évidence ?

Je pense que ça part d’une forte exigence vis à vis de moi-même. Dès lors que je ne suis pas sincère avec moi-même, je m’en veux pendant très longtemps : je suis dans une quête permanente de vérité. Ensuite, vis à vis des autres, c’était important de montrer qui j’étais. Jusqu’au décès de ma sœur, je ne me connaissais que très peu. C’est cet événement qui m’a fait me découvrir. J’ai envie de montrer la vraie personne que je suis maintenant. Pour moi, ça paraît déjà engagé que de se montrer de manière 100% véridique. Je suis quelqu’un de très sensible, et tous les sujets liés à toute forme d’humanisme sont des choses qui m’animent complètement et dont j’ai envie de parler. Je veux écrire sur des sujets qui me paraissent essentiels et non pas écrire des paroles pour écrire des paroles.

Quel est ton processus de création artistique ?

J’écris le texte et ensuite la mélodie. Mes textes, ce sont comme des fulgurances qui me sont venues dans ma réflexion, dans mon introspection intérieure. Derrière, ces textes peuvent dormir pendant 3 ou 4 mois. Parfois, je peux avoir un éclair de composition et ça vient en très peu de temps. Mais le texte, pendant un moment, reste tout seul dans sa petite note du téléphone.

Quels sont tes sujets de prédilection ?

Mes sujets de prédilection, c’est surtout de trouver des solutions à des problèmes que l’on peut ressentir. Dans mon EP je parle vraiment de sujets introspectifs, de sujets qui sont finalement des limites ou des barrières dans le développement de sa propre vie. Pour rentrer plus dans le détail, j’ai parlé du fait d’oser sortir de sa zone de confort. J’ai aussi parlé de lorsqu’on réalise qu’on n’est pas au bon endroit, il faut oser aller chercher plus loin et trouver un équilibre ailleurs, même si cela fait peur. C’est important de prendre des risques dans la vie. J’ai sorti les chansons quand j’étais prête à le faire dans le cadre de ma propre histoire.

La chanson “Peur de l’amour”, c’est vraiment la chanson la plus introspective et la plus difficile à sortir. Elle parle d’émotions et de sentiments, de quelque chose d’assez intime. Elle résonne beaucoup dans l’oreille de mon public. J’ai cherché à faire quelque chose de très simple, de ne pas enjoliver, d’aller directement à l’essentiel. Je pense que c’est la principale force de mes chansons. Il y a un autre sujet que j’ai adressé à mon public, qui est celui des regrets dans le deuil. C’est encore très personnel, dû au décès de ma sœur il y a cinq ans. Ma sœur était handicapée. J’ai été là pour l’aider et l’assister toute une partie de ma vie et j’avais des regrets car je m’en suis voulu de ne pas avoir été parfaite. J’ai souhaité faire une chanson pour accepter de se pardonner de quelque chose que l’on n’a pas réussi à faire à un moment. C’était vraiment quelque chose que j’avais envie d’exprimer.

Et enfin, certains de mes titres parlent de cette recherche d’équilibre perpétuel dans laquelle je suis, pour trouver ma place dans le monde de la musique et quitter un ancien monde de salariat. Même si c’était une vie qui semblait parfaite sur le papier, je me sentais inadaptée dans cet environnement-là. J’ai découvert que j’étais artiste au fond de moi et cette recherche qui doit nous accompagner toute la vie, c’est ce que je raconte dans la chanson “J’avance”. Tout passe par des doutes ou des périodes de confiance.

Collëtte en concert ; crédit photo : Mathieu Schumeng

La musique est-elle une forme d’introspection ?

Oui, complètement. C’est souvent une solution à des états intérieurs un peu compliqués. Ça me ramène un petit peu à la réalité. Quand j’ai tendance à partir loin dans mon esprit, la musique me ramène sur terre de manière assez instantanée et magique. C’est la musique qui me soulage de tous mes maux. Il y a vraiment ce quelque chose axé sur la sincérité dans ce que je raconte. C’est le résultat d’une introspection.

Quelles ont été tes plus grandes difficultés en tant qu’artiste ?

Je pense que c’est lié à moi et à une forme de barrière intérieure que l’on peut se mettre et qui vient de différents endroits, de manques qu’on cherche à combler de la mauvaise façon. C’est cette forme d’auto-sabotage, par peur d’échouer, par peur du regard de l’autre…

Malgré la concurrence, quand on est sincère, on trouve forcément sa place. L’aspect financier du métier d’artiste est compliqué pour trouver son équilibre, c’est toute une aventure, surtout quand on a été habituée à un salaire régulier. On réalise la valeur de l’argent, de ce qu’on fait. C’est une grosse problématique.

Peux-tu nous parler de tes projets futurs ?

Ils sont très ancrés dans le présent pour trouver des solutions financières et pouvoir financer un premier album. Je suis en discussion avec des partenaires. J’ai commencé à le travailler. En parallèle de ça je développe beaucoup la partie concert. Le but est de continuer le projet Collëtte, de lui donner un peu plus de liberté, car ce projet parle aussi de la difficulté que j’avais à exprimer complètement qui j’étais. C’est ça le futur.

Pourquoi Collëtte comme nom d’artiste ?

C’est le prénom de ma grand-mère que j’ai un peu modifié pour me l’approprier. J’ai choisi le prénom de ma grand-mère car c’était une femme qui avait une force artistique assez impressionnante Elle était artiste dans son mode de vie et dans sa façon d’être. Ça m’inspire beaucoup pour garder cette chose qui me semble très belle.

Y a-t-il des femmes qui t’inspirent ?

Oui, une autre artiste que je suis depuis ses débuts, Charlotte Cardin. Je la trouve vraiment inspirante dans son parcours. Elle a pris le temps d’aller là où elle avait envie d’aller et c’est quelque chose que j’aimerais réussir à faire. Elle a quelque chose de très sincère au niveau de la voix que j’aime beaucoup.

Il y en a plein mais c’est elle qui me vient en premier. L’autrice Colette m’inspire également.

Finalement, les parcours de femmes libres m’inspirent car c’est une vraie quête pour les femmes que de chercher la liberté. C’est quelque chose qu’on ne fait pas consciemment.

Propos recueillis par Capucine Bastien-Schmit

crédit photo : Maïotte Le Jemtel

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