
Une fois par semaine, Combat décrypte le sujet que VOUS avez choisi. Cette semaine, vous avez choisi les enfants affectés par la crise climatique.
D’après un rapport publié par l’UNICEF en 2021, un milliard d’enfants est exposé à des risques climatiques extrêmes. Mais, à travers le globe, la population infantile n’est pas touchée de manière uniforme.
Derrière elle, un fond et un drapeau bleus reconnaissables entre mille. Coiffée de longues tresses et vêtue d’une robe vert eau, parsemée de petits points bleus et de fraises rouge vif, cette Ougandaise de 25 ans se tient devant une assemblée de journalistes. Ce 15 septembre, dans les locaux des Nations unies à New York, Vanessa Nakate annonce avec une fierté toute modeste sa nomination en tant qu’« ambassadrice de bonne volonté » pour l’UNICEF. Activiste pour le climat depuis 2019, sa renommée est allée croissante l’année suivante après que l’agence de presse états-unienne Associated Press l’ait coupée d’une photo où on l’apercevait avec sa célèbre camarade suédoise, Greta Thunberg, et d’autres militants. Indignée, elle s’était alors fendue d’un tweet : « Vous n’avez pas juste effacé une photo. Vous avez effacé un continent. »
« Ce rôle auprès de l’UNICEF me donnera davantage d’occasions de rencontrer des enfants et des jeunes dans les endroits les plus touchés par les changements climatiques et une plus vaste tribune pour plaider en leur faveur », a-t-elle exposé dans un communiqué de presse publié le jour de sa désignation. Mais, il y a près de trois semaines, elle était déjà à l’œuvre dans le nord-ouest du Kenya « pour constater directement les effets de l’insécurité hydrique et alimentaire causée par la pire sécheresse qu’ait connue la Corne de l’Afrique depuis 40 ans », indique ce même communiqué. « Dans l’une des communautés dans lesquelles je me suis rendue, il n’a pas plu depuis plus de deux ans. C’est plus qu’une crise alimentaire et nutritionnelle, c’est une manifestation supplémentaire de l’aggravation de la crise climatique. »
« Une crise des droits de l’enfant »
« La crise climatique est une crise des droits de l’enfant », a affirmé Henrietta Fore, ex-Directrice générale de l’organisation onusienne chargée de l’enfance, dans l’avant-propos d’un rapport, dont le titre reprend les mêmes termes, paru en 2021. Selon les auteurs de cette publication, cela s’explique par la multiplicité des domaines affectés par le changement du climat : eau, santé, éducation, protection et participation. Ainsi, assurent-ils, certains droits définis par la Convention internationale des droits de l’enfant ne sont plus garantis sinon entravés – un traité qui dispose par ailleurs que la population infantile s’entend, en règle générale, comme étant âgée de moins de 18 ans.
Pour mesurer les effets de la crise climatique sur cette tranche d’âge, les auteurs de ce rapport ont constitué l’Indice des risques climatiques pour les enfants (IRCE). « Environ un milliard d’enfants [sur 2,2] vivent dans [un des 33] pays classés à très haut risque en raison des effets des changements climatiques », a également expliqué Henrietta Fore à partir de cet indicateur inédit. L’IRCE est bâti sur deux piliers. D’une part, il y a « l’exposition aux aléas, chocs et stress climatiques et environnementaux » qui comprend : « pénurie d’eau », « inondations fluviales [et côtières] », « cyclones tropicaux », « maladies à transmission vectorielle », « canicules » et « pollution de l’air [ainsi que des sols et de l’eau] ». D’autre part, il y a « la vulnérabilité des enfants » observée à partir des éléments suivants : « santé et nutrition des enfants », « éducation », « eau, assainissement et hygiène » et « pauvreté, ressources de communication et protection sociale ».

Cela va sans dire que la population infantile ne réagit pas de la même manière aux risques climatiques que ses aînés. « Par rapport à un adulte, un enfant a besoin de plus d’eau et de nourriture par unité de masse corporelle, résiste moins bien aux phénomènes météorologiques extrêmes et présente une plus grande sensibilité aux produits chimiques toxiques, aux variations de température et aux maladies, entre autres », souligne l’UNICEF. « À cause [des chocs climatiques], les enfants les plus jeunes, les plus pauvres et les plus vulnérables sombrent davantage dans la pauvreté, avec comme corollaire une plus grande difficulté à se relever à chaque nouvel épisode de cyclone ou d’incendie », déplorent Adriana Calderón, Farzana Faruk Jhumu, Eric Njuguna et Greta Thunberg, quatre membres des « Fridays for Future » [NDLR : « Les Vendredis pour l’avenir »] dans une tribune introduisant le rapport sur l’IRCE.
Inégalités
La catastrophe climatique frappe durement, mais inégalement. D’après la publication de l’UNICEF, les treize premiers pays où les enfants sont les plus exposés aux risques climatiques se trouvent en Afrique. Un fossé qui s’élargit si l’on observe les 33 pays à « très haut risque » (IRCE supérieur à 7, pour des Etats compris entre 1 et 8,7) qui « génèrent moins de 10% des émissions de gaz à effet de serre », indique la production de l’institution new-yorkaise. Alors que, rappellent ses auteurs, « les dix pays les plus émetteurs sont à l’origine de près de 70 % de la totalité des gaz à effet de serre ». Parmi eux, il n’y a qu’un pays à très haut risque : l’Inde.

Le genre, aussi, est un marqueur d’inégalités. Selon que vous serez homme ou femme, les changements climatiques vous rendront plus ou moins fragiles. Il y a une dizaine d’années, la climatologue soudanaise Balgis Osman-Elasha soulignait dans une chronique pour l’ONU : « [L]es femmes sont plus vulnérables que les hommes, en grande partie parce qu’elles représentent la majorité des pauvres dans le monde et dépendent davantage des ressources naturelles menacées. » Un fait qui s’explique « en grande partie parce qu’elles représentent la majorité des pauvres dans le monde et dépendent davantage des ressources naturelles menacées ». Être à la fois femme et enfant n’arrangerait donc pas les choses.
Les enfants de demain, enfin, ne seront pas en reste, comme le montre un article intitulé « Inégalités intergénérationnelles dans l’exposition aux extrêmes climatiques » paru en 2021 dans la revue Science. Coordonnateur de cette publication, le climatologue Wim Thierry avait tweeté dans la foulée que « dans le cas d’un réchauffement planétaire de 3°C [d’ici 2100], une personne de 6 ans en 2020 sera confrontée à deux fois plus d’incendies de forêt et de cyclones tropicaux, à 3 fois plus d’inondations fluviales, à 4 fois plus de mauvaises récoltes, à 5 fois plus de sécheresses et à 36 fois plus de vagues de chaleur qu’une personne [née en 1960]. » De surcroît, un autre fait vient couronner et assombrir le tout : d’après des projections onusiennes, en Afrique, le population de moins de 14 ans pourrait atteindre 800 millions d’âmes en 2100.
Que faire ?
« [D]e nombreux pays n’ont aucune stratégie d’adaptation, ou possèdent une stratégie qui ne les protège pas et ne répond pas aux besoins urgents qui sont les leurs », a regretté Catherine Russell, à la tête de l’UNICEF depuis le 1er février dernier, à l’occasion de la parution du deuxième volet du sixième rapport du GIEC, Impacts, adaptation et vulnérabilité. « Cela signifie que la plupart des enfants demeurent sans protection ni préparation face aux conséquences croissantes des changements climatiques. »
Mais les solutions existent. Dans le rapport de l’organisation onusienne publié l’année dernière, les auteurs ont avancé cinq propositions : « accroître les investissements en faveur de l’adaptation aux changements climatiques et de la résilience des services essentiels pour les plus jeunes » ; « réduire les émissions de gaz à effet de serre » ; « éduquer les enfants au climat et à l’écocitoyenneté, pour leur donner les moyens de se préparer et de s’adapter aux effets des changements climatiques » ; « associer la jeunesse à l’ensemble des négociations sur le climat » ; et « œuvrer pour une relance verte, bas carbone et inclusive ». Mmes Calderón, Jhumu et Thunberg et M. Njuguna, quant à eux, tranchent : « Nous avons un devoir les uns envers les autres et envers les enfants trop jeunes pour tenir un crayon ou un micro, mais qui seront confrontés à des difficultés pires que les nôtres. »