Sabine Quindou – « Les mers et les océans sont notre salut. »

Il n’avait eu de cesse de susciter l’intérêt des téléspectateurs pour les milieux marins pendant près de quarante ans ; Georges Pernoud, le père fondateur de l’émission Thalassa, nous a quittés le 10 janvier. La journaliste Sabine Quindou, qui a récemment pris la relève de la présentation, revient sur cet homme qui a su apporter à bien des générations des rêves d’étendues océaniques. L’occasion pour elle de présenter aussi ses propres projets.

« Il disait lui-même que la mer permet de rencontrer des gens engagés, aimants et sincères. »

Sabine Quindou, dont l’air curieux et malicieux n’est pas inconnu à ceux qui ont connu C’est pas sorcier, nous en apprend plus sur les valeurs que l’ancien présentateur de Thalassa nous a transmises à travers toutes ces années. Des valeurs « de découvertes, de partage, de curiosité, d’écoute » : c’est ainsi que son ancienne coéquipière décrit Georges Pernoud.

Des valeurs qui expliquent pourquoi Thalassa a su nous intéresser aux curiosités de la mer et aux actions menées par diverses personnes pour défendre l’élément aquatique ou faire perdurer le patrimoine naval, et ce indistinctement des générations. Comme l’explique Sabine Quindou : « Ces valeurs sont universelles, vous pouvez donc les décliner autant que vous voulez : on peut les transmettre à toutes les générations. Georges disait lui-même que la mer permet de rencontrer des gens engagés, aimants et sincères. »

Des valeurs qu’elle a « évidemment » l’intention de faire perdurer au sein de l’émission, puisqu’il s’agit d’un « système auquel on ne  peut pas ne pas adhérer ». « Mes premières valeurs à moi sont la justice et la liberté, puis la joie : je me sens donc assez proche des siennes ! », rajoute Sabine.

« Je le voyais comme un pater familias »

C’est en 2007 que la membre de l’équipe de C’est pas sorcier rejoint celle de Thalassa. Neuf ans plus tard, ses souvenirs vis-à-vis de Georges Pernoud ne semblent pas s’être estompés: « Je le voyais comme un pater familias. Il faisait preuve de beaucoup d’humilité et de sincérité. Il savait que ce qui importe, c’est de raconter de belles histoires avec de belles images ». Parmi tous les spectateurs de Thalassa, on sera en effet nombreux, face aux paroles de Sabine Quindou, à se remémorer l’aspect poétique dont étaient empreints les propos que tenait énergiquement Georges Pernoud sur les images d’un marais, de la surface de la mer ou du fond d’un océan.

Lors de ses débuts dans l’émission, Sabine Quindou a considéré Georges Pernoud comme quelqu’un qui « faisait entièrement confiance à ses collaborateurs ». Elle nous relate ses premières activités : « Je sortais juste de mes études de réalisation. Je devais partir en Patagonie, dans le Détroit de Magellan, pendant un mois. Pendant notre première réunion, il m’avait dit : ‘‘Tenez-moi au courant mais ne vous en faites pas, on vous fait confiance’’. Vous vous rendez compte, c’était magique ! »

Georges Pernoud présente le magazine "Thalassa" depuis 1975
Georges Pernoud présentait le magazine « Thalassa » depuis 1975Crédit : PIERRE VERDY / AFP

Mais c’est aussi la manière dont Georges Pernoud considérait les membres de son équipe qui a visiblement marqué ces derniers : « Il avait un œil bienveillant, tous ses coéquipiers vous le diront ! », affirme  notre interlocutrice. Ce qu’elle a pu remarquer au cours de sa deuxième réunion avec lui : « Dans le premier film que j’ai fait, certaines séquences étaient très bonnes, d’autres moins – j’étais réalisatrice mais j’étais aussi à l’image. Il m’avait alors dit : ‘‘Vous avez à la fois fait ce que vous pensez que j’attendais de vous et ce qui vous rend unique !’’. Dans ce film, à un moment, je tombe alors que je marche dans la forêt, puis je me relève en riant ; et pour lui, c’était tout moi. ‘‘Vous tombez, vous rigolez, mais vous continuez à raconter votre histoire, vous restez dans le tournage ! Peu de personnes peuvent le faire. Ne vous cachez pas !’’. Quand j’ai eu mon premier enfant, il m’a dit : ‘‘Faites-le, continuez à voyager et à tourner vos histoires, votre fille sera fière de vous !’’ ».

C’est enfin d’un présentateur qui l’a fait progresser au cours de son activité à Thalassa que se souvient Sabine Quindou, qui se base en particulier sur les cinq films qu’elle a réalisés pour l’émission, « dont le dernier, Le festin du roi, a reçu trois prix et une très bonne critique dans Télérama ». Elle ajoute : « Il m’a fait comprendre l’importance de me mettre devant, non pas pour être le protagoniste, mais pour être le deuxième personnage, celui qui met le protagoniste en valeur. Georges m’a toujours donné des conseils – il ne m’a pas donné du poisson mais m’a appris à pêcher – et m’a expliqué quel rôle donner aux personnages. Il faisait preuve de bienveillance professionnelle. »

« On ne pourrait se passer d’un magazine sur la mer »

C’est en novembre 2020, trois ans après que Georges Pernoud ait pris sa retraite, que le relais de la présentation de l’émission passe à Sabine Quindou, à qui l’on a demandé de « redonner un nouveau souffle à l’émission ». Une proposition qui ne se refusait pas : « Je ne pouvais que dire oui ! C’était un privilège, un honneur, une marque de confiance, mais aussi un challenge ! », affirme l’animatrice qui soutient avoir « adoré rencontrer l’équipe ».

Ce vendredi 15 a paru un numéro spécial de Thalassa en hommage à Georges Pernoud. On y découvre l’enfance du célèbre relayeur des histoires de la mer entre Rabat colonisée et Paris, ses débuts derrière la caméra dans les rues barricadées de Mai 68 et sa proposition du projet de Thalassa, qui aujourd’hui, quarante ans plus tard, ne s’est pas interrompue. « Une bonne partie de la rédaction était aux funérailles, ce qui était déjà une façon de lui rendre hommage. C’était un moment plein d’émotions. »

Dans un contexte où l’on alerte de plus en plus sur l’importance de la préservation de l’environnement, la nouvelle présentatrice de l’émission compte bien traiter de ce sujet comme il se doit. « C’était déjà le travail de fond réalisé par Georges et son équipe qui est en place depuis plus longtemps que moi ! », rappelle-t-elle avant de faire part de sa réelle volonté de parler de la sauvegarde des milieux marins. Et là, ajoute-t-elle avec un ton malicieux, « je remets ma casquette de C’est pas sorcier ! » C’est d’ailleurs – comme sûrement bon nombre d’ente nous – grâce à Thalassa, qu’elle suivait déjà à ses débuts, qu’elle a compris la nécessité de préserver cet élément. Ce dont Georges Pernoud « avait déjà conscience dans les années 70 ». Comme elle le fait remarquer – très justement, si l’on y réfléchit –, « On ne pourrait se passer d’un magazine sur la mer ». La jeune journaliste, qui au cours de sa carrière s’est tout particulièrement spécialisée dans le domaine scientifique, nous rappelle  l’importance du milieu maritime notamment pour nous-mêmes : « Les mers et les océans sont notre salut, comme l’avait dit Georges Pernoud quand il a proposé Thalassa en 1975 après avoir consulté des scientifiques. Par exemple, les prochaines molécules médicamenteuses sont probablement dans la mer. De même, le réservoir de la biodiversité, ce sont probablement les océans, qui sont responsables de beaucoup de phénomènes climatiques. On dit bien que la Terre est la planète bleue ! Dans les expéditions spatiales, on recherche toujours la présence d’eau. »

On pourra heureusement continuer à compter sur Thalassa pour nous rappeler nos obligations, grâce aux nombreuses rencontres que fait depuis des années l’émission avec des acteurs de premier plan – souvent inconnus – dans le combat pour préserver au mieux les mers et les océans. Comme le précise Sabine Quindou : « Beaucoup de marins, de travailleurs de la mer sont très engagés sur ce point. Ils donnent du sens à leur travail, comme cet homme qui a acheté le Kraken (un trois-mâts-goélette utilisé pour la dépollution et que Thalassa a récemment présenté, NDLR). La mission de Thalassa, c’est justement d’orienter là-dessus. On a encore du pain sur la planche ! J’ai beaucoup de projets – je sais raconter des histoires à un public familial. Thalassa, c’est une marque, plus qu’une émission.»

« Seule la musique est à la hauteur de la mer »

L’écologie n’est pas le seul point qui préoccupe Sabine Quindou, dont le regard se pose aussi sur un certain nombre de questions sociales. Son refus de l’élitisme et de la catégorisation des individus a été à l’origine d’un projet né tout récemment, Sabine Sorcières et Compagnie, dont le principe est d’élargir au maximum l’accessibilité à la musique classique.

Si ce concept resplendissant d’humanité ne semble pas directement lié à son activité pour Thalassa, Sabine nous explique en fait que toutes ses activités, d’ordre journalistique, scientifique ou musical, sont liées par un « pont direct » : « On me dit touche-à-tout, mais en fait j’ai appris avec C’est pas sorcier à travailler sur le fond et la forme. Même dans une émission de vulgarisation, on doit traiter le sujet sans prendre le public pour des andouilles. C’est ce que je fais. »

Quel est donc ce pont ? Elle nous explique : « Comme Albert Camus l’écrit, seule la musique est à la hauteur de la mer. Il est très important dans notre époque de partager, de mettre le beau à disposition du plus grand nombre. Il faut ouvrir les yeux et les oreilles. La musique classique n’est pas réservée à une élite bourgeoise. Il arrive qu’un petit métis n’arrive pas à comprendre cela, parce qu’il se sent enfermé dans une catégorie. Je suis contre ça, mais je n’y arriverai pas seule. Je suis d’origine Martiniquaise, et je suis inspirée par le conte martiniquais du colibri qui ‘‘fait sa part’’ en essayant d’éteindre un incendie en puisant de l’eau avec un dé à coudre. Ce que je fais, c’est une goutte d’eau, mais c’est ma part. »

Quentin Meyer

Sabine Quindou © Gilles GUSTINE – FTV

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