Episode 2/3 : Rejeter un système politique obsolète
À l’origine du bouleversement se trouvaient quatre listes et sept bureaux de vote. S’ensuit l’élection de la liste menée par Jean-Claude Georget qui devient maire. Deux ans plus tard, les démissions sont nombreuses, les chaises du conseil municipal sont laissées vides et de nouvelles élections doivent avoir lieu. Pourtant, toutes les conditions étaient réunies pour que la mandature se passe au mieux. La liste des 33 de M. Georget était motivée, l’opposition cherchait à remplir son rôle tout en adoptant une posture « constructive » comme aime à le rappeler M. Lombard, ancien élu de l’opposition. Toutefois, de multiples facteurs sont venus perturber le gouvernement tranquille de la ville haut-savoyarde.
Cet article fait partie d’une série de trois articles sur les transformations politiques à La Roche-sur-Foron. Le Premier épisode est à retrouver ici.
Maladresses et isolation du pouvoir
La désagrégation progressive du pouvoir du maire en place commence par une gestion de la prise de décision et des relations entre élus qui accumulent les maladresses. M. Lombard explique : « Les adjoints de M. Georget dénonçaient le fait que des décisions étaient prises sans même qu’ils aient été mis au courant, contrairement à ses engagements de campagne. » Il évoque un maire absent, éloigné de ses concitoyens, ceux-là tenus à l’écart de la chose publique. Au fil des blessures qu’il inflige à son image et à celle de son camp politique M. Georget finit par fournir les conditions nécessaires à une cascade de démissions dans sa propre majorité. La liste de 2020 ne permettant plus de combler les sièges laissés vides du conseil municipal, les élus de l’opposition n’avaient plus qu’à démissionner eux aussi pour engendrer des élections partielles intégrales et faire tomber M. Georget qui « ne bénéficiaient plus d’un crédit politique suffisant pour continuer à gérer la commune ». C’est ce qu’ils firent en mars 2022.
Brouillage des camps et des champs
Cette gouvernance particulière n’est pas la seule responsable de l’effondrement de la majorité municipale. En 2020, une controverse éclate suite à une alliance électorale pour le moins étonnante. Lors de l’élection municipale, seules trois des quatre listes présentes au premier tour atteignent le second tour, celles de MM. Chomat – Divers Centre –, Maure – Divers Droite et maire sortant – et Georget – Divers Ecologistes et liste la plus à gauche de l’échiquier politique municipal. La dernière liste, celle de M. Broisin – Divers, pouvant être qualifiée de liste la plus à droite – recueille moins de 10% des suffrages exprimés ce qui ne lui permet pas de se maintenir au second tour. Alors que les trois autres listes se partagent équitablement le reste des voix, MM. Georget et Broisin fusionnent leur liste et remportent le second tour. Ainsi, les deux listes les plus opposées idéologiquement fusionnent pour ravir la mairie de La Roche. Stratégie payante à court terme qui s’enlise à moyen terme.
Alors interloqué par un tel arrangement électoral, M. Lombard explique : « On est dans une ville de 11500 habitants. Entre toutes les listes, il n’y a pas de clivage de fond mais des approches et des sensibilités qui divergent sur chacun des sujets que ce soit des sujets techniques comme la santé ou dans les valeurs. Il y a des différences de degrés et non des différences de nature. » C’est ainsi qu’il explique sa propre situation politique. Il est désormais membre d’une liste commune rassemblant tous les élus d’opposition des deux anciennes listes concurrentes de MM. Chomat et Maure. Il poursuit : « On est là dans le dépassement des étiquettes politiques. On est dans une trop petite communauté politique pour avoir des clivages trop puissants pour être rédhibitoires [NDLR : pour la constitution d’une alliance]. […] Les étiquettes gauche accolée à Georget ou droite à l’ancienne mandature n’ont pas beaucoup de sens au niveau local. »
Cette vision de la politique qui enjambe les clivages n’est pas du goût de tous à l’instar de M. Contat, ancien membre de la liste de M. Maure, qui a constitué une liste nouvelle en supplément de celle de M. Ducimetiere – liste sur laquelle figure M. Lombard.

Désaccords de fond et manquements aux promesses de campagne
À cela s’ajoutent des promesses non tenues et des dossiers qui trainent. Durant la campagne, M. Georget signe le pacte pour la transition porté par l’association Pays Rochois en Transition. Cet acte consistait en l’engagement sur au moins 10 mesures au choix parmi 35 réparties en 8 thématiques différentes concernant la transition écologique du territoire. M. Chambourdon, membre de l’association rochoise, se souvient : « Avec le Pacte, on a essayé. C’est de la frustration parce que on y avait mis énormément d’énergie et on se rend compte que tout capote parce qu’il y a eu une organisation merdique à la mairie. On avait toutes les conditions pour que ça marche. Un pacte de signé, le maire qui devient président de la Communauté de Commune du Pays Rochois. Au niveau national, ils nous ont dit que nous étions quasi sous les projecteurs « vous allez être l’exemple de comment le pacte peut bien fonctionner sur un territoire ». Finalement, ça a été l’exemple de tous les problèmes politiques avec une personne qui avait un ego surdimensionné en haut et qui a tout foutu en l’air. Je ne blâme pas toute la liste parce qu’elle est composée de plein d’autres gens professionnels et impliqués. C’est une grosse frustration. » En sus, Théo Lombard dénonce un manquement à ses engagements concernant la maison de santé qui devait voir le jour dans la ville.
Renouvellement de la vie politique, le besoin d’une équipe au plus proche des rochois
Alors, pour faire face à ces problèmes, la liste La Roche ! se propose en alternative la plus sérieuse à la duarchie Georget et Broisin. « Nous, on se situe dans une perspective de renouvellement du personnel politique. Là, à part MM. Georget et Broisin, toutes les anciennes figures ont disparu. Il y a un renouvellement démocratique qui existe partout et effectivement, c’est La Roche Pour Demain qui l’a initié lors des dernières municipales. Cela a permis à des jeunes qui ont le sens de l’intérêt général d’accéder au politique. » développe M. Lombard. Le mouvement de « dégagisme » a fonctionné. Lors de cette élection, toutes les têtes de listes sont renouvelées, aucune d’entre elles ne s’étant déjà présentée pour occuper la fonction de maire.
Pour faire face à la politique des barons, M. Lombard appelle à une équipe au plus proche des habitants de la commune. « Pour assainir la vie politique à La Roche, il faut que le maire soit présent déjà. La question démocratique se traite par deux aspects, ça passe par les mécanismes qu’on choisit pour que les citoyens participent davantage à la prise de décision mais ça passe aussi par un état d’esprit de ceux qui sont en responsabilité. Je pense que le maire doit être présent chaque fois qu’il y a le marché, être présent dans les rues pour qu’il soit « à portée de baffe », voire qu’il se soumette à des consultations à portée exécutoires qui pourraient le révoquer. »

La bonne politique municipale, entre technique et proximité
De là découle un nouveau champ du bien agir en politique. Pour la liste La Roche !, la trajectoire à suivre a été décidée : « On est dans une approche technique pour ces quatre prochaines années pour faire ce que M. Georget n’a pas fait en 2 ans. La question principale de divergence [entre les deux listes qui n’en font plus qu’une] il y a deux ans reposait sur Andrevetan [NDLR : Andrevetan est un ancien hôpital vendu par la mandature 2014-2020, cet acte est controversé et actuellement traité par la justice administrative] mais le procès en cours attend une décision du Conseil d’Etat. Cela met entre parenthèses cette opposition. » L’affaire fait tout de même grincer les dents les concurrents comme M. Chambourdon qui déplore qu’il y a « dans la même liste ceux qui ont fait un procès et ceux qui ont facilité l’achat, donc là il y a quand même quelque chose qui ne va pas. »
M. Lombard définit clairement le cadre dans lequel s’inscrit la candidature de M. Ducimetiere et de sa liste : « L’objectif de cette campagne municipale, de cette élection et de la fin de la mandature, c’est de rattraper le retard, il y a donc un besoin d’agir. La politique est un assemblage subtil entre présence sur le terrain, prise en compte des doléances et efficacité sur des sujets cruciaux. Nous avons besoin d’une municipalité éclairée donc, bienveillante, qui a conscience de la direction qu’il faut prendre pour satisfaire l’intérêt général tout en incorporant pleinement les citoyens délaissés et désintéressés de la politique. »

Leur vision pourrait être qualifiée de « technique » par la liste concurrente La Roche Autrement dont la structure repose sur la démocratie délibérative et l’inclusion du plus grand nombre dans la prise de décision. M. Chambourdon récuse la politique des techniciens autant que celle des barons : « Aujourd’hui, la manière de prendre des décisions est la suivante : un technicien arrive avec cinq slides, fais son powerpoint, demande si tu préfères le vert ou le rouge « Allez on prend le vert on y va » et il n’y a personne qui a compris quels étaient les enjeux, le diagnostic posé. Ça, on n’en veut plus. »
Pour apprécier cette vision nouvelle, plus ouverte de la politique, et comprendre l’importance de la participation populaire à la prise de décision, vous pouvez lire le 3e article de cette série.
Par Adrien Desingue
Les listes :
des listes :
La liste La Roche ! et sa tête de liste, Pierrick Ducimetière, quatrième en partant de la droite au premier rang :

Liste La Roche Autrement et sa tête de liste, Jehanne Degrasset, en pull bleu au centre de la photo, au premier rang :

La liste La Roche, ville d’Avenir et sa tête de liste, Michel Montant, quatrième en partant de la gauche au premier rang :

La liste La Roche Ensemble et sa tête de liste, Patrice Contat, troisième en partant de la gauche :

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