Marie-Charlotte Garin, une bouffée de vert frais à l’Assemblée nationale

Dans le cadre de notre conférence sur la désobéissance civile à la Maison de l’écologie de Lyon, le 20 mai prochain, Combat vous présente ses invités. Aujourd’hui, Marius Matty vous emmène à la rencontre de Marie-Charlotte Garin, députée écologiste !

« Ecoféministe queer », selon ses mots, la néo-députée de quasi 28 ans s’est notamment fait connaître en bataillant pour le groupe écolo contre la réforme des retraites et en portant la robe de l’ancienne ministre Cécile Duflot, qui lui avait valu des remarques sexistes dans l’hémicycle. Portrait.

Le Palais Bourbon, c’est une méga-bassine de pouvoirs, des centaines de mètres carrés de dorures, des tonnes de pierres et quelques morceaux de verdure. Dans cet environnement bien austère, certains y dégotent tout de même un bout de poésie. Il suffit d’un brin de romarin. En voilà un dans la paluche gauche de la députée à qui, d’ici quelques minutes, on va tirer le portrait, pendant que la droite nous sert la pince. On n’a pas l’habitude de voir des parlementaires à la main verte, alors on s’interroge : « Vous l’avez trouvé où ? » « Dans une cour de l’Assemblée nationale, sourit Marie-Charlotte Garin, benjamine du groupe écologiste. Ça me rappelle l’Ardèche de mes parents. » On est transporté dans l’espace et le temps par une femme née à Vernon dans l’Eure, qui a vécu une partie de son enfance à Chypre et a étudié, un temps, aux Etats-Unis.

Un voyage qui nous mène, aussi, au 28 juin 2022, lorsque les députés inauguraient leur nouveau mandat. La néo-députée de Lyon s’était alors fait remarquer en portant la robe de Cécile Duflot, qui avait valu à cette dernière, en 2012, des remarques sexistes dans l’hémicycle quand elle était ministre. Une manière de suivre le chemin tracé par celle que la jeune parlementaire considère comme une « incarnation de la femme écologiste ». Alors qu’elles se connaissaient à peine. Mais il a suffi de quelques échanges et le tour était joué. « C’était très touchant. Parce que le soir du premier tour, j’ai eu un SMS me disant ‘’Je repasse la robe !’’ Et le soir du 2e tour, le premier coup de fil que j’ai eu quand on a su que j’avais gagné, c’était Cécile pour me féliciter et me dire ‘’je te la file la semaine d’après’’. »

Pour sa première rentrée à l’Assemblée nationale, Marie-Charlotte Garin enfilait la robe de l’ancienne ministre Cécile Duflot, qui lui avait valu des remarques sexistes dans l’hémicycle. DR

Du sensible en politique

« Cette forme d’action politique qui ne se passe pas de l’esthétique et de la poésie, ça me parle beaucoup, détaille la jeune femme. Alors que nous sommes dans un monde où prédominent le rationnel, l’ego et la violence, qui écrasent tout. Je me demande comment faire revivre cette mobilisation imaginaire et symbolique. »

De l’artistique couplé à de l’humour. On lui remet en mémoire une photo, prise lors d’un débat en novembre dernier, d’Hadrien Clouet, député La France insoumise (LFI), Arthur Delaporte, député Parti socialiste (PS) et elle-même, tous à peu près trentenaires et militants infatigables du rassemblement au sein de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES). Un cliché accompagné d’un tweet : « Ron, Harry et Hermione nouvelle génération en séance pour combattre les détraqueurs de l’assurance chômage. » « Comme on a tous plus ou moins le même âge, on a une proximité de vues », observe Arthur Delaporte. Et d’ajouter un sourire en coin : « On fait de la politique sérieusement, sans toujours se prendre au sérieux. »

L’âge : pas un sujet

Cela n’empêche aucunement la jeune femme de faire le boulot avec rigueur. On en veut pour preuve son CV. Au front de la bataille parlementaire des retraites pour faire la lumière sur le sexisme du projet de loi, elle est également cheffe de file des écolos sur la réforme de l’assurance chômage ou encore vice-présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. Avant d’être députée, elle était aussi devenue en 2021, à seulement 25 ans, directrice de cabinet de la maire du Ve arrondissement de Lyon, Nadine Georgel. « Pour moi, l’âge n’était pas un sujet », tranche-t-elle, chantant quelques louanges au passage : « Elle a une sensibilité à l’égalité femmes-hommes, une vraie fibre sociale. Elle écoute les gens. D’ailleurs, on a inauguré la semaine dernière un projet qui a pu voir le jour grâce à elle. »

« Quand on m’a proposé ce poste de directrice de cabinet, j’ai dit ‘’Les gars, j’ai 25 ans, vous voulez vraiment me filer les clés de la baraque ?’’, se marre celle qui était juste avant collaboratrice du groupe écologiste à la mairie de Lyon. J’ai paniqué une semaine. Puis, j’ai accepté. J’ai eu la chance, dans mon parcours, d’avoir des femmes qui m’ont fait confiance et qui m’ont expliqué que l’âge n’était pas un sujet. A partir de là, j’ai pensé qu’il fallait aussi faire confiance aux gens qui nous font confiance. »

« Queer », mais pas que

Une assurance bâtie aussi grâce à la fierté qu’elle a de porter, entre autres, certaines voix. A commencer par celle des personnes LGBT+, communauté à laquelle elle revendique publiquement l’appartenance en tant que « queer ». « Quand je demande à Elisabeth Borne, le 19 juillet 2022, pourquoi son gouvernement est composé de personnes comme Caroline Cayeux qui tient des propos homophobes, c’était une évidence que j’étais la mieux placée pour poser la question chez les écolos, avance celle qui explique, en parallèle, ne pas se réduire à une identité. C’était la première fois que je prenais la parole dans l’hémicycle, mais je n’avais pas peur. Parce que j’étais exactement à la juste place. Je savais pourquoi je parlais. »

Mais, alors, s’investirait-elle seulement sur les sujets qui la touchent ? La réponse tient en trois lettres. Elle bosse aussi sur son cœur de métier, le handicap. Après un master en développement international obtenu à Sciences Po en 2018, elle avait poussé la porte de l’ONG Handicap International pour devenir chargée de projet « Genre et handicap ». A l’Assemblée nationale, elle planche sur un tas de sujets sociaux, dont le handicap, la pauvreté, les violences intrafamiliales et les inégalités de genre. Comme une continuité avec son parcours associatif, lorsqu’elle était, en master entre 2017 et 2018, co-présidente de Paris solidaires, l’association chargée des actions sociales telles que des maraudes, des collectes de dons alimentaires et de produits d’hygiène ainsi que de l’aide aux réfugiés.

Plus rouge que verte ?

« Mais, Madame Garin, vous êtes plus rouge que verte ! », lance-t-on d’un air taquin. La réplique est directe et rigoureuse. « Quand, en commission des affaires sociales, je parle des conditions de travail sous 50°C, c’est écologiste. Idem pour le droit au repos », argumente-t-elle. En concédant, cependant, une approximation : « Quand je dis que je veux revenir à des sujets plus écolos, ce que je veux dire, c’est ‘’plus environnementaux’’. » « Ça a été l’origine de mon engagement politique », complète l’élue. Quoi de plus écolo que quelqu’un qui revient aux racines et à la source ?

Frileuse, quasi dégoûtée de ce qu’elle a vu des partis politiques à la rue Saint-Guillaume, mais passionnée de la chose publique, elle pousse, timide, la porte des écologistes en septembre 2018. Il le fallait bien, pour elle, c’était presque vital. « Je fais le constat qu’un ministre [Nicolas Hulot] démissionne en disant que les petits pas ne suffisent pas, regrette Marie-Charlotte Garin. Je considère alors que je suis au maximum des petits pas individuels dans le quotidien. En gros, c’est sauve-toi toi-même. Si les autres n’agissent pas, alors il faut mettre les mains dans le cambouis. » Mais pas n’importe quel cambouis. Parce que, une certaine indépendance, elle y tient. Officiellement, elle n’a soutenu, ni à la primaire ni au congrès des écologistes, personne.

Face à Macron, une colère calme

Pourtant, on l’aura compris, sa ligne « écoféministe » est claire. Ce qu’elle rejette, ce qui la crispe, la met en rogne, l’est encore plus : « Je suis en colère face à ce mur, cette déconnexion, ce déni de la Macronie et, surtout, face à l’immense responsabilité qu’ils ont dans la montée du Rassemblement national] en faisant le pari qu’ils gagneront toujours contre eux. Alors que plus grand monde n’est prêt à faire barrage. Ils se coupent de la base. La visite à Lyon du 8 mai de Macron m’a beaucoup marquée. Tout est millimétré, aseptisé. Ça doit être bien dur et triste de diriger un pays tout en étant coupé de cette richesse, ces capteurs, ces remontées. Moi, j’adore faire mes permanences sur les marchés. »

Peu importe, son ancienne opposante aux législatives, Sarah Peillon, membre du parti Renaissance (anciennement LREM), si elle salue sa « courtoisie » et « une campagne très respectueuse », ne la trouve pas assez présente sur le terrain : « Le gros bémol, c’est qu’elle est députée de Lyon, comme elle pourrait être députée de Nantes ou de Strasbourg. Il n’y a pas vraiment d’ancrage, pas vraiment d’appétence pour apprendre à connaître ses administrés. » « Mon agenda est public : je suis à Paris la moitié du temps et l’autre moitié, je suis en circonscription », balaie la principale intéressée.

Des luttes en héritage

Dans ses nombreuses rencontres, ce qui la touche le plus, ce sont les « aînés ». « Surtout ceux qui se retrouvent sur mes combats. Parce que j’ai longtemps grandi avec l’idée qu’il y avait un fossé générationnel. En fait, ce n’est pas le cas. Ils me parlent de leur inquiétude sur le climat ou la retraite qu’ils ont pu avoir, dont certains ont dû s’arrêter plus tôt tellement c’était dur. Dans les générations au-dessus, on a des alliés. Et parfois les premiers alliés, parce qu’ils ont mené des combats quand ils étaient seuls. »

Une fidélité à l’héritage des luttes que l’on retrouve parmi ses sources d’inspiration comme les « suffragettes » et les « 343 salopes ». Prête à prendre et à donner des coups encore longtemps – ceinture noire de karaté, elle a goûté « au sang, à la sueur et aux larmes » –, elle ne s’imagine pas arrêter de se battre tant qu’il y aura « un monde en peine ». Demain, confie-t-elle, « ça prendra peut-être une autre forme ». Mais, aujourd’hui, c’est à l’Assemblée nationale que ça se passe. Alors que « personne ne m’imaginait députée ». « Même pas vous ? », demande-t-on. Elle rigole : « Non. Sinon, je me serais préparée encore un peu plus ! »

Par Marius Matty

Laisser un commentaire